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Le «virage vert» permettra-t-il de réduire les coûts d’exploitation du transport en commun?

Un bus électrique de la STM. Photo: Josie Desmarais | Métro
Zacharie Goudreault - Métro

Alors que les municipalités du Grand Montréal craignent de voir la facture de l’exploitation du transport en commun doubler au cours des dix prochaines années, Ottawa leur propose d’opter pour un «virage vert». Mais l’électrification du transport collectif permettra-t-elle vraiment d’alléger le fardeau financier des municipalités? Mise au point.

Rencontré par Métro en marge d’une conférence de presse la semaine dernière, le ministre fédéral de l’Infrastructure et des Collectivités, François-Philippe Champagne, a appelé les villes à opter pour l’électrification du transport en commun afin de réduire les coûts d’exploitation de celui-ci.

«Je dis souvent aux maires et mairesses: prenez le virage vert parce que nous on finance l’acquisition [d’équipements de transport]. On sait que les autobus électriques ont un coût d’acquisition qui est plus élevé, mais ça permet de réduire les coûts d’exploitation et d’entretien», a-t-il déclaré.

«C’est un peu plus complexe que ça», a nuancé en entrevue à Métro la directrice exécutive du réseau de bus à la Société de transport de Montréal (STM), Renée Amilcar.

En plus d’avoir un coût unitaire de plus d’un million de dollars, soit plus du double du prix d’un autobus au diesel conventionnel, les bus électriques impliquent des dépenses qui vont bien au-delà de la consommation d’énergie de ceux-ci.

«À peu près 70% du coût d’exploitation du transport collectif, ça demeure le salaire des chauffeurs et des employés d’entretien», a rappelé le président de Trajectoire Québec, François Pepin, notant que l’autonomie limitée des bus électriques pourrait nécessiter l’achat d’un plus grand nombre d’autobus, et donc, l’embauche d’un plus grand nombre d’employés d’entretien pour s’assurer du maintien de ceux-ci.

C’est d’ailleurs pour donner le temps aux compagnies d’améliorer l’autonomie des batteries de leurs bus électriques que la STM à opter pour un virage vert progressif, en optant d’abord pour des bus hybrides. Dans ses appels d’offres, la société de transport exige que les bus à recharge lente qui viendront garnir sa flotte aient une autonomie pouvant atteindre 200 kilomètres par recharge. Les bus au diesel peuvent parcourir 500 kilomètres avec un seul plein.

«J’en ai très peu d’autobus qui font plus que 200 kilomètres en une journée. Mon autobus au diesel, il peut souvent faire deux journées complètes avant d’être ravitaillé […] Mon autobus électrique, avec 200 kilomètres d’autonomie, il va être capable de donner le service pour une journée complète sur la plupart des lignes», a affirmé Mme Amilcar.

Des garages adaptés
La STM devra par ailleurs adapter plusieurs garages afin qu’ils soient en mesure d’accueillir une flotte d’autobus entièrement électriques, comme elle l’a déjà fait pour le centre de transport Stinson, situé dans l’arrondissement de Saint-Laurent.

«Il faudra faire des travaux majeurs, en collaboration avec Hydro-Québec, pour pouvoir accueillir ces autobus-là parce qu’on n’a pas la capacité électrique. Il faut aussi avoir des salles mécaniques [adaptées]», a détaillé Renée Amilcar. La STM dispose actuellement d’une flotte de plus de 1800 véhicules, parmi lesquels trois seulement sont électriques.

Mme Amilcar se dit d’ailleurs confiante que les autobus électriques représenteront des coûts d’entretien moins élevés que les bus au diesel.

«Les portes vont continuer à briser et je vais encore avoir des rampes et des rétroviseurs à réparer, mais on n’aura plus les problèmes de transmission des moteurs des bus au diesel et les batteries auront une bonne durée de vie», a-t-elle affirmé.

Tarifs préférentiels
La STM, qui dispose actuellement de tarifs préférentiels dans l’achat de biodiesel, a par ailleurs entamé des négociations avec Hydro-Québec afin de s’assurer que la recharge de ses autobus électriques ne lui coûte pas plus cher que celle d’un bus conventionnel.

Les entreprises qui utilisent une quantité importante d’électricité pendant une certaine période de temps se voient imposées des tarifs plus élevés pendant ces «appels de puissance», pour reprendre le jargon de la société d’État.

«Si je dois brancher tous les bus électriques de minuit jusqu’à 4h du matin, ça consomme énormément d’énergie et ça fait un peak, mais après ça, tous les autobus sont sur la route le reste de la journée et je n’ai pas à consommer», a indiqué Renée Amilcar, qui demande «des assouplissements» de la part d’Hydro-Québec.

«Il va falloir répartir la charge pour faire en sorte qu’une partie de la flotte soit en recharge rapide sur rue pendant la journée et le reste, en garage la nuit. Ça prend un équilibre [entre les types de recharge] pour éviter que tous les autobus soient en recharge en même temps», a pour sa part fait valoir le physicien et consultant en mobilité durable, Pierre Langlois.

«Avec le REM, le prolongement de la ligne bleue, le SRB Pie-IX et la  ligne rose dont parle la mairesse [de Montréal], on s’entend qu’il va y avoir une croissance dans les coûts. Mais, ce qu’on espère, c’est de convaincre plus de clients de laisser leur voiture pour prendre le transport en commun.» – Renée Amilcar, directrice exécutive du réseau de bus à la Société de transport de Montréal.

Appelée à réagir, le président-directeur général de l’Association canadienne du transport urbain, Marco D’Angelo, a pour sa part réclamé une plus grande participation financière du gouvernement fédéral aux projets de transport en commun «afin de rembourser les coûts supplémentaires liés à l’achat de véhicules verts», qui sont bien plus dispendieux que les bus au diesel.

Hausse de la facture du transport en commun
Dans un mémoire présenté en février dans le cadre des consultations prébudgétaires à Québec, la Communauté métropolitaine de Montréal presse le gouvernement provincial de revoir le cadre financier de l’exploitation du transport collectif dans la région alors que les 82 municipalités du Grand Montréal prennent en charge 29% de cette facture.

  • Au cours des dix prochaines années, la part assumée par les municipalités devrait ainsi passer de 834M$ l’an dernier à plus de 1,7 G$ en 2028.
  • Celles-ci n’ont pourtant pas «l’espace fiscal nécessaire pour assumer ces hausses de dépenses», rapporte le mémoire.

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