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Les grandes lèvres dans la chopine de gravy

Il est de ces années où la frénésie des Fêtes ne me gagne pas la moelle épinière; où nulle couronne de sapinage ne s’égraine sur mon prélart et où l’appel du Salon des métiers d’arts se fait moins magnétique qu’à l’époque où Marina Orsini m’y conviait en hurlant devant un cache-pot de faïence artisanale, pattes chaussées dans des agnelets de Kamouraska.

Cette année, vous l’aurez deviné, c’est dur. Ce l’est de plus en plus, à vrai dire. Mais avec l’eau de Pâques qui tarde à geler et cette cavalière insistance avec laquelle un Matthew McConaughey saucé dans l’huile de palme me suggère avec détachement d’offrir une berline à chaque être qui m’est cher pour Noël, le cœur n’y est pas. Toute cette pression. Ce bonheur commandé. L’ivresse factice des couronnes de crevettes. Ces insignifiances à emballer. Les piroulines, les retrouvailles et les culottes de cuir. L’hilarité usée de la Nativité. C’est déjà trop.

Mais voilà qu’en plus de bénéficier des 257 articles-conseils des Fêtes qui me dictent le cadeau d’hôtesse pour faire bander mémé et la crème de jour à appliquer sur mes cailles rôties pour qu’elles ne soient pas trop confrontantes pour le bel âge, je suis tombée sur ce sympathique, si sympathique guide qui m’accompagne pas à pas dans l’élaboration de mon look de Noël, et je cite: «POUR ÊTRE LA PLUS CANON DU RÉVEILLON»

Superbe. Ça fait qu’en plus d’avoir la tête propre, il semblerait que notre époque commande désormais que je sois sexée en mangeant du cipâte: «Avouez que votre quasi unique plaisir des Fêtes est de montrer que vous êtes devenue carrément bombesque. On vous aide donc à assouvir ce petit ego trip de Noël grâce à quelques tenues savamment ravageuses.»

Bien vu. Chaque Noël, mon UNIQUE plaisir réside sans conteste dans le fait d’échapper volontairement ma fourchette par terre, de la ramasser de la pointe de mes bas résille en révélant mon pas-de-culottes sous mon négligé, et bondir telle une panthère sur le chemin de table avant de procéder au plus langoureux des grands écarts près des pains fourrés pour finir la descente en me trempant la pantoufle à l’air dans la chopine de gravy sans jamais quitter le chum de ma sœur du regard (et, accessoirement, remettre la fourchette sur la table).

L’heureux billet de blogue suggère, entre autres, de ne pas porter de brassière sous mon chandail de laine, de mettre du rouge à lèvres criard, une jupe de cuir, une blouse see through et de faire des dirty looks en mangeant ma salade de patates. Si je n’émoustille pas la parenté avec ça, le petit Jésus risque fort d’avoir les baloches bleues dans sa mangeoire sous l’épinette. Une petite victoire à la fois, qu’ils disent.

Heureusement, je trouve tout de même réconfort dans le fait de ne pas être cet épicurien de Saoudien millionnaire qui tombe sur les jeunes filles et les pénètre par mégarde. C’est déjà ça de pris.
La bise.

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