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Harcèlement dans les transports en commun: davantage d’actions réclamées

Photo: Josie Desmarais/TC Media

Un groupe de femmes juge que les autorités publiques devraient en faire plus pour prévenir le harcèlement dans les transports en commun.

«Nous voulons que les institutions, incluant la Ville, l’État, le système d’éducation, la Société de transport de Montréal (STM) et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), reconnaissent le problème du harcèlement de rue et se responsabilisent pour offrir des mesures sérieuses en vue de donner un réel soutien aux femmes ciblées, pour recevoir leur dénonciation avec sérieux, mais aussi sensibiliser la population», fait savoir à TC Media Audrey Simard, une organisatrice communautaire du Centre d’éducation et d’action des femmes de Montréal (CEAF).

Le CEAF a réalisé un sondage en ligne sur le harcèlement de rue au cours duquel 240 témoignages ont été recueillis. Dans le document préparé le mois dernier, on peut lire qu’un nombre important de femmes ont souligné que leur droit à circuler dans le métro, dans l’autobus et aux arrêts d’autobus sans être harcelées n’est pas respecté [voir graphique].

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Les commentaires recueillis par le CEAF sur la façon dont sont considérées les plaintes pour harcèlement et attouchements dans le bus et le métro démontrent que les victimes ne se sentent pas prises au sérieux par le personnel de la STM, qui est en première ligne.

«On m’a dit qu’on ne pouvait pas recevoir ma plainte (même si j’avais reçu des menaces très sérieuses me faisant craindre pour ma sécurité) car les agents de la STM prétextaient qu’ils n’avaient aucun moyen de retrouver l’homme en question», rapporte une femme sondée. Une autre raconte que l’employé de la STM lui a indiqué qu’il ne pouvait «rien faire». «Je suis allée voir des employés et j’ai donné la description de l’homme. Ils m’ont répondu que ça se passe fréquemment des situations comme ça et qu’ils n’allaient probablement pas le retrouver de toute manière», témoigne une autre femme.

La porte-parole de la société de transport, Amélie Régis, rappelle qu’une campagne de sensibilisation sur le sujet, Réagissez dénoncez, a été menée conjointement avec les services de police de Montréal, Laval et Longueuil, ainsi que l’Agence métropolitaine de transport.

Mme Régis précise aussi que la STM prépare de son côté des campagnes de sensibilisation au civisme (céder son siège, ne pas embêter les autres usagers avec son sac à dos, etc.), alors que le harcèlement, les attouchements et l’exhibitionnisme dont peuvent être victimes les usagers relèvent du SPVM, puisqu’il s’agit d’actes criminels.

La chef de la section métro du SPVM, Carole Lalonde, se dit pour sa part étonnée des commentaires des femmes sur la façon dont sont reçues leurs dénonciations. «Mon effectif est très sensibilisé à ça», insiste-t-elle. Elle martèle l’importance de dénoncer. «Avec la STM, on a accès à des images, dit-elle. C’est ce qui nous amène à un bon taux de mise en accusation, c’est un moyen d’enquête qui est percutant.»

Transport 2000, cet organisme voué à la des usagers des transports en commun, croit pour sa part que la STM doit prendre davantage au sérieux sa responsabilité sur le harcèlement dans ses réseaux de bus et de métro.

«Il y a des enjeux de sécurité, mentionne le coordonnateur de Transport 2000, Philippe Cousineau Morin. Juste répondre aux gens « c’est pas de notre ressort, appelez tel numéro », ça ne me semble pas suffisant». [Ce type de réponse] semble de nature à décourager les gens à faire une plainte, d’une certaine façon.»

Et si le message n’était pas le bon?
Le CEAF aimerait par ailleurs que des campagnes d’éducation populaire soient organisées par la STM et le SPVM pour sensibiliser la population au problème du harcèlement dans les transports en commun. «[Il faut] une analyse féministe qui nomme le fait que cette problématique est un problème collectif prenant racine dans le sexisme, ce qui concerne l’ensemble de la société et non uniquement le harceleur et sa cible», fait valoir Audrey Simard.

Le message véhiculé l’an dernier par la campagne Réagissez, dénoncez ne décrivait pas les situations de harcèlement vécues et incitait à contacter le 911 ou à parler à un policier si quelqu’un était victime ou témoin d’attouchements, de voyeurisme ou d’exhibitionnisme.

Cette campagne a porté fruit, selon Mme Lalonde, qui fait état d’un «boom» de dénonciations juste après sa mise en place. «C’est sûr qu’on ne peut pas se réjouir qu’il y ait plus d’incidents en 2016 (107) qu’en 2015 (88), mais au moins les gens savent qu’on est là, qu’on prend les rapports et qu’on fait les enquêtes qui s’imposent.»

Pour Audrey Simard, la campagne menée l’an dernier est un pas dans la bonne direction, mais elle est insuffisante. «C’est un message qui cible la répression et c’est très individuel, explique-t-elle. C’est culpabilisant à la limite pour la victime. La solution doit passer par l’éducation». Quand le CEAF à tenter de faire une telle campagne, les coûts d’affichage dans le métro étaient prohibitifs pour un organisme communautaire (15 000$ pour 182 affiches, dans une voiture de métro sur quatre), selon Mme Simard.

Présentes à la séance publique du conseil d’administration de la STM, le 3 mai dernier, deux militantes CEAF ont proposé à la société de transport montréalaise de collaborer avec elle afin de mettre sur pied et diffuser une campagne de sensibilisation qui, entre autres, expliquerait les causes du problème et qui responsabiliserait les harceleurs. Le président de la STM, Philippe Schnobb, s’est montré réceptif à leur demande, et il est prévu que le centre de femmes rencontre prochainement le directeur exécutif de l’expérience client et des activités commerciales, Michel Lafrance.

Dans les autres réseaux de la région métropolitaine
L’Agence métropolitaine de transport (AMT), la Société de transport de Laval (STL) et le Réseau de transport de Longueuil (RTL) ont tous souligné à TC Media prendre l’enjeu du harcèlement dans les transports en commun au sérieux. Ces sociétés de transport assurent que la formation de leur personnel les prépare à réagir à des événements de ce type qui pourraient survenir, même si ces formations ne visent pas spécifiquement les incidents à caractère sexuel.

L’exemple de Philadelphie
En 2013 et 2014, une organisation basée à Philadelphie a conçu une campagne de sensibilisation au harcèlement, qui a été affichée dans le métro et les autobus de la plus grande ville pennsylvanienne.

«Je crois que notre campagne a connu un grand succès en partie parce qu’elle traitait le problème du point de vue d’un changement culturel, en encourageant les gens à comprendre le problème», raconte Rochelle Keyhan, de Feminist Public Works. Nous avons aussi remarqué que plusieurs personnes qui sont victimes de harcèlement de rue ne veulent pas nécessairement que la police soit impliquée. Elles veulent juste que ces comportements cessent.»

 

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