Soutenez

Le Québec est-il le modèle écolo qu'il croit être?

Métro, en collaboration avec l’Institut du Nouveau Monde, poursuit sa
nouvelle rubrique hebdomadaire. Chaque lundi, «Le Québec en questions»
vous invite à participer à une discussion autour d’un thème précis.
Dans le journal, trois personnalités et des jeunes ont entamé le débat.
Sur le web, il se poursuit avec leurs réponses complètes et vos
réactions.

Le Québec est-il le modèle écolo qu’il croit être?
Alors que le gouvernement canadien est pointé du doigt pour ses politiques timides en environnement, ici, au Québec, on se targue d’être écolo. Les Québécois recyclent, se chauffent à l’hydroélectricité et utilisent des sacs réutilisables. Et la Belle Province est celle qui produit le moins de GES au pays.

En 2006, un sondage SOM révélait que 90 % des Québécois étaient convaincus des dangers liés au réchauffement de la planète. En comparaison, 77 % des Américains et 51 % des Français  croyaient la même chose. Malgré cette conscientisation, pour plusieurs observateurs, il y a loin de la coupe aux lèvres et les Québécois ont tendance à se croire plus écolos qu’ils ne le sont en réalité.

Grand champion canadien de la production de déchets, le Québec en produit en moyenne 466 kg par habitant. Le parc automobile, quant à lui,  ne cesse de croître, passant de 2,68 à 2,87 millions de véhicules de 2002 à 2007, soit une augmentation de 3,5 %. Au niveau gouvernemental, on veut être un leader en matière d’environnement, s’occuper des parcs, des forêts, de l’eau et de l’air, et ce, avec un budget de seulement 211 M$ par année, ce qui représente une mince part du budget total de 63 989 M$. Alors le Québec comme modèle écolo, mythe ou réalité?

Trois personnalités se prononcent


Line Beauchamp
Ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs

«En matière de protection de l’environnement, le Québec est souvent cité en exemple. Lors de son passage à Montréal, en avril dernier, l’ancien vice-président américain et prix Nobel, Al Gore, a d’ailleurs affirmé que le Québec était « la conscience environnementale du Canada ».

Le Québec peut se targuer d’avoir le plus faible taux d’émission de gaz à effet de serre (GES) par habitant de l’ensemble des provinces et territoires canadiens, soit 11,1 tonnes, c’est-à-dire la moitié de la moyenne canadienne. Cette performance découle, en bonne partie, de la place que nous accordons à l’hydroélectricité depuis de très nombreuses années. Le Québec est d’ailleurs l’une des sociétés dans le monde qui fait le plus confiance aux énergies renouvelables. Actuellement, 95 % de l’énergie produite chez nous est de sources hydraulique et éolienne. Et ce n’est pas fini : à l’horizon 2015, de nouvelles infrastructures devraient permettre de produire 4 500 MW d’hydroélectricité et 400 MW d’énergie éolienne supplémentaires.

Bien sûr, tout n’est pas parfait, et il reste beaucoup de travail à accomplir sur plusieurs fronts. Force est d’avouer que les Québécoises et les Québécois consomment encore beaucoup trop d’eau et d’énergie, et qu’ils génèrent encore trop de matières résiduelles. Mais dans bien des domaines liés à la protection de l’environnement et au développement durable, nous faisons figure de pionniers.

Par exemple, le Québec s’est positionné à l’avant-garde des gouvernements nord-américains dans la lutte contre les changements climatiques, notamment par la mise en oeuvre du Plan d’action 2006-2012 sur les changements climatiques, de sa stratégie énergétique, de sa politique de transport collectif et de sa stratégie sur les technologies vertes. Il s’est aussi doté d’une nouvelle loi qui lui permettra de participer au plus important système de plafonnement et d’échanges de droits d’émission de GES en Amérique du Nord, en partenariat avec les provinces canadiennes et les États américains membres de la Western Climate Initiative (WCI).

Notre bonne réputation, nous l’avons acquise par notre engagement à bâtir une société où la protection de l’environnement se conjugue avec le développement économique et l’équité sociale. Cette volonté s’est traduite par la mise en Å“uvre de plusieurs actions d’envergure par lesquelles nous nous sommes résolument engagés sur la voie du développement durable. À bien des égards, le Québec peut être une source d’inspiration pour d’autres sociétés, un modèle à suivre. Et nous pouvons en être fiers!»


Daniel Breton
Président du groupe Maîtres chez nous 21e siècle

«Non.
 
Si la majorité de notre électricité est hydraulique, moins polluante que le charbon, mazout, gaz naturel et nucléaire, elle a tout de même de réels impacts environnementaux. Un Québec vert devrait ABSOLUMENT diminuer sa consommation d’énergie, mais c’est tout le contraire.

Nous sommes les plus grands consommateurs per capita d’électricité ( et d’eau ) au monde. Encourageant notre irresponsabilité, Hydro-Québec arnache plus de rivières, reconstruit la centrale nucléaire de Gentilly-2, etc.

Le gouvernement du Québec, à la solde des lobbies de l’énergie, appuie l’importation de gaz via Rabaska, l’exploitation du pétrole et du gaz, etc…

  • Entre 1990 et 2007, nos émissions de CO2 en transport ont augmenté de 36,7% et nous construisons de nouvelles routes.
  • Alors que le Québec était l’état nord-américain le plus à même d’atteindre les objectifs de Kyoto, il n’y arrivera même pas.
  • Hausse du nombre d’étudiants allant à l’école en voiture depuis 1999? 50%!
  • Si nous recyclons plus qu’avant, nous jetons encore plus.
  • La gestion de nos mines, une honte nationale, est faite sans suivi environnemental.
  • Sans parler du smog croissant, de la gestion des forêts, de la pêche et de l’agriculture…

Bref, le Québec étant vaste, la pollution peut être cachée.»


Hugo Latulippe
Cinéaste et producteur

«Non, le Québec d’aujourd’hui n’est pas un modèle pour personne sur ce plan, à part peut-être pour l’Arabie Saoudite. Il suffit de voyager un brin sur la côte ouest canadienne et américaine ou en Europe du Nord pour le comprendre assez vite. Ce n’est pas que nous manquons de penseurs. Nous produisons de fait beaucoup d’idées écologiques révolutionnaires; des trains de Bombardier à l’agriculture soutenue par la communauté d’Équiterre, de l’invention du moteur-roue à l’usinage d’éoliennes. Mais globalement, nous sommes des petits faiseurs. Nous avons le muscle de la vision d’État mou (ceci étant dit, je pense que les Québécois en général sont plus avancés que leurs politiciens).

Ce qui donne souvent bonne conscience aux gens d’ici, c’est le modèle énergétique d’HQ, lorsqu’on s’amuse à le comparer à celui des Albertains. Sophisme. Bien sûr qu’au premier coup d’oeil c’est plus vert! Mais je ne crois pas que nous ferons autrement qu’eux, lorsque nous découvrirons les mêmes gisements.

Il faut commencer à décoloniser le Québec. Il faut mettre sur pied le grand chantier de notre prochaine révolution afin de devancer les Suédois et les Norvégiens en 2020. Il faut qu’on soit connus pour notre simplicité volontaire nationalisée, notre agriculture biologique, notre plus petit ratio véhicule/habitant en Occident, notre réseau de train à grande vitesse, nos bâtiments à hauts rendements énergétiques, notre production manufacturière tout azimuts de machins et bidules costauds, recyclés-recyclables, fiables et durables, notre législation stricte en matière de responsabilisation sociale et environnementale des entreprises, etc.
 
L’heure est venu de définir le Québécois comme un être de conscience planétaire, comme un citoyen du monde écologiquement intelligent. En 2020, la culture Québécoise doit être reconnue à travers le monde comme une culture de respect, de modernité, d’innovation. Nous devons devenir cette société distincte-là. Comme lors de la bataille pour nous réapproprier nos leviers économiques ou celle pour protéger notre langue… cette prochaine bataille nationale ralliera ma génération. Nous en avons l’idée depuis un boutte… Asteur, il faut la mener! Y a de la job! »

L’avis des jeunes

  • Marie-Joëlle Carbonneau
    21 ans, étudiante en Communication, politique et société à l’UQAM et agente de mobilisation au Centre d’écologie urbaine de Montréal

«À mon avis, non, car aujourd’hui il y a plusieurs États dans le monde qui sont des modèles beaucoup plus avancés et inspirants que nous. Par contre, le Québec a déjà été un de ces modèles. Par exemple, dans les années 1970, le Québec était un leader dans le domaine de l’énergie propre avec l’hydro-électricité. Depuis, il me semble que nous en soyons restés là. En contrepartie, nous sommes un peuple conscientisé à l’importance de l’environnement et c’est une valeur de plus en plus importante au sein de la population. Cependant, je trouve que nous ne traduisons pas suffisamment cette pensée en actes… Par exemple, si nous sommes si écolos, pourquoi y a-t-il encore autant de voitures solo? Bref, le Québec doit reprendre la route verte par des gestes concrets s’il souhaite retourner sur le podium…»

  • Marion Dulude
    23 ans, animatrice au CLUB 2/3, division jeunesse d’Oxfam-Québec et éducatrice environnementale

«Imaginons que le Québec soit une personne que vous désirez courtiser. S’il est important pour vous que votre douce moitié ait des valeurs environnementales et qu’elle les mette réellement en pratique, oubliez le Québec, et tournez-vous plutôt vers l’Allemagne. En effet, le Québec se dit écolo, mais il faut se questionner. La construction du mégacomplexe hydro-électrique sur la rivière Romaine, est-ce écolo? Et le projet de terminal méthanier Rabaska? Et la position hésitante du Québec par rapport aux sables bitumineux de l’Alberta considérés comme une des pires catastrophes environnementales en devenir? Si le Québec était vraiment écolo, il n’hésiterait pas à se prononcer contre ces projets et opter pour la conservation d’énergie et l’utilisation d’énergies renouvelables. Si le Québec était écolo, il saisirait le lien fondamental entre le respect de l’environnement et le respect des droits humains et soutiendrait plus les pays en  développement. Enfin, il ne faut pas se leurrer, le Québec n’est pas le modèle écolo qu’il croit être ! Et même s’il l’était, il ne faudrait pas s’en satisfaire car un Québec « écolo et durable » ce n’est pas suffisant. Pensez-y! Un jour, quelqu’un m’a dit : « Marion, si tu me demandais comment va mon mariage et je te répondais qu’il est durable, tu rirais de moi!»  En effet, la Terre a besoin de quelque chose de beaucoup plus que simplement durable!»

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.