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Le corps

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miriamfahmy2014 - Directrice de la recherche et des publications à l'Institut du nouveau monde

C’est l’été. Vous ne trouverez pas de femme plus heureuse que moi. J’adore l’été. Je peux enfin porter mes petites robes fleuries. Reluquer les mollets musclés des hommes. Boire de la sangria sur des terrasses. Assister à des spectacles en plein air. Bronzer.

Bon, voilà pour les clichés. L’arrivée de l’été annonce, oui, ces plaisirs des sens dont on a été privés pendant huit mois. Mais c’est surtout pour moi le retour du moment magique annuel, celui de l’espace public partagé.

Notre routine quotidienne réduit les occasions d’avoir des interactions avec des étrangers, avec des personnes qui sont différentes de nous. Nous passons d’un travail à une habitation, avec un arrêt occasionnel dans un magasin, suivant un chemin bien balisé que nous parcourons seuls dans nos automobiles ou le nez dans notre iPhone. Les dynamiques sociales accentuent cette polarisation des personnes en fonction de leur identité: les jeunes vivent majoritairement au centre-ville, les familles en banlieue, les vieux dans des tours, les pauvres dans leurs quartiers, les riches dans les leurs. Et la rudesse de l’hiver exacerbe ce rétrécissement de l’espace collectif.

Quand je pense à «l’espace public», l’image qui surgit d’abord dans mon esprit est celle d’une agora athénienne, une grande place publique faite de marbre blanc peuplée d’hommes barbus en toge qui discutent discrètement des affaires du monde. Cette image est loin de correspondre à mon idéal d’un espace public diversifié, inclusif, engageant, horizontal. Mais elle me plaît parce qu’il s’agit de personnes qui se côtoient, qui sont littéralement côte à côte.

Depuis 10 ans je peux observer, dans des événements publics organisés par l’Institut du Nouveau Monde, les effets bénéfiques de l’interaction de personnes qui se rencontrent. Les gens arrivent avec leur point de vue individuel et, au contact des autres, se transforment: lentement mais sûrement, ils dépassent leurs préjugés initiaux, ils font preuve d’empathie, ils s’ouvrent aux autres et à plus grand qu’eux. Il me semble qu’un des moteurs de cette transformation, c’est le contact physique: le regard, le langage corporel, la communication non verbale.

On n’a pas souvent l’occasion de ces interactions, de voir ou d’entendre des personnes différentes de nous, d’être étonné par l’étrange, d’être émerveillé par l’inhabituel. Plus nous aurons de ces moments de rencontre dans notre vie de tous les jours, plus nous pourrons nous imaginer comme faisant partie d’une collectivité. Le corps physique formant en quelque sorte le corps social. Et alors, l’idée de la démocratie cesse d’être une abstraction.

Si vous lisez cet article, il y a de fortes chances que vous prenez le transport en commun. Chanceux!

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