Règlement sur les pitbulls: Inquiétudes pour les itinérants propriétaires de chiens
Des organismes communautaires craignent que le nouveau règlement sur les pitbulls et le contrôle des animaux ait pour effet de judiciariser davantage les personnes itinérantes et d’en priver certains de leurs précieux compagnons.
Les nouveaux chiens de type pitbull seront interdits sur tout le territoire de la Ville de Montréal à partir du 26 septembre. Cette décision a été prise au comité exécutif mercredi matin dans le cadre de la présentation d’une nouvelle politique de gestion animalière.
Les propriétaires détenant déjà des chiens de type pitbulls pourront les garder en obtenant un permis spécial avant le 31 décembre 2016, au coût de 150$. Ils devront faire la preuve qu’ils sont âgés de plus de 18 ans, qu’ils n’ont pas de dossier judiciaire et que leur animal est stérilisé et équipé d’une micropuce. Les chiens dont les maîtres n’ont pas de permis pourraient être saisis et euthanasiés.
Ces conditions pourraient toutefois être difficiles à remplir dans le délai prescrit pour plusieurs personnes vivant dans la rue, selon des représentants de plusieurs organismes. «On encourage les jeunes à stériliser et à micropucer leurs animaux, mais il y a des frais (45$ pour la micropuce à la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux) qui peuvent être problématiques pour toute personne en situation de bas revenu», a estimé Caroline Dufour, directrice des services aux jeunes à Dans la rue, qui organise des ateliers sur le comportement canin et une clinique vétérinaire offrant des soins de base une fois par mois.
«Le lien qu’ils développent avec leur animal est très positif dans leur parcours de vie. S’ils se le font enlever, ça va créer des stress supplémentaires.» – Caroline Leblanc, fondatrice de Solidarité dans la rue
Tout comme Mme Dufour, Caroline Leblanc, fondatrice de Solidarité dans la rue, qui offre des services aux personnes itinérantes avec des animaux de compagnie, remarque que plusieurs des jeunes ont des chiens de type pitbull. Elle craint que beaucoup de personnes itinérantes arrivant à Montréal ne soient pas au courant de la nouvelle règlementation.
Le règlement interdit aussi les chiens de toute race dont le maître ne détient pas de permis, les chiens non stérilisés et non munis d’un puce au 31 décembre 2019 et les chiens croisés avec des loups. Tous les chiens de plus de 20 kg devront porter un licou ou un harnais. Pour les propriétaires délinquants, les amendes pourront s’élever à 750$ pour une première offense.
D’après Mme Dufour, l’escouade canine de la ville a déjà donné plusieurs avertissements à des personnes sans-abris pour non-conformité avec le règlement actuel, ce qui annoncerait bientôt des contraventions. «On a peur qu’il y ait une judiciarisation amplifiée avec le nouveau règlement», a-t-elle dit.
La Ville dit travailler à élaborer des mesures pour faciliter le respect de la règlementation par les personnes itinérantes.
Pas de nouveaux pitbulls
Elle estime que le règlement sur le contrôle des animaux permettra de prévenir un plus grand nombre de morsures.
«Dans un premier temps, on sait qu’il y a des propriétaires et des bêtes qui se conduisent bien et on leur dit qu’ils ont à remplir certains critères. On travaille aussi à assurer la sécurité des gens. On ne pouvait pas laisser aller les choses comme ça», a déclaré mercredi le maire Denis Coderre lors d’une présentation au comité exécutif.
De nombreux incidents impliquant des chiens de type pitbull à Montréal, notamment celui ayant entraîné la mort de Christiane Vadnais en juin, avaient incité les élus à réviser ce règlement cet été. Il vise à éliminer graduellement ces chiens du territoire montréalais.
En plus de devoir obtenir un permis spécial avant le 31 décembre, les propriétaires de pitbulls devront les garder dans certaines conditions : le chien devra être muselé en tout temps hors du domicile, porter une médaille et être tenu par une laisse d’au maximum 1,25 m, sauf dans les aires d’exercices canins ou les terrains clôturés. Si une de ces conditions n’est pas respectée, le permis spécial sera révoqué et le chien pourrait être euthanasié.
Les citoyens qui déménageront à Montréal après le 31 décembre 2016 ou qui n’auront pas enregistré leur chien à leur nom avant cette date devront s’en départir.
Par ailleurs, les propriétaires auront la responsabilité d’aviser les autorités dans les 72 heures si leur chien a mordu une personne ou un animal, peu importe sa race. S’il est déclaré à risque par la suite, les conditions de garde du chien seront similaires à celles des chiens de type pitbull. Tout chien qui aura causé la mort d’une personne ou d’un animal sera euthanasié.
Chiens condamnés
De son côté, la SPCA estime que le règlement entraînera l’euthanasie de nombreux chiens de type pitbull.
«Les animaux admis dans les refuges ne pourront plus être adoptés. Ils vont être condamnés à mort, a déploré Gabrielle Carrière, vétérinaire en chef de la SPCA. Plusieurs sont des chiens et des chiots gentils, en santé, et seraient d’excellents compagnons pour des familles.»
Mme Carrière espère pouvoir s’asseoir avec les responsables de la Ville afin de leur faire changer d’avis sur le sort réservé à ces chiens.
Qu’est-ce qu’un pitbull?
La Ville a décrété qu’il s’agissait :
• Des races pitbull terrier américain, terrier américain du Straffordshire ou Bull terrier du Straffordshire.
• D’un croisement avec une de ces races ou d’un chien présentant des caractéristiques morphologiques de ces races.