Pont Champlain: d’acier, de béton et d’aluminium
Une structure extérieure en acier, un tablier en aluminium et des assises en béton. La conception du futur pont du fleuve Saint-Laurent devra exploiter la complémentarité de ces trois matériaux, pour un résultat à la fois élégant, esthétique et durable.
C’est ce qui s’est dégagé du Forum sur le nouveau pont Champlain, tenu en mars par l’Institut pour le partenariat public-privé. L’événement a attiré le gratin des industries de l’acier, du béton et de l’aluminium. «Ce qui ressortait, c’est qu’il n’y a pas une solution unique. La meilleure chose, c’est de combiner les matériaux pour arriver à une solution optimale», résume Jean Simard, président de l’Association de l’aluminium du Canada.
Tablier chauffant
Léger, insensible à la corrosion et capable de transmettre la chaleur, l’aluminium a ses avantages, explique M. Simard. «On ne parle pas de la structure. Les grandes contributions de l’aluminium touchent entre autres le tablier du pont (l’élément sur lequel repose la voie), qui pourrait être préusiné en sections, puis assemblé et apporté sur place. Comme l’aluminium transmet la chaleur, on pourrait même penser à chauffer le tablier du pont selon la température de l’eau du fleuve, ce qui éviterait les problématiques de déglaçage.»
Dans le cadre du forum de mars, le conférencier Alexandre de la Chevrotière, président de MAADI Group, a proposé d’intégrer dans le tablier un réseau de serpentins dans lequel on ferait circuler un liquide. C’est le principe de la géothermie. En Suède, à Stockholm, les intersections des rues sont chauffées grâce à des canaux souterrains qui permettent de s’affranchir des déneigeuses, fait observer M. Simard. «Et ça ne coûte rien : c’est de la tuyauterie.»
Matériaux composites
La construction d’une nouvelle structure permettra par ailleurs d’améliorer sa durabilité, grâce aux dernières avancées technologiques. Les matériaux composites alliés au béton apparaissent incontournables, si on se fie aux travaux de recherche menés par des professeurs du Département de génie civil de l’Université de Sherbrooke.
L’un d’eux, Radhouane Masmoudi, a mis au point des tubes en polymère renforcé de fibre de verre ou de carbone, qui pourraient servir de gaines protectrices aux piliers du futur pont. Le béton, renforcé de tiges d’acier, est coulé dans ces coffrages permanents. «L’enveloppe offre une protection : le béton n’est plus soumis au sel et à l’humidité.»
Les premiers tests menés au laboratoire du chercheur montrent un gain de capacité portante allant «jusqu’à 400 %». Alors que le béton armé traditionnel requiert des réparations après 10 ou 15 ans, les tubes de polymère permettraient de garder des structures intactes pendant près d’un siècle et peut-être même plus.
Le professeur note aussi des gains en ductilité, soit la propriété d’un matériau de se déformer plutôt que de se fracturer lorsqu’il est soumis à des forces externes, comme un tremblement de terre. Le procédé, déjà utilisé pour la réhabilitation de piliers de ponts dégradés, n’est pas assorti d’une facture inabordable. «C’est quelques milliers de dollars par tube», évalue M. Masmoudi. Et on gagne sur la main-d’œuvre, à l’étape du coffrage.»
Matériaux et design
L’utilisation de matériaux moins lourds, plus résistants et plus solides, comme le polymère et l’aluminium, permet d’alléger la structure et de miser davantage sur l’esthétique et le design architectural, en réduisant la quantité de béton et d’armature. «On a besoin de moins de béton dans les assises. Cela permet alors d’optimiser les matériaux», dit Jean Simard, président de l’Association de l’aluminium du Canada.
Made in Sherbrooke
Trois professeurs du Département de génie civil de l’Université de Sherbrooke ont fait l’objet d’un article dans le quotidien La Tribune, en décembre 2011: «Un pont Champlain made in Sherbrooke.» Deux collègues de Radhouane Masmoudi (voir texte principal) exploitent les matériaux composites dans leurs projets de recherche. Le professeur Brahim Benmokrane est l’initiateur des armatures en polymère renforcé, qui remplacent déjà les tiges d’acier dans plusieurs structures routières au Québec. Arezki Tagnit-Hamou, quant à lui, fortifie le béton en y ajoutant de la poudre de verre.nathalie villeneuve
D’histoire et de chiffres
Le pont Champlain a 50 ans. Fiche technique du pont le plus achalandé du Canada.
Chronologie :
- 1955. Annonce de la construction d’un pont à péage
- 1958. Le nom de «pont Champlain» lui est attribué.
- 1962. Mise en service
- 1982. Instauration d’une voie réservée pour autobus
- 1990. Abolition du poste de péage
- 1990-1992. Remplacement du tablier
- 2009-2019. Instauration d’un programme d’entretien majeur Circulation annuelle:
- 2,7 millions de véhicules en 1963
- 60 millions de véhicules tous confondus en 2012
- 6,2 millions de camions en 2012
- 200 000 autobus en 2012
- 11 millions d’usagers du transport en commun en 2012 La facture, la technologie et les bras :
- 212 M$. Montant requis sur 10 ans pour assurer la sécurité du pont
- 66. Nombre de capteurs placés sur la structure, pour la transmission d’informations en temps réel
- 75 à 125. Les ouvriers qui font des travaux sous le pont chaque semaine
La structure actuelle :
- 3,44 km. Longueur d’une rive à l’autre
- 52 M$. Coût de la réalisation en 1962
- 11 000. Tonnes d’acier qui composent sa section centrale
Source: Société des ponts Jacques-Cartier et Champlain