Ces très chères églises
En 2012, la paroisse Sainte-Famille-de-Bordeaux-Cartierville annonçait la vente de deux de ses églises, Notre-Dame-du-Bel-Amour et Sainte-Odile. Les problèmes financiers étaient tels, que les paroissiens n’avaient plus d’autre solution. « Ils ont demandé un second vote dans les jours qui ont suivi. Il a abouti au maintien des deux édifices », explique l’abbé Jean-Louis Nvougbia, curé résident.
Les paroissiens étaient encore traumatisés, semble-t-il, de la perte, en 2003, de l’église Saint-Gaétan cédée à une communauté évangélique arménienne.
La paroisse Sainte-Famille-de-Bordeaux-Cartierville est un regroupement de quatre églises. « Le travail qui s’est fait un peu partout dans le diocèse, c’est que les paroisses se sont réunies et elles ont évalué, dans chaque quartier, leur capacité à travailler ensemble, leur vitalité, etc., explique Lucie Martineau, responsable des communications de l’Archevêché de Montréal. Elles prennent ensuite des décisions de se départir de l’une ou l’autre des églises. »
M. Nvougbia avoue que la paroisse se débat toujours dans les problèmes financiers. « La location de certains locaux ou édifices apporte un peu d’argent, mais nous avons toujours des difficultés », dit-il. Les couts des travaux nécessaires pour chacune des quatre églises sont estimés à au moins une centaine de milliers dollars.
Vendues et converties?
Ailleurs à Ahuntsic-Cartierville, l’église Santa-Rita-Scalabrini, sur la rue Sauriol, est occupée par le Centre communautaire Scalabrini. Christ-Roi sur la rue Lajeunesse est devenue Notre-Dame-de-la-Délivrance pour le culte Tamoule catholique. Sainte-Madeleine-Sophie-Barat s’appelle depuis quelques années Cathédrale Saint-Maron, célébrant le rite catholique oriental maronite libanais. Ce sont des cessions anciennes. À l’arrondissement, depuis dix ans, la seule conversion enregistrée est celle d’un couvent destiné à abriter une résidence pour personnes âgées.
Combien cela coûte-t-il?
« Chaque matin, quand on met la clé dans la porte, cela nous coûte 325 $ », nous dit Gérald Morel.
Depuis quatre ans, ce retraité dynamique a la charge de marguillier de l’église de La Visitation-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie, dans le Sault-au-Recollet. Il a effectué ce calcul il y a quatre ans, avec la comptable. « Quand on additionne le chauffage, la conciergerie, l’entretien, les produits ménagers, etc., et que l’on divise par 365 jours, on arrive à ce chiffre », explique-t-il.
« La Visitation est deux fois populaire. D’abord parce que c’est le petit peuple qui l’a construite, ensuite parce qu’elle attire toujours du monde. » M. Morel parle des 75 mariages et du nombre égal de funérailles qui s’y tiennent chaque année. Des concerts de musique sont organisés régulièrement, d’autant que l’église possède un orgue. Il a été construit en 1991 en récupérant des parties de l’ancien instrument datant du début du 19e siècle. L’organiste résidant, Marc-André Doran, attire les foules dès qu’il annonce un récital. « Elle jouit d’une acoustique fascinante », relève M. Morel.
Cette église qui attire mélomanes, touristes et croyants a bénéficié, entre 2008 et 2012, d’importants travaux extérieurs. « On a retouché les pierres et renforcé les joints, il y a même eu des fouilles archéologiques, rappelle le marguillier. La facture s’est élevée à 600 000 $. » Une part venait des réserves de la fabrique. Aujourd’hui, les fonds sont à sec et une nouvelle campagne de financement a été lancée à Noël. « On parle de 1 million de dollars pour les travaux intérieurs », souligne-t-il. Les dons seront collectés dans un compte ouvert spécialement et l’argent ne servira pas le service du culte, assure-t-on.
Les travaux, anciens et à venir, sont supervisés par l’agence d’architecture Affleck de la Riva, une entreprise déjà connue pour avoir travaillé sur des monuments aussi célèbres que l’Hôtel de Ville de Montréal ou le marché Bonsecours.
Même s’il assume sa charge gratuitement, à l’église, M. Morel maintient qu’on ne peut faire des travaux uniquement avec des bénévoles. « Personne ne peut amener ses restants de peinture pour rafraîchir les murs d’un monument classé, dit-il. Il faut que l’on fasse appel à des professionnels. »