«Wet shelters»: les refuges pour itinérants veulent que la Ville accélère le pas
La Mission Bon Accueil et l’Accueil Bonneau, deux des plus importants refuges pour itinérants de l’île, joignent leurs efforts à ceux de la Mission Old Brewery (MOB), qui presse la Ville de Montréal d’acquérir rapidement un terrain pour y installer un site de consommation d’alcool contrôlée.
Ces centres de consommation d’alcool contrôlée — aussi appelés «wet shelters» — permettent aux itinérants toxicomanes de consommer des portions d’alcool régulées afin de combattre leur dépendance. Au moins un site doit voir le jour en 2020 dans la métropole, a promis la Ville en mars dans son Plan d’action montréalais en itinérance.
Constatant la lenteur de l’échéancier, le président de la Mission Old Brewery, Matthew Pearce, a voulu faire part de son souhait de construire un établissement beaucoup plus tôt et tout près de son refuge.
L’organisme vise un bâtiment à vendre de l’arrondissement de Ville-Marie, l’ancien Cameras Simon, pour établir ce premier centre de consommation contrôlée à Montréal. Cet ancien commerce, situé au 11, rue Saint-Antoine, répondrait selon M. Pearce, à de nombreux besoins, dont celui de l’emplacement.
«Il est collé aux murs de la Mission Old Brewery, a observé M. Pearce en entrevue avec Métro, mercredi matin. Donc, la question de “pas dans ma cour” n’est pas un problème puisqu’il n’y a pas de résidents autour et c’est déjà un coin de rue consacré au phénomène de l’itinérance.»
«Avant que ce soit vendu à quelqu’un d’autre, pourquoi ne pas agir rapidement pour acquérir les lieux?», a-t-il poursuivi.
Front commun
L’Accueil Bonneau, tout comme la Mission Bon Accueil, qui n’avaient auparavant pas ciblé d’emplacement potentiel, félicitent la Mission Old Brewery pour sa trouvaille. L’Accueil Bonneau agit d’ailleurs déjà en partenariat avec MOB pour mener à terme ce projet.
«On a un intérêt pour travailler sur ce projet-là ensemble», a confirmé le directeur des programmes et services de l’Accueil Bonneau, Nicolas Pagot.
Le président directeur-général de la Mission Bon Accueil, Samuel Watts, a abondé dans le même sens. «En concertation, les grands refuges pourraient facilement monter quelque chose ensemble, a-t-il proposé. Ça pourrait servir de projet pilote, disponible dans le centre-ville. En même temps, on continuerait l’étude [de la Ville] pour bâtir quelque chose avec plus de permanence dans le futur.»
Recherche à long terme
Dans le cadre de son Plan d’action en itinérance 2018-2020, la Ville de Montréal a commandé une étude sur les «wet shelters» à l’Institut sur les dépendances du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Les conclusions de cette étude seront connues en 2019.
«L’approche que prend la Ville pour le développement des projets de «wet shelters» est plus lourde que nécessaire, a lancé M. Pearce lorsque interrogé sur la question. Ils sont en phase de recherche, et les «wet shelters» existent depuis longtemps déjà. Alors, je me demande pourquoi ça prend aussi longtemps pour faire une recherche sur un modèle qui existe et qui fonctionne.»
Il suffit, selon le président de MOB, d’observer des villes comme Toronto ou Ottawa pour obtenir des réponses. Celles-ci font déjà appel à des centres de consommation contrôlée. L’organisme Sheperds of Good Hope, à Ottawa, mise sur un programme nommé «Managed Alcohol Program» qui consiste à limiter les visiteurs à une «dose médicalement contrôlé d’alcool» par heure, pour quinze heures par jour.
«On a déjà visité les centres d’Ottawa, on a déjà fait notre recherche, on a déjà pensé le modèle et on sait que ça va répondre aux besoins d’une partie de la clientèle itinérante, a relaté Nicolas Pagot. On pourrait passer à la vitesse supérieure.»
Métro a communiqué avec l’administration de Valérie Plante pour savoir si elle était prête à accélérer le pas dans ce projet de «wet shelters». Au moment de mettre en ligne, personne n’avait rappelé.
Problèmes d’acceptabilité sociale?
Si les sites d’injection supervisée avaient suscité de la résistance lors de leur mise en place dans la métropole, l’été dernier, Samuel Watts a assuré que les «wet shelters» ne pourraient faire que du bien.
«Ça vaut la peine de prendre en considération l’opinion des résidents, a-t-il insisté. C’est certain qu’il y a des résidants qui ne vont jamais vouloir avoir [de centre] dans un niveau de proximité, mais franchement, ça ne pose vraiment pas de danger. Le danger, c’est de laisser des gens dans la rue.»
M. Pagot a tenu à rappeler pour sa part que les centres de consommation d’alcool contrôlée se différencient des sites d’injection supervisée. «On n’est pas dans la même configuration, a-t-il dit. On parle d’un «wet shelter» avec hébergement. Donc, on n’est pas juste sur un lieu de passage. On est sur un milieu de vie.»