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Le jeune homme et les serpents

Cette semaine, je revenais du bureau à pied comme à mon habitude. J’aime bien ce moment de solitude pendant lequel je peux écouter des podcasts ou simplement regarder ce qui se passe autour de moi. Je marchais sur la rue Bélanger, dans l’est de ce que Claude Jasmin a appelé La Petite-Patrie.

Quelque part entre Christophe-Colomb et Papineau, un jeune homme à l’air confus s’est approché de moi. C’était un garçon d’origine indienne ou pakistanaise d’environ 18 ou 20 ans qui arborait tant bien que mal une moustache molle sur sa lèvre supérieure. Sa tuque tenait difficilement sur le bout de sa tête et ses bottes semblaient quatre ou cinq pointures trop grandes. Il avait un papier tout chiffonné en main, et sa carte Opus lui pendait autour du cou.

Il s’est adressé à moi dans la langue de Beyoncé en me demandant péniblement où se trouvait un commerce au nom incertain. Il m’a montré son papier – un post-it bleu poudre qui semblait avoir survécu à la bataille de Verdun –, mais je ne parvenais pas à lire le nom de l’endroit. Je déchiffrais bien un Z et un O mais les autres lettres étaient des gribouillis incompréhensibles. Le nom de la rue Bélanger était clair et l’adresse semblait être le 1957. Je lui ai répondu que cette adresse se trouvait plus à l’est. Il m’a remercié sans se départir de son regard inquiet et est reparti au petit trot dans la direction indiquée.

J’ai poursuivi ma promenade à sa suite, mais d’un pas plus relax. Au coin de Papineau, je l’ai aperçu de nouveau, planté sur le trottoir, les yeux rivés sur son papier, plus égaré que le Professeur Tournesol dans le métro de Tokyo. Il est entré dans un commerce, puis en est ressorti; est entré dans le commerce voisin, puis en est ressorti. «Bon, me suis-je dit en le dépassant, ce n’est pas la méthode la plus efficace, mais il va bien finir par trouver ce qu’il cherche.»

Finalement, au coin de Chabot, j’ai enfin compris : au 1951 Bélanger, se trouve une animalerie spécialisée dans les reptiles qui s’appelle Magazoo. C’est un endroit que je connais bien pour y avoir amené mon aîné à quelques reprises pour qu’il puisse s’émerveiller (gratuitement parce que je suis cheap) devant les serpents, les lézards exotiques, les salamandres audacieuses et les geckos multicolores.

J’ai rebroussé chemin pour revenir vers le jeune qui venait de sortir d’un autre commerce bredouille. «J’pense que je sais ce que tu cherches, mon jeune ami.»

Son visage quand il a vu l’animalerie s’est illuminé d’un large sourire. Il s’est mis à sautiller de joie en émettant des petits cris. Avant même que je puisse réagir, il m’a pris dans ses bras pour une longue accolade, me marchant sur les pieds avec ses bottes trop grandes. Puis, il a disparu dans l’animalerie comme s’il rentrait enfin à la maison.

J’ai continué mon chemin en me disant que c’est tout de même émouvant les gens qui ont une passion dans la vie.

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