C’est la faute à qui?
Mes hommages. C’est la faute à qui, hein? Quand on rentre chez soi et que le caniche familial a les pattes écarlates et la tête couverte de bouts de rouge à lèvres, il fait toujours bon pointer un coupable pour se délester de l’horrible poids du «j’aurais pas dû laisser traîner ma sacoche», avec un pratique et sanguinaire «si Lise Watier avait choisi de travailler dans une usine de biscuits soda, ce sinistre drame aurait pu être évité».
Quelques jours à peine après la grande épopée du camping improvisé sur l’autoroute 13 en pleine tempête, l’ultime question subsiste et fait grésiller les fines lèvres de toute figure d’autorité au regard ahuri par les micros pointés vers sa petite bette: c’est la faute à qui?
Hein? C’est la faute à qui, si 300 personnes ont raté Mémoires vives mardi soir et, accessoirement, envisagé de mettre un rein sur le marché noir en échange d’une chopine de gazoline et d’un paquet de Certs pour ne pas mourir de froid (et avec une haleine fétide) dans le blizzard? C’est la faute à qui, si des citoyens n’ont pas reçu l’assistance de base que toute personne résidant dans une métropole est en droit d’espérer, une assistance à la mesure d’une vieille porte en bois déchiqueté pouvant supporter Rose qui regarde son Jack couler au fond des mers en attendant un thé chaud et une petite shot de morphine?
Chose certaine, les événements désolants de mardi soir agrémentent le Téléjournal d’un formidable ballet de messieurs en beau calvaire qui se succédèrent devant les caméras avec une indicible grâce: «J’ai exprimé mon mécontentement et je suis plus mécontent ce matin», exprimait hier Philippe Couillard d’un ton solennel appuyé de sourcils en accent circonflexe. Sera-t-il encore plus en tabarnouche aujourd’hui? Nul ne le sait. Laurent Lessard a, je crois, fait une moue en se faisant aller la tête. François Legault a expiré fort, pendant que Lisée montrait des coupables hypothétiques d’un index énergique.
Denis Coderre a, quant à lui, tranché sans merci aucune : «Il y a quelqu’un qui dormait au gaz pour que des gens restent 13 heures dans leur véhicule.» Qui est diable ce «quelqu’un» qui dormait au gaz, hum? À l’heure de lire ces lignes, c’est l’unique question qui intéresse quiconque porte un costard et des chaussures de cuir italien. Le gougeat ou la célérate sera-t-il(elle) porté(e) au bûcher? Dîne-t-il(elle) à la SQ? Au MTQ? Dans la kitchenette de l’hôtel de ville? Il n’est pas, ici, question de se demander ce qu’on pourrait faire si pareille situation se reproduisait: un plan d’évacuation, une distribution de Cup-a-Soup ou un chœur de jeunes écoliers en capelines de velours pour égayer les citoyens en proie à l’hypothermie. Ce qui compte avant tout, c’est de savoir QUI n’a pas fait ce quelque chose de pratique (mais surtout, de pas clair) et surtout, de s’assurer que l’usine de piñatas du coin en fera sa prochaine pièce-vedette. Comme ça, tout le monde se sentira mieux. Et ça donnera un break au chauffeur du train de Mégantic.
La bise.