La cagnotte est aux vaches
Mes hommages. Comme bon nombre d’entre vous, mon acouphène a changé de tonalité quand mes yeux se sont posés sur la somme de la cagnotte du Powerball tiré mercredi soir, soit la fertile liasse d’environ 1,6 milliard de dollars américains (retenus ensemble par un élastique à brocolis, gage d’élégance et de durabilité).
La somme est certes scandaleuse. Même Chantal Lacroix le dit sur Facebook, entre deux jumping jacks beauté. Mais ce qui me tenaille davantage, ce sont les audacieux conseils prodigués par The Today Show, une émission matinale américaine diffusée sur les ondes de NBC, où tout n’est que risettes et carences en Gino Chouinard.
Au-delà des statistiques «funnées» qui stipulent que tout quidam coiffé d’un ananas a plus de chances de périr sous une machine à chips ou d’être frappé par la foudre en se noyant que de gagner le gros lot (une chance sur 292 millions), ce qui arrive, c’est que le fameux gros lot, eh bien il a été gagné (au moment d’écrire ces lignes, il s’agirait de trois extatiques de Californie, de Floride et du Tennessee).
Et ce qui est fantastique, c’est que l’élite du Today Show ne tarit pas de recommandations éclairées pour tout gagnant d’un lot de cette envergure. Un bienveillant «gare au va-vite en validant ton ticket» aurait pourtant suffi. Mais ce qui semblait importer aux gens bien coiffés du show matinal, c’est, avant la rose, la discrétion.
Faire falle basse.
Ne pas sortir sa trompette de carnaval en se tapant sur la noix pendant que tes couvre-mamelons se font aller en sens antihoraire, ce qui risquerait d’ameuter nation, flibustiers et potentiels adeptes de burlesque.
Mieux – et ils sont sérieux comme des nonnes –, ils suggèrent d’user d’astucieux déguisements tels une barbe factice, un chapeau à larges bords et des verres Transitions le moment venu de faire une apparition publique.
Mais surtout, on vous conseille vivement de ne pas prévenir vos proches. Sous aucune considération.
Vous savez, cette famille éloignée, CES ODIEUSES SANGSUES qui pourraient venir gratter dans le moustiquaire pour quêter quelques piastres sous prétexte que vous êtes désormais le boudin le plus gras du pâté de maisons. Après tout, ce milliard et demi, il est à vous. Et vous n’avez pas à payer les dettes de Jacques ni la maison mobile de Stacy-Lou, qui a pas été assez vaillante pour finir ses études de waitress.
Qu’ils fréquentent le Winners.
Vous avez droit au calme paisible et serein de votre nouvelle vie de milliardaire. À votre île personnelle. Aux pyramides de Ferrero Rocher. Aux pétales de roses sous vos penny loafers, aux yachts et aux toassettes au foie gras sur le dos d’une pute.
Déçus peuvent ben être les pauvres, car le royaume de Zamunda est à vous.
Allez en paix, chers gagnants. Saisissez-vous de ce jour. Et maintenant que vous pouvez vous le permettre, payez-vous cette flamboyante go dans l’espace, habilement coiffés d’un bandana et d’un ingénieux trait de sharpie sous le nez.
Le Club des petits déjeuners ne découvrira jamais la marotte.
La bise.