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Les réfugiés de l’itinérance

Photo: Yves Provencher/Métro

Depuis déjà 24 ans, plus de 18 000 jeunes hommes de 17 à 25 ans ont tenté, souvent avec succès, de se défaire des griffes de l’itinérance en passant par le Refuge des jeunes de Montréal. À l’occasion du lancement jeudi du Show du Refuge animé par le musicien Dan Bigras, Métro a rencontré la directrice et cofondatrice du Refuge, France Labelle, qui a travaillé avec ces milliers de jeunes sans-abri.

Comment le refuge a-t-il changé depuis sa fondation en 1989?
Au début, il n’y avait pas beaucoup de jeunes, dans la rue. Quelques centaines de jeunes transitaient dans les rues de Montréal, maintenant on parle de milliers. Ce qui s’est complexifié, ce sont les gens qui souffrent de problèmes de toxicomanie ou de problèmes mentaux.

Il y a-t-il plus de problèmes ou les problèmes sont plus complexes?
Les formes de toxicomanie ou de problèmes de santé mentale sont plus graves.

Comment vous adaptez-vous?
Notre approche est individualisée. Chaque jeune est jumelé avec un intervenant. Si, par exemple, un jeune souffre de toxicomanie, on va tenter d’établir un lien et on va tenter de l’amener vers des services appropriés. Mais ça peut prendre du temps et des partenaires. Il y a une série de conditions qui ne sont pas toujours là.

Il y a beaucoup de tentatives de s’en sortir. Il y a aussi beaucoup de quêtes, au sens philosophie. Et il y a encore beaucoup d’espoir et de rêves. Des fois on les regarde et on ne sait pas par où on va prendre ça. Il y a des jeunes qui vont dire: ce n’est pas si pire que ça!

Le visage des jeunes s’est aussi transformé?
On est rendu à avoir entre 18 et 20% de jeunes issus de communautés culturelles, qu’ils soient nés ici ou ailleurs. Certains jeunes nouvellement arrivés qu’on voit ici… il y a souvent de la sous-scolarisation, moins d’accès au travail.

Les gens ont aussi des préjugés?
Oui. C’est le cas aussi pour les enfants de deuxième génération pour qui leur identité n’est ni québécoise ou ni celle de leur pays d’origine.

Vous travaillez aussi sur les besoins à long terme?
Ici, on peut rencontrer les jeunes sur plusieurs années parce qu’il y en a qui reviennent. Certains vont réussir à se trouver quelque chose, mais ça va être dans la précarité, par exemple une colocation à plusieurs, avec des petits boulots. Eux ils sont plus fragilisés, alors c’est possible qu’on les revoie.

Faites-vous un suivi avec les jeunes?
En fait, ils peuvent revenir, pour un repas, pour un panier d’épicerie. Chaque mois, 80 jeunes viennent chercher un sac d’épicerie, parce qu’ils sont en situation précaire.

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Est-ce que des jeunes se promènent de centre d’aide en centre d’aide?
En fait, on est les seuls à Montréal à travailler avec les 17 à 25 ans.

Gagneriez-vous à grossir alors?
On a 45 lits d’urgence et c’est rare qu’on ait un dépassement. Au niveau du logement social par contre… On a 19 jeunes qui sont locataires dans leur logement, mais qui sont soutenus par le refuge. Il faut développer ça. Mais notre objectif n’est pas de rendre les gens dépendants… c’est de les accompagner dans leur besoin actuel. C’est pour ça qu’on a besoin de plusieurs modèles d’intervention.

Certains jeunes, on les accompagne pendant des années, et je les revois parfois. Ils peuvent être complètement accrochés à la drogue. Il y en a que j’ai beaucoup connus et qui ne nous reconnaissent plus… on les a échappés. Ça fait parti de notre travail. On a encore des jeunes qui meurent.

On est comme une base pour les jeunes. C’est arrivé que des jeunes se soient rendus jusqu’au refuge en surdose et qu’ils soient tombés à la porte, littéralement. Et ils l’ont échappé belle. S’ils n’étaient pas revenus, ils seraient morts dans une ruelle.

Votre survie comme organisme est quand même précaire?
Elle demeure précaire, parce qu’il n’y a pas de récurrence. On a un budget de 1,5M$ et là-dessus il faut faire 60% d’autofinancement, le Show du refuge représente environ 300 000$.

Y a-t-il un désengagement des gouvernements?
Pas un désengagement, mais il n’y a pas d’engagement. Un logement social, c’est entre 10 000 et 12 000$ pour la permanence. C’est moins cher qu’une institutionnalisation à 100 000$ par année. C’est un choix qu’on a à faire.

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