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Le mépris de Charest et la TVQ

Pas plus tard qu’à la fin de l’année 1995, Jean Charest et son cortège de suiveux avaient mené une guerre sans merci contre le gouvernement péquiste d’alors qui voulait augmenter la TVQ d’un point de pourcentage. «Les Libéraux préparent une lutte féroce à la hausse de 1% de la TVQ», titrait le Journal de Montréal du 28 novembre 1995. Avec raison, ils affirmaient alors que la TVQ était une taxe régressive qui pénalise la classe moyenne qui, par obligation, doit consommer tout son salaire et même plus pour assurer ses besoins élémentaires.

De plus, ils mentionnaient que cette taxe réduit les emplois, qu’elle amplifie la fraude, contrebande et le travail au noir et qu’elle appauvrit davantage les démunis. Mais le patronat et les nantis préfèrent les taxes à la consommation et la tarification des services publics à l’impôt sur le revenu. Devinez pourquoi?

En 2005, à la suite du rapport du banquier et expert en tout Jacques Ménard sur le financement de la santé publique, qui recommandait une hausse de la TVQ, Charest et son troupeau de députés ont réitéré que «Québec rejette l’idée d’une hausse de la TVQ» (La Presse, 29 juillet 2005). Le banquier Ménard n’a jamais pensé à suggérer de freiner l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux, de taxer davantage les options d’achats d’actions des patrons ou de hausser, comme cela se fait en Europe, les impôts sur les gros revenus des banques afin de financer adéquatement la santé publique. Quelle hypocrisie.

Mieux vaut taxer la classe moyenne et les pauvres, qui sont beaucoup plus nombreux et qui n’ont pas de lobbyistes à leur emploi, que les compagnies et les riches qui, il est vrai, sont peu nombreux mais qui toutefois détiennent le gros de la richesse au Québec et qui sont de gros clients très payants pour les banques et les partis politiques. Faut surtout pas les irriter.

En d’avril 2008, l’ex-ministre libéral des Finances, la dame de la «ferraille» Monique Jérôme-Forget, recyclée comme les autres en lobbyistes dans le privé, s’était vivement opposée à une augmentation de la TVQ en claironnant haut et fort que «la hausse de la TVQ ne correspond pas du tout à l’idéologie de son parti. Hausser les taxes, ça fait partie de la culture du Parti québécois» (Le Devoir, 20 septembre 2009).

Puis, en 2010, se revirant sur un 30 sous, la girouette Charest et ses pions ont augmenté, pas d’un point, mais de deux points de pourcentage la TVQ et ont changé totalement de discours, comme c’est toujours leur habitude. Même que l’ex-banquier Clément Gignac, devenu ministre libéral, nous a dit sans rire, que la hausse de la TVQ est une mesure équitable (La Presse du 4 mars 2010). On appelle ça du mépris et du dédain envers le monde ordinaire. Mais le Conseil du patronat (CPQ), qui mène dans les faits au Québec, avait formulé et dicté son choix: le CPQ préfère une taxe à la consommation à l’impôt sur le revenu. Belle démonstration de solidarité quand on sait que les compagnies ne paient pas de taxes à la consommation (TVQ et TPS).

Et il y a le cabinet international de comptables KPMG, ces champions de l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux et des passes fiscales qui font que leurs clients évitent l’impôt, qui en a rajouté et a affirmé, probablement en riant dans sa barbe et dans sa moustache: «La TPS [est] une taxe conviviale, selon KPMG» (La Presse, 20 août 2008). Une taxe qui nous rend heureux et qui nous fait du bien! Il y a aussi les économistes de service Luc Godbout, de l’Université de Sherbrooke, et le très lucide Pierre Fortin, de l’UQAM, qui ont prétendu que la hausse de la TVQ «a même un impact positif puisque cela favorise l’épargne» (La Presse, 11 mars 2010).

Un peu plus et ces valets universitaires du patronat clamaient que la TVQ favorise les travailleurs et réduit la pauvreté au Québec. C’est pour des énormités comme celles-là que Fortin vient d’être élu Grand Montréalais de l’année 2011 par la Chambre de commerce. Un honneur bien mérité, même si on est jaloux.

Pour terminer sur une note «conviviale» et «positive», disons que non seulement les compagnies ne paient pas de TPS et de TVQ mais plusieurs milliers d’entre elles ne remettent pas aux gouvernements les taxes qu’elles ont perçues des consommateurs et vont même jusqu’à réclamer des milliards de dollars à l’État pour des taxes qu’elles n’ont jamais payées grâce au subterfuge des fausses factures, comme l’indique le titre de ces quelques articles:

  • «La TPS « fraudée » d’un milliard» (La Presse, 20 novembre 2002);
  • «Des centaines de milliers d’entreprises tardent à verser la TPS à Ottawa» (La Presse, 4 août 2009). Dans les faits, plusieurs milliers ne les paient jamais;
  • Fraude dans le domaine de l’or: Une montagne de fausses factures et de faux bijoux» (La Presse, 16 juin 2011).

Amen, je vous le dis, comme bien d’autres économistes sérieux, neutres et honnêtes, les taxes à la consommation et la tarification des services publics sont des impôts très régressifs. En termes d’équité et de solidarité, il est préférable d’augmenter les impôts sur le revenu des compagnies et des pachas, mais ces derniers n’aiment pas et ne veulent pas. Alors, leurs politiciens et leurs économistes affranchis obéissent docilement aux ordres de leurs maîtres. En terminant, puis-je me féliciter d’avoir été bref ou plutôt moins long que d’habitude? Bravo Léo!

– Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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