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Anna Todd: succès en rafale

Photo: collaboration spéciale

Longtemps, Anna Todd n’a pas su ce qu’elle voulait faire. Après avoir épousé à 18 ans son fiancé soldat, déployé par la suite trois fois en Irak, la jeune Texane a dû composer avec la solitude, l’incertitude et un certain ennui. Pour passer le temps, elle s’est mise à lire des «fanfictions» en ligne. Des quoi? Des «fictions» rédigées par des «fans», dans lesquelles des héros connus (de jeux vidéo, de romans) ou des stars (du cinéma, de la musique) font leur apparition. Un jour, Anna a décidé de se lancer et d’écrire une de ces histoires à son tour. Des milliers de lecteurs l’ont suivie.

Une histoire écrite sur un téléphone intelligent, inspirée par les membres d’un boys band et lue par des centaines de milliers de personnes à travers le monde. Tellement pas possible ou tellement 2015? Seconde option.

Anna Todd l’a fait. Sur son cell, dans les allées d’une épicerie ou chez elle, constamment, elle a écrit sa série After sur l’application Wattpad, postant les chapitres au fur et à mesure, sans vraiment se relire. Tiens, voilà.

Au cœur de sa «fanfic» qui a fait des trâlées de fidèles (et, classique, un grand nombre de détracteurs), il y a Tessa. Une jeune femme sage, comme il faut. Son petit ami, Noah, est pareil: sage, comme il faut. Ils se sont embrassés, subtil, mais rien de plus.

Sauf que là, c’est la rentrée. Et Tessa part étudier à l’université, loin de son chéri. Comme par hasard, sitôt qu’elle met les pieds sur le campus, ou presque, elle tombe sur Hardin. Un mec à l’accent anglais, tatoué, avec un sale caractère. Un «enquiquineur». Entre eux, c’est le coup de foudre. Précédé de l’orageuse et éternelle valse du je t’adooore – je t’haïïïs.

À la base, Hardin s’appelait «Harry», comme dans Harry Styles, membre du groupe britannique One Direction, qui a inspiré le personnage. Mais pour des raisons légales, une fois que l’histoire d’Anna a pris le chemin de l’imprimeur, son protagoniste torturé a changé de prénom.

Chaque tome (le quatrième vient de paraître en français, aux Éditions de l’Homme) est composé d’environ 500 pages. Dont certaines, consacrées à des scènes gentiment passionnelles, ont valu à la série After d’être comparée à 50 Shades of Grey. Mais l’auteure, âgée aujourd’hui de 26 ans, souligne qu’elle a «nettement mieux aimé écrire les passages tristes que les scènes sexy». Et qu’elle n’a pas de grandes prétentions littéraires. Le supersuccès ne lui est pas monté à la tête, et elle reste une jeune femme timide, qui tripe à l’idée de… ben, tout ça. «C’est trop fou!» s’exclame-t-elle au bout du fil. En effet.

Dans vos livres, vous faites allusion à beaucoup d’éléments de la culture pop. Notamment à des groupes comme The Fray et Bon Iver, que vous adorez, ou à des séries télé, dont Pretty Little Liars. Est-ce une façon pour vous de partager vos coups de cœur? Ou de créer un point de référence pour tout le monde?
Je pense que c’est un peu des deux. J’adore la culture pop et j’adore l’intégrer à mes livres! J’ai par exemple fait un clin d’œil à Taylor Swift et à Ed Sheeran! Pour ce qui est de The Fray, c’est mon groupe préféré depuis que je suis ado, et j’ai toujours cru que tout le monde savait qui c’était. Tout. Le. Monde. Mais un jour, j’ai appris que des lecteurs l’avaient découvert… à cause de moi! Donc, d’une certaine façon, oui, ça me permet de partager mes passions. En plus, parler de choses que j’aime rend l’écriture plus facile. Comme Target. Je connais le plan de ce magasin par cœur!

Parlant de magasins, les vêtements occupent une place importante dans votre série. Le changement de style de Tessa chamboule sa vie et Hardin est reconnaissable par ses éternels t-shirts blancs ou noirs. Quelle relation avez-vous avec la mode?
Une relation à peu près inexistante! (Rires) Je connais les tendances, mais je ne les suis pas vraiment et je porte des robes à fleurs tout le temps. Mais j’aime me maquiller et me coiffer. Je suis meilleure pour ça que pour assembler une tenue!

Dans After, vous vous intéressez d’ailleurs à ce qui fait qu’une chose est jugée «cool» ou non. Ce que Hardin et ses copains trouvent cool est bien différent de ce que Tessa considère comme tel. Pour les premiers, c’est faire la fête, déconner, alors que, pour elle, c’est avoir de bonnes notes. Avec vos livres, souhaitiez-vous bouleverser les perceptions?
Assurément, oui! Surtout que Tessa a 18 ans, et à cet âge, les gens ont une idée très arrêtée – du moins, c’était mon cas – de ce qui est branché et de ce qui ne l’est pas! Quand j’étais au secondaire, il y a plein de filles que je trouvais géniales, et je voulais être comme elles. Mais après plusieurs années, je me suis rendu compte qu’elles ne l’étaient pas vraiment. C’est comme [l’ami de Tessa] Landon qui lit Harry Potter. C’est vachement plus cool que de faire la fête tout le temps et de se ficher de ses résultats scolaires!

«Je pense que des fois, c’est bon de ne pas écouter notre conscience et de faire taire la petite voix de la raison. Quand j’ai commencé à écrire After, par exemple, si je n’avais pas posté un texte sur Wattpad le jour où j’ai décidé de le faire, j’y aurais pensé toute la nuit et je me serais réveillée en me disant: Mais je ne serai jamais capable d’écrire un livre! Pourquoi je ferais ça?!» – Anna Todd

La technologie est quasiment absente de votre récit. Vous insérez des textos seulement à partir du troisième tome, La chute. Trouviez-vous que ça ajoutait un côté «romantique» à votre histoire?
Absolument! Évidemment, ça se déroule de nos jours, mais comme Tessa et Hardin sont tous deux des amateurs de littérature classique [ils se passionnent notamment pour Les hauts de Hurlevent, d’Emily Brontë], je trouvais que ça fonctionnait! Bon, c’est vrai que c’est ironique quand on pense que j’ai écrit cette histoire sur le web en premier! Mais je n’aime pas lire des romans dans lesquels il y a trop de techno et de textos. Si Tessa découvrait sur Twitter que Hardin voyait une autre fille, ça n’aurait pas le même effet! (Rires)

Ce n’est qu’au deuxième volume, La collision, que Tessa commence à songer à un avenir avec Hardin. Est-ce aussi à ce moment que vous avez envisagé un destin de longue durée pour vos personnages?
Oui! Au début, comme je n’avais pas vraiment de plan, je me disais que ce serait une de ces histoires où ils seraient amoureux pendant un moment, puis ce serait fini. Mais après, je me suis dit: ils sont passés par tant d’épreuves et ils ont vécu tant de choses qu’ils méritent de partager un avenir! Je pense aussi que si Hardin n’était pas avec Tessa, il ne serait avec personne d’autre. Elle, oui. Elle serait mariée à Noah, ils auraient plein d’enfants. Mais lui, non. Je voulais donc lui donner une chance de vivre une relation à long terme.

Pendant une scène d’orage et d’amour dans le premier tome, La rencontre, Tessa s’exclame: «Wow! C’est comme dans un film!» Les droits de votre livre ont d’ailleurs été achetés par Paramount, et un long métrage est en préparation. Avez-vous écrit avec l’idée d’un film en tête?
Je dirais que j’écrivais davantage sur le modèle d’une télésérie que d’un film, parce que sur Wattpad, comme on publie son histoire au fur et à mesure, quelque chose d’intéressant doit arriver à chaque chapitre. Sinon, personne ne revient lire le prochain! C’est comme dans une série télé: chaque épisode doit se conclure sur un «punch».

Et le fait que vos livres soient transposés à l’écran…
… c’est super excitant! En même temps, je ne peux pas y croire!!! C’est comme avec les livres: je n’y croyais pas tant que je n’ai pas vu le premier tome dans une librairie. Je pense que lorsque je vais rencontrer l’acteur qui va jouer Hardin, LÀ, je vais le réaliser!

Même si After est désormais une série de romans, c’était, à la base une «fanfiction» sur le web. Vous-même avez désormais une horde d’admirateurs (255 900 abonnés sur Twitter). Comment définissez-vous le terme «fan», que certains voient de haut? Est-il synonyme, pour vous, de «communauté»?
Totalement! Si je n’avais pas moi-même lu et écrit des histoires inspirées par One Direction en ligne, je n’aurais probablement jamais écrit un livre! Je trouve que ce mot va bien au-delà du fait tout bête d’aimer ce que quelqu’un d’autre fait. Les fans sont tellement forts, créatifs et intelligents! Ce mot occupe une place immense dans ma vie.

Pour finir, question pour les fans justement: comme Tessa, êtes-vous «la seule Américaine qui n’aime pas le ketchup»?
Eh oui! (Rires) Je ne sais pas pourquoi! Nous devrions être beaucoup plus nombreux à détester ça!

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Aux Éditions de l’Homme

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