Des jardins urbains plus accessibles au Santropol Roulant
Pour ouvrir les portes à sa communauté à mobilité réduite, l’organisme Santropol Roulant, qui possède plusieurs jardins urbains sur l’Île de Montréal et distribue de la nourriture aux personnes en perte d’autonomie, a inauguré jeudi un tout nouvel ascenseur dans ses locaux de la rue Roy est.
Le nouvel appareil, qui peut accueillir deux fauteuils roulant à la fois, relie le rez-de-chaussée de l’organisme, le deuxième étage, où se trouvent un local communautaire et une portion du jardin, ainsi que le toit, où poussent des fleurs, des fruits et des légumes.
«On a fait ce constat que, malgré l’achat de ce magnifique édifice [en 2011], on ne pouvait pas recevoir sur notre terrasse, dans notre salle communautaire, dans notre jardin, a observé le directeur général de l’organisme, Pier Liné, en conférence de presse. Nous avions mis des barrières structurelles à l’accessibilité à nos jardins en mettant [juste] des escaliers.»
Le projet amorcé en 2014 a coûté environ 600 000$. En plus de consulter Ex aequo, un organisme de défense des personnes ayant une déficience motrice, pour la construction de l’ascenseur, Santropol Roulant a reçu des subventions du gouvernement fédéral et de plusieurs fondations. La contribution de 150 donateurs privés s’est élevée à près de 40 000$.
Une nouvelle étape
Santropol Roulant récolte des fruits et légumes frais dans ses jardins et sa ferme de la métropole depuis 2003 pour, entre autres, les redistribuer sous forme de plats chauds à sa communauté. Parmi les clients de l’organisme, plus des trois sur quatre sont âgés de 65 ans et plus.
Chris Kennedy, un bénévole régulier du Roulant depuis 2004 atteint de tétraplégie, a tenu à faire état de sa satisfaction quant à la construction de l’ascenseur, rappelant que même les parents avec des poussettes auraient plus de facilité avec la nouvelle configuration des jardins.
«Ils tenaient des activités ici, au deuxième étage, et ils me disaient “super, on a l’ascenseur humain!” a-t-il relaté. Quatre personnes me transportaient dans les escaliers avec mon fauteuil. Mais je ne représente pas toutes les personnes avec des déficiences physiques, et ils ne veulent pas tous faire ça.»
La membre du conseil d’administration d’Ex aequo, Karo-Lyne Lapensée Savaria, qui se déplace en fauteuil et qui s’aventurait pour la première fois sur le toit des jardins de la rue Roy, a fait entendre le même son de cloche.
«J’aime mieux sortir faire mes achats que commander mon épicerie par internet, a-t-elle fait valoir. Je peux voir ce que j’achète, je peux être autonome, j’ai le plaisir de choisir moi-même. Je veux pouvoir choisir comment je dépense.»
La construction d’un ascenseur, pour un organisme de cette taille, représente un important pas en avant, selon M. Liné. «On voit des ascenseurs partout, mais c’est quand même un big deal d’avoir l’accessibilité universelle, a-t-il expliqué. On la prend des fois pour acquis.»
Montréal, peu accessible?
Parmi les organismes québécois qui ne représentent pas spécifiquement des personnes en situation de handicap, plus de la moitié n’offrent pas d’accommodement pour les personnes handicapées, selon des données de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques parues en décembre 2017.
Santropol Roulant souhaite jouer un rôle d’inspiration afin d’inviter plus d’organisations communautaires à emboîter le pas.
«Les personnes qui ont des enjeux de mobilité sont des personnes invisibles, a lancé M. Liné. Parce qu’ils utilisent une canne, parce qu’ils utilisent un fauteuil, on ne les voit pas dans la rue. Nous, ce qu’on veut faire c’est leur donner de la visibilité en offrant l’accessibilité.»
«Plus il y aura des personnes qui seront vues dans nos jardins, plus d’autres commerces auront le goût de faire ce même effort», a-t-il poursuivi.
Le combat n’est pas fini pour le Roulant, qui souhaite ajouter des quais d’accès dans ses jardins pour faciliter les déplacements des personnes à mobilité réduite, installer des boutons poussoirs près de ses portes et adapter ses salles de bain. Si M. Liné ne pense pas multiplier sa clientèle, déjà bien établie dans les quartiers de la métropoles, il espère que l’ascenseur «changera la démographie» des visiteurs du jardin urbain.