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Guignolée du Dr Julien: de beaux accomplissements mais des besoins grandissants

Le premier centre de pédiatrie sociale en milieu communautaire du Dr Julien a ouvert en 1997, sur la rue Aylwin, dans Hochelaga. Photo: Isabelle Chénier, Métro

Le 15 novembre se tenait pour une vingtième fois le lancement de la fameuse Guignolée du Dr Julien, heureux rendez-vous annuel au profit de la pédiatrie sociale en communauté. À l’occasion de cet anniversaire, le Dr Gilles Julien jette un regard lucide et sincère sur ces vingt années passées au service du bien-être des enfants les plus démunis.

Lorsque Métro lui demande s’il se souvient de sa première Guignolée, le Dr Julien, tout sourire, lance un «Ah!» bien senti. Sa mémoire le ramène à la genèse du mouvement, à la première «pré-guignolée».

Il était une fois un petit garçon avec un pot de beurre d’arachide…

«Il y avait un petit bonhomme qu’on suivait et qui était arrivé à notre local, nous raconte le Dr Julien. Il provenait d’une famille assez pauvre et en difficulté. Il tenait un pot en verre… il me semble que c’était un ancien gros pot de beurre de peanut qui contenait plein de sous noirs. C’étaient ses économies qu’il venait donner au Dr Julien pour les enfants pauvres. Il n’avait rien et il l’a donné pareil en voulant aider le Dr Julien. C’est très puissant. Ç’a été le momentum, le départ de cette grande guignolée.»

Il n’est pas peu dire que l’ambition de Gilles Julien de créer un événement mythique pour venir en aide aux enfants en situation de vulnérabilité est chose accomplie. Bien qu’il qualifie de motivant et heureux le lancement de cette 20e édition de la Guignolée, celui qui a «toujours voulu changer le monde» et amener les enfants à leur plein potentiel avoue maintenant se poser des questions et ne cache pas une certaine déception quant à l’impact global du mouvement.

«C’est une œuvre utile, mais sa portée… je me serais attendu à ce qu’elle soit plus profonde que ça. Cet écart entre l’évolution de la société et l’idée de transformer le monde pour qu’il soit égal et bon, je ne suis pas sûr que ça va marcher tant que ça… Donc, c’est un peu ma déception.»

Mais malgré tout, les gens sont mobilisés chaque année, les fonds continuent d’augmenter avec la guignolée, les quartiers évoluent, sans parler de tous les enfants et familles qui ont été sortis de leur «marasme» par l’équipe du Dr Julien.

«Si la pédiatrie sociale en communauté n’était pas là, il y aurait plein d’enfants qu’on aurait perdus – décédés, suicidés, en colère immense, en trouble de comportement majeur, en perte de capital social complet. Si on n’était pas là, il y aurait au moins 10 000 enfants qui seraient perdus. Ce n’est pas rien», souligne le Dr Julien.

Ce n’est pas rien, mais ce n’est tout de même pas assez, selon le médecin. Pour atteindre tous les enfants qui sont dans le besoin, il faudrait multiplier ce nombre par au moins trois.

Les oubliés

Le travail de proximité du Dr Julien avec les communautés locales l’a rendu témoin d’une détérioration parallèle de la société avec une pauvreté accentuée et des besoins grandissants.

«Les moyens pour ramener un enfant en vie, en santé avec son plein potentiel, c’est beaucoup lié au type d’accompagnement qu’il reçoit, aux mentors qu’ils rencontrent dans sa vie, aux gens qui croient en lui. C’est toute la question de l’empowerment, de l’attachement, et ça demande énormément d’énergie pour nos intervenants. Il n’est pas rare que nos intervenants se brûlent ou arrivent à la maison en pleurant parce que leur journée a été dure, mais si on n’était pas là, ce serait pire», explique le pédiatre.

Pire, car hormis les quelques événements qui mettent à l’honneur le bien-être et de développement des enfants comme la Guignolée, le Dr Julien constate que ces derniers sont souvent oubliés dans notre société.

«Quand je n’entends pas parler des enfants dans des élections politiques, qu’ils passent toujours en second, je ne comprends pas. On ne voit plus les enfants nulle part maintenant, sauf dans les meurtres, dans le travail en bas âge, dans des conditions difficiles», déplore-t-il.

Cette rétrospection teintée par sa tendance à être «un peu sombre» est toutefois illuminée par ce «boost» que sont les encouragements continus des donateurs, notamment les jeunes, qui «ont une véritable volonté de porter l’enfant plus loin», conclut-il.

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