Quand l'archéologie raconte l'histoire de Montréal (et ses travers)
Le 17 août, la Ville de Montréal ouvrira de façon exceptionnelle les portes de sa réserve archéologique qui compte près de 10 000 artéfacts. Métro vous présente quelques objets qui ont retenu notre attention et qui illustrent bien l’ADN de Montréal, confirmant indirectement que l’Histoire est un perpétuel recommencement.
La saga des fortifications
Pendant 70 ans, le fort Ville-Marie où se sont établis les colons est entouré de palissades de bois pour le protéger des Iroquois. Mais à partir de 1718, elles sont remplacées par un immense mur de pierre de 3,5km de long et 5,5m de haut qui mettra 25 ans à être construit. «Finalement, la fortification n’aura pratiquement jamais servi puisqu’aucune attaque n’a été recensée avant sa démolition, près de 90 ans plus tard. À la fin, elle nuisait à l’expansion de la ville et causait des bouchons de charrettes aux entrées», souligne François Bélanger, archéologue et responsable de la réserve des collections archéologiques de la Ville. Peut-on pour autant dire que le mur de fortification inaugurait la lignée des éléphants blancs montréalais? «Ça a fait travailler des gens et rouler l’économie montréalaise», répond M. Bélanger avec philosophie. Les pierres de la muraille ont en outre servi à remblayer des espaces et à construire de nombreux bâtiments du Vieux-Montréal.
Histoires de pavés
Les travaux routiers non durables ne datent pas d’hier, mais bien du début de la colonie. On en a fait la constatation quand l’archéologue de la Ville nous a présenté un morceau de bois rectangulaire servant de pavé pour faire les routes. «Après quatre ou cinq ans, ça commençait à sentir à cause de l’odeur des déjections des chevaux, et il fallait les remplacer», raconte-t-il en nous proposant de sentir un spécimen qui a, paraît-il, gardé l’odeur de créosote, un goudron de houille utilisé pour protéger le bois. À partir de 825 et des débuts de l’ère industrielle, ce sont les pavés réalisés à partir des résidus de fer des fonderies qu’on retrouve dans les rues. «C’est un matériau recyclé qui a connu un franc succès. On en retrouve encore à plusieurs endroits», confie l’archéologue. La Ville peut se targuer d’avoir fait du recyclage bien avant que ce ne soit à la mode!
Capitale de la pipe
Dans le milieu des années 1850, Montréal produisait environ 10 millions de pipes par an et disposait même d’un quartier des piperies, dans le coin des rues Sainte-Catherine et De Lorimier. «C’est l’objet le plus retrouvé dans les sites archéologiques à Montréal», mentionne François Bélanger. Selon l’archéologue, la pipe montréalaise illustre bien la position économique de la ville sur l’échiquier du commerce de l’époque : «La matière première vient de Grande-Bretagne ou de France, les pipes sont fabriquées et cuites à Montréal et sont exportées jusqu’en Australie.» Les archéologues montréalais ont recensé près de 150 modèles différents.
Un schtroumpf ailé!
Non ce n’est pas le 1er avril, la Collection de référence de la Ville de Montréal compte bien un schtroumpf. Il a été trouvé lors d’une fouille archéologique à Pointe-aux-Trembles et il côtoie désormais des pointes de flèches amérindiennes, une vieille bouteille de boisson gazeuse à cul torpillé et des pièces de monnaie datant de 300 ans avant Jésus-Christ. «Les gens ricanent quand je leur montre le schtroumpf ailé, mais dans 200 ans, ça va avoir une valeur indéniable», lance l’archéologue. En attendant, la figurine illustre bien que l’archéologie, ce n’est pas juste une histoire de vieilles pierres.
Épate tes amis
À Montréal, la préhistoire n’est pas liée aux hommes des cavernes. Elle débute il y a 4000 ans, avec les plus vieilles traces de présence autochtone, et s’arrête aux premiers contacts de ces derniers avec les colons venus d’Europe. La stratigraphie du sous-sol montréalais, donnerait ceci: tout au fond, de la terre noire avec son odeur caractéristique, annonciatrice pour l’archéologue d’une occupation autochtone. On trouverait ensuite la couche où les Amérindiens ont rencontré les premiers Européens, avec, par exemple, des pointes de flèches faites à partir du cuivre des chaudrons ramenés par les visiteurs. On trouverait ensuite la couche du régime français, avec ses assiettes en faïence. Viendrait ensuite la couche du régime anglais, et ses objets en céramiques fabriquées en usine. Puis, la période industrielle attestée surtout par la présence du canal de Lachine et de ses nombreuses industries.