Lutter contre la discrimination des femmes racisées en emploi
En plein contexte de pénurie de main-d’œuvre au Québec, la non-reconnaissance des diplômes et de l’expérience acquise hors Québec par les femmes immigrantes met un frein à leur accès au marché du travail.
Le comité de lutte contre la discrimination et le racisme du Réseau d’action pour l’égalité des femmes immigrées et racisées du Québec (RAFIQ) a dévoilé ses constats et ses recommandations pour combattre la discrimination et le racisme à l’endroit des femmes immigrées et racisées sur le marché du travail, lors d’une conférence de presse tenue le 28 mars.
Issu d’un projet collaboratif mené pendant deux ans, le plaidoyer récemment publié sur le site de l’organisme aborde notamment les obstacles qui freinent l’intégration des femmes immigrantes à la société québécoise, dont l’écart salarial, la difficulté d’accès à un emploi correspondant à leurs compétences et la non-reconnaissance de leurs acquis académiques et professionnels.
«Nous espérons que ces recommandations inciteront les institutions, les gouvernements, les organisations et les employeurs publics et privés à mettre en œuvre ces mesures concrètes pour soutenir les femmes immigrées et racisées et leur garantir une égalité de droits et de traitement», dit Mariame Cissé, membre du comité.
Un système qui fait fi des compétences
Parmi les enjeux abordés se trouve celui de la non-reconnaissance des diplômes et de l’expérience acquise hors Québec par les femmes immigrantes.
En entrevue avec Métro, Yasmina Chouakri, directrice générale du RAFIQ, indique que cette problématique demeure à l’origine de la déqualification d’un grand nombre de femmes immigrantes à l’emploi, en plein contexte de pénurie de main-d’œuvre au Québec.
«On encourage des femmes immigrantes très scolarisées à aller travailler dans des secteurs traditionnellement féminins qui ne correspondent pas à leur niveau de compétences et qui ne sont pas rémunérés adéquatement.»
Pour sa part, Michelle Hangnilo, coordonnatrice des projets et adjointe à la direction du RAFIQ, déplore que les femmes diplômées à l’étranger soient poussées à se tourner vers une formation rapide pour occuper des emplois de préposées aux bénéficiaires, éducatrices en service de garde ou représentantes au service à la clientèle, qui ne correspondent pas à leurs qualifications.
Elle regrette également l’endettement important des femmes immigrantes qui retournent aux études en vue d’obtenir un nouveau diplôme au Québec pour pouvoir travailler dans leur domaine.
On les oblige à suivre une formation pour acquérir un niveau de compétences qu’elles avaient déjà avant d’arriver ici.
Michelle Hangnilo, Réseau d’action pour l’égalité des femmes immigrées et racisées du Québec
«Cela décourage beaucoup de femmes, qui se tournent alors vers une formation courte [dans un autre domaine] afin d’intégrer le marché du travail», dit-elle.
Le RAFIQ propose la constitution d’un groupe de travail composé par le comité sectoriel de la main-d’œuvre et des organismes de femmes immigrantes dans le but de faire avancer la question de la reconnaissance de diplômes au Québec.
Il demande également des actions afin de promouvoir les formations en sciences et aux métiers techniques auprès des jeunes femmes issues de l’immigration.
Habiliter les femmes
Dans le cadre de son projet Développer le leadership des femmes immigrantes en matière de lutte à la discrimination et au racisme, le réseau a organisé 22 ateliers de sensibilisation à l’automne dernier, en partenariat avec des organismes de femmes, d’accueil et d’intégration des immigrants à travers la province.
Plus de 300 femmes immigrantes ont participé aux ateliers qui visaient à leur faire connaître leurs droits et les ressources qui s’offrent à elles pour dénoncer les situations de discrimination.
Nous avons recueilli beaucoup de témoignages de femmes découragées par les difficultés professionnelles qu’elles rencontrent. Leur estime de soi est brisée par leur vécu.
Michelle Hangnilo, adjointe à la direction et coordonnatrice des projets du RAFIQ
La directrice générale du RAFIQ, Yasmina Chouakri, souligne que les ateliers visaient à «outiller les femmes immigrantes à devenir des leaders pour défendre leurs droits et lutter au quotidien contre toutes les formes de discrimination et du racisme systématique».
«Malheureusement, les femmes immigrantes sont peu nombreuses à porter plainte lorsqu’elles sont victimes de discrimination et du racisme en emploi, en matière de logement ou autre.»
Serrer la vis au secteur public
Elle attribue l’inefficacité des politiques existantes en matière d’égalité en emploi à la non-imputabilité des organismes publics, qui «n’ont pas de comptes à rendre» à cet égard.
«C’est un problème qui subsiste depuis de nombreuses années, alors que le Québec possède tous les outils juridiques nécessaires pour pallier la discrimination systémique en emploi», affirme Mme Chouakri.
Elle déplore le pouvoir limité de la Commission des droits de la personne auprès des organismes publics qui n’atteignent pas le ratio d’embauche des personnes issues des minorités ethnoculturelles, des personnes autochtones ou en situation de handicap.
On doit lever tous les obstacles à l’intégration à l’emploi dans tous les secteurs de la société. Malheureusement, ça n’avancera pas si cela ne devient pas une obligation.
Yasmina Chouakri, directrice générale du RAFIQ
Le comité demande l’élargissement de l’application de la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans la fonction publique, notamment auprès des ministères, ainsi que la mise en place d’un suivi systématique et des mesures coercitives en cas de non-respect de son application.
L’accès égal à l’emploi, une priorité
Mme Hangnilo souligne que le comité permanent formé à l’issue du projet permettra au RAFIQ et à ses partenaires de continuer à se pencher sur toutes ces questions dans les prochaines années, réitérant toutefois que la question de l’emploi demeurera sans doute prioritaire.
«On parle de pénurie de main-d’œuvre, mais il y a une main-d’œuvre compétente et expérimentée qui est déjà là et qui n’est pas exploitée», conclut-elle.
Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.