Les Montréalais favorables aux caméras corporelles des policiers, selon un sondage
Près de 90% des Montréalais se sentiraient mieux servis par les agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) si ceux-ci étaient équipés de caméras corporelles, révèle un sondage dont Métro a obtenu copie.
Le coup de sonde a été commandé par Axon (auparavant Taser), principal fournisseur de caméras corporelles dans le monde. «Nous voulions mieux comprendre la réaction du public face à la technologie et leur connaissance de son utilisation. Ça valide le fait que les gens, à Montréal, souhaitent avoir des caméras corporelles pour la sécurité des agents et du public», affirme le directeur général d’Axon pour le Canada et l’Amérique latine, Vishal Dhir.
Les réponses de quelque 600 personnes indiquent que 89% des Montréalais sont très favorables ou favorables aux caméras corporelles sur les policiers, bien que près de 25% indiquent ne pas connaître cet appareil.
«Le public souhaite voir les policiers agir de manière plus professionnelle et croit que les caméras corporelles devraient faire partie de la boîte à outil des agents. Elles ne sont pas une panacée, mais aident les policiers à faire leur travail plus efficacement.» – Vishal Dhir , directeur général d’Axon pour le Canada et l’Amérique latine.
Professeur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal, Rémi Boivin met en garde contre les résultats du sondage, dont les questions présentent surtout «les aspects positifs des caméras corporelles». «Plusieurs études démontrent que c’est reçu favorablement, alors on ne peut pas enlever le constat général. Mais demander si on veut que les policiers aient une caméra corporelle pour amasser de la meilleure preuve ou demander aux gens s’ils veulent être filmés s’il y a une intervention chez eux, ce n’est pas la même chose», prévient M. Boivin, qui souligne que le facteur financier a été complètement évacué du questionnaire.
Si les personnes sondées font déjà bien confiance au SPVM, cette confiance augmenterait si les agents étaient munis de caméras, dévoile le sondage. Ainsi, la confiance dans la transparence des interventions et l’absence de discrimination a augmenté chez 46% des répondants entre un policier sans caméra et avec caméra corporelle.
«On a reposé les mêmes questions après avoir introduit l’aspect des caméras corporelles, rapporte Youri Rivest, associé chez Synopsis, la firme qui a mené le sondage. On a regardé les gens dont la confiance augmentait.» Les répondants avaient le choix entre «beaucoup confiance», «assez confiance», «un peu confiance» et «pas du tout confiance».
«[Le sondage] se fie sur des gens qui ne connaissent pas [les caméras corporelles] et si [elles ont] un impact sur les interventions policières. Ç’a été démontré que même les policiers ne connaissent pas trop l’impact [de ces caméras], nuance Rémi Boivin. Par exemple, ce n’est pas tout le monde qui sait que les enregistrements ne peuvent pas être diffusés publiquement.»
Il croit que la publication d’un sondage peu avant le dépôt du rapport du projet pilote sur les caméras corporelles du SPVM n’est pas «anodine» et est un «argument de vente». «On n’a pas eu le rapport, mais on se doute fort que l’effet sur les interventions ne sera pas aussi fort qu’aux États-Unis, avance-t-il. Le premier projet pilote, c’était à Rialto, en Californie. Il y a eu une baisse de 75% de l’emploi de la force. Dans les projets pilotes au Canada, la situation n’empire pas, mais ne s’améliore pas nécessairement. L’argument qui dit que la caméra change radicalement l’intervention policière ne tient pas trop.»
Axon admet d’ailleurs vouloir servir de ce sondage pour «faire de l’éducation» auprès de la population et démontrer aux élus municipaux la pertinence d’équiper les agents de caméras corporelles. «Il y a beaucoup d’inconnu autour du travail des policiers et on veut montrer aux gens ce qui se passe dans la journée d’un policier, qui fait environ deux tiers de paperasse et un tiers de travail terrain», appuie M. Dhir.
Si le public voit surtout les caméras corporelles comme un moyen de rendre les policiers plus soucieux dans leurs interventions, M. Dhir avance que les policiers souhaitent surtout l’avoir pour faciliter la collecte de preuves. «Ils la voit comme un outil qui permet par exemple d’enregistrer une déposition sur le terrain et de ne pas à avoir à rappeler un témoin pour être certain de ne pas omettre des détails», dit-il.
À Montréal, dans le cadre du projet pilote, l’enregistrement de dépositions par caméra a toutefois été interdit. «Ça n’a presque jamais été utilisé en cour au Canada. Il y a des doutes sur la qualité de la preuve qui est recueillie», soutient Rémi Boivin, qui fait état de beaucoup de «vidéos d’avant-bras».
Le SPVM et les élus municipaux n’ont pas voulu commenter le sondage. Le service de police indique qu’il est toujours en préparation de son rapport sur le projet pilote, qui s’est terminé l’an dernier.
Le président de la commission de la sécurité publique, Alex Norris, estime que ce rapport sera présenté aux élus à l’automne. Il a affirmé à Métro que c’est ce «processus objectif» qui dictera la décision de la Ville dans ce dossier, et non un sondage.
Et le Taser?
Le sondage commandé par Axon, qui est aussi le fournisseur de l’arme à impulsion électrique (AIE) Taser, indique que 67% des Montréalais sont favorables au port de l’AIE par tous les agents du SPVM.
Toutefois, la majorité des répondants (69%) ne sont pas au courant du nombre réel d’AIE au SPVM. Pas moins de 15% croient que tous les policiers en ont, alors qu’en réalité, le SPVM ne possède que 68 AIE pour l’instant. En avril, le corps policier a toutefois fait part de son intention d’équiper chaque duo de patrouilleurs d’un pistolet électrique.