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Sépultures d’enfants autochtones: les fouilles commencent au Royal Victoria

Les Mères Mohawks devant le palais de justice de Montréal, accompagnées d'orphelins de Duplessis et de Lana Ponting, une survivante du programme MK-Ultra.
Les Mères mohawks devant le palais de justice de Montréal, accompagnées d'orphelins de Duplessis et de Lana Ponting, une survivante du programme MK-Ultra. Photo: Quentin Dufranne/Métro

Un accord conclu jeudi autorise le début des fouilles archéologiques sur le site de l’ancien hôpital Royal Victoria pour établir si des enfants autochtones y ont été enterrés.

Tel David contre Goliath, c’est sans avocat que les Mères mohawks se sont présentées aujourd’hui au palais de justice de Montréal devant l’honorable juge Gregory Moore. Elles faisaient face à une marée d’avocats venus représenter les parties défenderesses, soit l’Université McGill, la Société des infrastructures du Québec (SQI) ainsi que des instances gouvernementales.

C’est avec beaucoup d’émotion que Kwetiio, une des Mères mohawks, a plaidé seule pour que l’accord convenu entre les partis le 6 avril dernier soit homologué. Ce processus vise à inscrire cet accord comme partie intégrante du jugement, ne permettant donc à aucun parti de le rompre.

«Si l’homologation ne se fait pas, nous n’avons pas d’accord, a lancé Kwetiio pendant l’audience. Maintenant vous nous demandez de vous faire confiance, mais je ne peux pas vous faire confiance si vous décidez qu’il ne sera pas homologué. C’est assurer notre sécurité et celle de nos enfants.»

Le juge Moore a finalement accepté la demande des Mères mohawks. L’accord prévoit le début immédiat des fouilles archéologiques sur le site et demande aussi à l’Université McGill, au Centre universitaire de santé McGill et au procureur général du Canada un accès accéléré aux archives.

Les Mères mohawks devront maintenant décider si elles souhaitent mettre sur pause ou non le reste du procès pendant plusieurs mois comme le demande le procureur général du Québec. En effet, elles ont aussi entamé des poursuites contre le gouvernement au sujet de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec en lien avec le site ancestral de l’actuel mont Royal.

Un combat d’un an

Cela fait maintenant plus d’un an que ce groupe de six aînées mohawks a entamé un recours judiciaire pour faire suspendre immédiatement les travaux menés sur le site de l’ancien hôpital Victoria et de l’Institut Allan Memorial pour la construction du projet «Nouveau Vic» par l’Université McGill. Elles avaient alors demandé la tenue de fouilles archéologiques appropriées qui respecteraient les dépouilles possiblement présentes sur le site.

Selon elles, le site pourrait abriter des vestiges archéologiques du premier village iroquois précolonial. Les plaignantes souhaitent aussi que le terrain entourant l’Institut Allan Memorial fasse l’objet de fouilles pour retrouver d’éventuelles tombes anonymes issues des atrocités commises au cours du programme MK-Ultra, entre 1954 et 1963, par la CIA et le Canada.

Le Dr Donald Cameron y aurait conduit des expérimentations humaines illégales pour déterminer si des drogues et des techniques psychologiques pouvaient être utilisées dans le contrôle de l’esprit. Des patients auraient ainsi subi des séances d’électrochocs, de la prise de LSD, mais aussi des techniques de privation de sommeil et autres atrocités.

«J’ai été torturé, tout le monde était torturé»

À la demande des Mères mohawks, le juge Moore a appelé une des dernières survivantes du programme MK-Ultra, Lana Ponting, à témoigner à la barre. Âgée de 82 ans, elle est venue tout droit de Winnipeg pour raconter ce qu’elle y a vécu.

Lana Ponting n’avait que 16 ans en 1958 quand elle s’est retrouvée entre les mains du Dr Cameron. Elle dit se souvenir parfaitement de ce qu’elle a pu y voir et entendre, et affirme avoir été torturée par ce médecin.

«J’ai été torturée, tout le monde était torturé. Il n’y a pas de limite à la torture, explique Lana Ponting. J’ai vu des enfants à l’Allan [Memorial] qui buvait une boisson et d’un seul coup ils ont commencé à agir bizarrement… Selon moi, le Dr Cameron avait mis quelque chose dans leur boisson.»

Âgée de 82 ans, Lana Ponting se souvient parfaitement de son passage à l’Allan Memorial; Quentin Dufranne / Métro Média

Lors de son allocution, Mme Ponting s’est remémoré cette fillette autochtone aux longues nattes noires qui s’appelait Morning Star et qu’elle avait rencontrée à son arrivée à l’institut. Cette dernière aurait été victime d’électrochocs avant de disparaître. Lana Ponting ne la reverra plus jamais.

«Je l’ai vu deux ou trois jours et, tout d’un coup, elle a disparu. J’ai demandé où elle était et personne ne savait, explique-t-elle. Où est-elle allée? Où sont-ils tous allés? Nous voulons savoir où tous ces enfants sont allés.»

J’ai vu des gens creuser dans le sol avec mes propres yeux.

Lana Ponting, survivante du programme MK-Ultra

Lana Ponting se souvient des rumeurs qui circulaient au sein de l’institut concernant des corps enterrés non loin de l’établissement. Elle se souvient de ce qu’elle y a vu un soir et qui marquera à jamais son esprit.

«Un soir, je suis sortie dehors, j’ai vu des personnes avec des pelles au manche rouge, ils creusaient dans le sol et je me suis demandé ce qu’ils faisaient, a expliqué Lana Ponting. Il y a des corps enterrés sur cette propriété, j’en suis convaincue, j’y étais, j’ai vu et j’ai entendu des gens dans l’Allan [Memorial] parler des corps enterrés aux bords de la piscine alors ne dites pas qu’il n’y a pas de corps là.»

Mme Ponting demande des excuses officielles de la part du premier ministre Trudeau ainsi qu’une enquête publique et une compensation pour les victimes du Dr Cameron.

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