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Yom Hashoah: comment enseigner l’Holocauste?

Photo: Aref Salem/Twitter

Hier soir et aujourd’hui se tenait Yom Hashoah, journée lors de laquelle les communautés juives et non juives se souviennent des victimes de l’Holocauste. Permettant d’observer la progression de l’antisémitisme, cette journée permet de rappeler les faits et de poursuivre l’éducation au sujet de ce génocide, qui a tué six millions de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le directeur national l’organisme B’nai brith, Marvin Rotrand, demandait justement au début du mois au ministère de l’Éducation (MEQ) de rendre obligatoire l’enseignement de l’histoire de l’Holocauste, comme le prépare actuellement l’Ontario.

Plusieurs études canadiennes et américaines ont d’ailleurs démontré que l’enseignement de l’Holocauste et des conditions qui y ont menées font en sorte que les personnes exposées à ces enseignements sont beaucoup plus ouverts d’esprits et tolérants, rapporte le président du musée de l’Holocauste de Montréal, Jacques Saada.

Toutefois, «il faut être très prudent» avec cet enjeu, insiste-t-il. Car bien que l’enseignement de la Shoah soit important, s’il est mal fait «ça peut créer des contrecoups et avoir l’effet inverse de celui qu’on voulait».

Il donne l’exemple de la France, où l’enseignement de la Shoah se retrouve dans le cursus à plusieurs reprises. Il qualifie le résultat comme étant «absolument lamentable». Un sondage de Iflop effectué en 2020 auprès d’élèves français démontrait des remises en causes de certains aspects du génocide (évoqué par 21% des élèves sondés) et un refus de cet enseignement de la part de 13% des élèves sondés.

La Shoah serait également «trop abordée» dans le programme scolaire selon 34% des jeunes Français. Lors du même sondage, 18% des répondants remettaient en cause des éléments de ce génocide, comme l’existence des chambres à gaz.

Oui, un enseignement de la Shoah est essentiel. Mais avant de le rendre obligatoire, assurons que les outils soient à la disposition de tout le monde pour bien le faire. 

Jacques Saada, président du musée de l’Holocauste de Montréal

Professeure en enseignement à l’Université du Québec à Trois-Rivières, Sivane Hirsch rappelle que l’enseignement de l’Holocauste se trouve bel et bien dans le cursus québécois. Les professeurs doivent l’aborder à la fin de la deuxième année du secondaire, puis il est enseigné, encore plus en profondeur dans un cours optionnel de cinquième secondaire.

Un problème, selon elle, c’est qu’il se trouve en fin de parcours pour la seconde année d’études secondaires. Il est donc facile de l’aborder rapidement. Selon une étude qu’elle a effectuée, la grande majorité des enseignants reconnaissent l’importance d’enseigner un génocide comme l’Holocauste, mais se sentent mal à l’aise de le faire.

Guides et outils

Pour répondre à ce problème, elle a lancé en 2022, en collaboration avec Sabrina Moisan, un guide pédagogique sur l’enseignement de 9 génocides du dernier siècle. La version anglophone du guide sera lancée sous peu. Elle souligne que c’est le MEQ qui a financé ce «travail colossal».

Ce n’est pas une question de simplement enseigner des faits historiques, c’est aussi une question de contexte social, d’approche, de contexte politique.

Jacques Saada, président du musée de l’Holocauste de Montréal.

Le musée de l’Holocauste offre également une vingtaine de programmes à des professeurs à l’échelle de la planète pour leur donner des outils quant à l’enseignement de l’Holocauste.

Selon Mme Hirsch, de demander à ce que l’enseignement de l’Holocauste soit «obligatoire» démontre une mauvaise compréhension du programme d’enseignement de l’histoire. Elle juge également qu’il est important de parler du génocide des juifs par les Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale, mais qu’il est tout aussi important de parler des autres génocides.

«On doit développer les possibilités et occasions d’enseigner la Shoah, mais qu’on le fasse bien, en s’appuyant sur des outils pédagogiques bien structurés», pense M. Saada. Il explique que cet évènement historique «est en fait une conclusion des théories raciales développées au 19em siècle. Ces théories ne sont que l’un des prétextes employés pour exercer une oppression sur les juifs».

Mme Hirsch abonde en ce sens: «au cœur des processus génocidaires, il y a le phénomène du racisme». La polarisation de la société, la «construction» de l’autre comme «l’ennemi», la déshumanisation mènent à des génocides. Ceux-ci sont plus à risque de se produire quand l’exclusion d’un groupe de personnes est normalisée.

Les éléments qui font qu’on peut se rendre à un génocide ne sont pas disparus de notre société contemporaine. On peut prévenir les prochains génocides en comprenant ces processus-là et en faisant attention.

Sivane Hirsch, professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivière.

Yom Hashoah se tient du 17 avril au soir jusqu’à la soirée du 18 avril. Cette journée souligne entre autres l’insurrection des habitants du ghetto de Varsovie en 1943. On en soulignera cette année le 80em anniversaire. Le mois d’avril 1943 marque également le début de la Shoah en Hongrie. Yom Hashoah était d’abord soulignée en Israël dans les années 1950.

Yom Hashoah à Montréal

Une commémoration officielle ayant attiré plus de 600 personnes s’est tenue hier soir, raconte M. Saada. «On a allumé des bougies, écouté des témoins survivants. En filigrane, il y avait ce désire profond de transmission, ce désire important de ne pas se taire».

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a souligné les «importantes contributions de la communautés juives à la métropole» lors de la réunion du comité exécutif.

La communauté juive à façonner le caractère résilient et dynamique de Montréal. Ses contributions profitent à l’ensemble des Montréalais et Montréalaises mais également au Québec en entier.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Marvin Rotrand explique qu’il est tradition de nommer les noms de personnes victimes du génocide, que les cérémonies sont «très émotionnelles». Aujourd’hui, une cérémonie s’est également déroulée à l’Hôtel de Ville. M. Saada était présent, en plus des membres de l’opposition et d’autres invités.

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