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Kim Thùy: «Mon fils est heureux, mon objectif est atteint»

Photo: Mario Beauregard / Métro

Dans un ouvrage réalisé par deux expertes dans le domaine de l’autisme, la célèbre auteure montréalaise livre de nombreuses anecdotes personnelles sur son fils, âgé de 15 ans, atteint d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Heureuse des «incroyables» progrès de son enfant, Kim Thùy veut sensibiliser et aider entourage et familles touchés.

Ce livre a été réalisé par Brigitte Harrisson et Lise St-Charles, deux femmes qui ont pris en charge votre fils dès 2013. Y a-t-il eu des changements dans votre quotidien?
Ça a complétement changé ma vie! Un parent veut toujours aimer son enfant, mais avant, je l’aimais d’une mauvaise manière. Je l’étouffais. Pour rendre heureux un enfant autiste, il faut voir la vie de ses propres yeux et ne pas lui imposer notre vision du monde. La vie est devenue plus agréable et moins compliquée. Maintenant, Valmond n’est pas seulement moins anxieux, il est heureux.

Quavez-vous fait?
Par exemple, lorsqu’il rentrait de l’école, je me précipitais vers lui, je l’embrassais et lui posais plein de questions. Mais c’était trop. Il s’échappait, se réfugiait au fond de la maison. Il transpirait et ses mains tremblaient. Il n’a pas la même vitesse de compréhension. Maintenant, je le laisse venir me voir, je me mets à son rythme et je le regarde dans les yeux. C’est très important. Depuis, il vit moins dans la panique et moi aussi.

Comment réagissiez-vous avant de connaître ses pratiques? Y avait-il du désespoir?
Totalement! Je ne comprenais pas mon fils, j’étais en panique, en détresse. Je croyais qu’il n’écoutait rien. Mais les autistes ne parlent pas et ne sont pas capables d’expliquer ce qu’ils vivent. C’est notre interprétation. Pour se comprendre, on doit parler le même langage, avoir un même outil, un même moyen de communication. Lui-aussi, avant, il était toujours frustré. Pour lui, je parlais une langue étrangère.

Avez-vous senti également des progrès dans son apprentissage?
Puisqu’il vit moins dans l’angoisse, je le sens désormais en contrôle de sa vie. Jamais je n’avais pensé ou espéré en arriver là. Il se connait mieux et il apprend. À l’école, il réalise son propre agenda alors qu’il n’avait, avant, aucune notion du temps. Il reconnaît même les noms de ses camarades, c’est un progrès incroyable.

Quel est lobjectif de cet ouvrage?
On veut que le plus grand nombre comprenne le cerveau d’un autiste. Il ne fonctionne pas comme le nôtre. On ne peut pas montrer ou expliquer la même chose à un enfant autiste qu’à un autre. Avec ce livre, on souhaite vulgariser le quotidien d’un enfant, montrer une cinquantaine de situations communes et une manière de réagir car il y a aussi beaucoup de méconnaissances.

Quelles sont ces situations méconnues?
On pense par exemple que les autistes n’ont pas d’émotions ou n’aiment pas se faire toucher. C’est complètement faux. Il faut simplement y aller à leur rythme. Valmond, je le regarde, j’attends qu’il soit prêt, je ne le pousse pas et il est ensuite très affectueux et vient m’embrasser dans le cou. Avec ce livre, on a vraiment accès au cerveau d’un autiste.

Lavenir, désormais, vous rassure?
Je reste inquiète, je ne vais pas le cacher. Jamais il ne sera capable de se débrouiller tout seul. Que va-t-il faire lorsque je vais mourir? Chaque parent pense être le meilleur, qu’on est les seuls capables de prendre soin, au mieux, de son enfant. C’est contraire à l’instinct parental, mais j’aimerais que mon enfant parte en même temps que moi ou avant. Mais quoi qu’il arrive, le présent est déjà nettement meilleur. En ce moment, mon fils est heureux. Mon objectif est atteint.

Le gouvernement du Québec a dévoilé la semaine dernière son plan daction sur le trouble du spectre de lautisme, avec notamment un investissement de 29M$ de 2017 à 2022. Êtes-vous satisfaite ?
C’est un très bon plan dans lequel on parle enfin des autistes adultes. Ce n’est pas une maladie infantile, l’autisme ne s’arrête pas à 21 ans. De nombreuses familles viennent déjà de France ou des États-Unis pour aider leur enfant. C’est une spécificité québécoise qu’il faut continuer de développer. Le Québec doit s’ouvrir à de nouvelles connaissances et on s’en va dans la bonne direction.

L’autisme expliqué aux non-autistes
Écrit par Brigitte Harrison et Lise St-Charles, aux éditions Trécarré,
En librairie mercredi

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