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La chasse aux têtes dures

Une deuxième manifestation en opposition au couvre-feu s’est déroulée à Montréal et a rassemblé une soixantaine de personnes, mercredi soir. Photo: Josie Desmarais/Archives Métro

CHRONIQUE – Un truisme, je sais, mais quand même: incroyable à quel point pratiquement tout, politiquement parlant, relève du château de cartes. Alors que la bande à Legault rêvait encore, début décembre, d’une éventuelle députation avoisinant la centaine, la réalité de sa gestion pandémique vient, enfin, la rattraper.

Passée maîtresse dans l’art de la diversion – nommer des ministres responsables du retour respectif des Nordiques et des Expos s’avérant ici un record aux Jeux internationaux du Cynisme – ladite bande s’aventure dorénavant à même une nouvelle discipline: la chasse aux non-vacciné.es.

Non pas que ceux-ci, il va de soi, ne méritent pas pareille opération. D’aucuns diront même que la patience première ministrable à leur égard fut digne d’un épisode de Passe-Partout, ton et vocabulaire inclus. Reste qu’il est loisible de se poser la question, légitime, suivante: pourquoi pas avant? Réponse: pour canaliser la haine populaire, manifeste dans les sondages tant prisés par la CAQ, et diriger la meute d’insatisfaits courir après l’os balancé.

Quid, cela dit, de la constitutionnalité de la taxe aux têtes dures, actuellement cogitée, ou de toutes autres mesures à la sauce vaccination obligatoire?

Plusieurs se sont interrogés, Trudeau en tête, si une taxe semblable en viendrait à violer les dispositions de la Loi canadienne sur la santé, laquelle encadre les transferts fédéraux vers les provinces à cet égard. En cas de contravention aux principes applicables, les sommes versées souffriront, en guise de pénalité, de ponctions considérables.

Parmi ces principes inviolables, l’intégralité et l’universalité. Comme il est entendu que nos non-vacciné.es pourront continuer d’envahir nos hôpitaux et siphonner les ressources disponibles sans charges financières particulières, il est possible, sinon probable, que les deux principes discutés soient sains et saufs.

Reste toutefois la nuance, manifeste, suivante: à son article 3, la Loi affirme avoir «pour premier objectif de protéger, de favoriser et d’améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacle d’ordre financier ou autre».

Ainsi, s’il semble acquis qu’une taxe prochaine ne heurterait pas de plein fouet le mur des conditions fédérales, l’interrogation demeure quant à l’esprit de la Loi: une taxe ne constitue-t-elle pas, par définition, un obstacle financier afférent, dans le présent cas, à un statut médical jusqu’à présent sinon valide, au moins toléré? A fortiori si celle-ci, hypocrisie à part, vise précisément ceux-ci en raison du risque d’hospitalisation qu’ils représentent.

Ce qui précède, remarquons bien, tient davantage de la théorie que du réel. Sachant l’aversion profonde actuelle des autorités fédérales envers les non-vax, les probabilités que Québec fasse les frais de sa mesure sont, somme toute, pratiquement nulles.

Et sur le plan des chartes? Un brin plus complexe. Peut-on parler, en l’espèce, de discrimination au sens classique du terme? Si les dispositions pertinentes réfèrent expressément à des motifs classiques, notamment l’âge, le sexe, la religion ou la langue, rien n’empêche la Cour d’y ajouter ce qu’elle qualifie de «motifs analogues», élargissant ainsi le champ d’application de la discrimination prohibée. Les chances de succès d’y inclure le statut de non-vacciné? À charge de redite, ledit statut étant aujourd’hui permis, disons qu’elles existent.

Suffira, ensuite, à passer au dernier test applicable, celui où l’État aura à faire la preuve que sa violation se justifie dans le cadre d’une société libre et démocratique. À même cet exercice de pondération des droits et libertés individuels et des intérêts collectifs, il sera question de savoir si, globalement:

– Québec poursuit-il un objectif réel et urgent? Quiconque sait l’impact de la non-vaccination sur les ressources hospitalières et médicales répondra oui, sans trop forcer.

– Existe-t-il un lien rationnel entre la mesure et l’objectif? Attendons de voir les résultats de la menace sur la hausse des vaccinations.

– S’agit-il d’une atteinte dite minimale aux droits? Ici comme souvent, voilà où le bât blesse. De quel montant parle-t-on? Sera-t-il régressif? Si oui, disons qu’un 500 $ de pénalité pour Fitzgibbon et ses chums de chambres de commerce n’a pas, il va de soi, le même impact que sur un sans-abri ou un réfugié. L’année fiscale 2021 étant déjà terminée, sera-t-il ainsi rétroactif? Et la question de la confidentialité du dossier médical?

– L’opération respecte-t-elle le principe de proportionnalité? En d’autres termes, le jeu en vaut-il réellement la chandelle?

Le pavé est maintenant dans la marre. Suffira de connaître les détails, là où se terre, d’ordinaire, El Diablo.

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