Angélique Kidjo, la première dame
De passage à Montréal, Angélique Kidjo présente son nouvel album, Eve, ainsi que sa biographie illustrée, Spirit Rising: My Life, My Music.
Angélique Kidjo a déjà été qualifiée par le New York Times de «première diva africaine». Expression qui la fait sourire, mais qui ne correspond pas à la réalité. Surtout si on associe le mot «diva» à une star capricieuse, style Castafiore. En fait, il suffit d’évoquer l’Afrique pour que cette ambassadrice de l’Unicef se lance dans un passionnant soliloque en faveur du continent qui l’a vue naître.
Contrairement à ce qui se produit souvent avec d’autres «divas» des deux sexes, il aura fallu revenir à la charge pour la faire parler d’elle et de son tout nouvel album : Eve. Un chapitre où elle rend hommage aux femmes en général et à sa mère en particulier.
Angélique en profitera d’ailleurs pour nous montrer une vidéo de sa génitrice, sur son téléphone, où qu’on aperçoit l’octogénaire chanter et danser au cours d’une improvisation maison. «Monte-t-elle parfois sur scène avec vous?» «Oui… et elle me vole la vedette! Lorsque je lui rappelle que je suis la tête d’affiche, elle rétorque : “Et alors, qui est-ce qui t’a mise au monde?”», rigole la sympathique Béninoise.
Hommage à la mère donc, mais aussi à la première femme de la mythologie : Ève. «Oui, c’est un album qui est spirituel, car les femmes ont une spiritualité assez intense en Afrique. La phrase que j’entends souvent, c’est : “Inch Allah.” Parfois, on leur dit aussi que cela ne suffit pas, mais en même temps, c’est leur façon d’avancer, leur moteur. Sinon, elles baisseraient les bras. Qui s’occuperait des enfants et de la maison? Ève est le surnom de ma mère, mais aussi le prénom de la première femme dont l’histoire a été racontée et écrite, et c’était par des hommes, des apôtres mâles. Donc, le parti pris était de diaboliser les femmes. Est-ce qu’Ève était plus forte physiquement qu’Adam pour le forcer à croquer la pomme? Toutes ces questions nous ramènent au pouvoir. Raconter la vie de l’autre nous procure le pouvoir sur cette personne. Notre histoire, à nous les Africains, a été racontée par les colonisateurs et les esclavagistes», lance Angélique, qui se réjouit que la ville de New York, qu’elle aime et habite, ait vu ses infrastructures construites par ses ancêtres.
Et quelle est l’inspiration de cet album, qui offre un très beau duo avec Asa, ainsi qu’une pièce composée par Philip Glass et jouée avec l’Orchestre philharmonique du Luxembourg?
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«J’avais commencé à écrire sur les femmes du monde entier, mais c’est la rencontre avec des Kényanes qui a fait de l’album ce qu’il est devenu. J’ai visité deux villages au Kenya et, lorsque je suis arrivée dans le second, des femmes belles et bien habillées m’ont accueillie avec des chants traditionnels, alors que j’étais encore dans l’émotion de tristesse de la précédente communauté visitée où j’avais vu beaucoup de misère. Je me suis laissée baigner là-dedans, et mon mari a commencé à filmer. C’est de là qu’est parti l’album», poursuit en substance la volubile chanteuse qui tient mordicus à conserver sa liberté d’expression en se tenant très loin de la politique partisane. «Je suis une tête de bique!» nous lancera-t-elle avant de photographier le joli gâteau à l’effigie de son nouvel album qu’on vient de lui apporter.
Eve
Présentement en magasin
Spirit Rising: My Life, My Music
Présentement en librairie