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L’économie du partage, une arme à double tranchant

Guillaume Lavoie, candidat à la chefferie de Projet Montréal Photo: Mario Beauregard/Métro

Le projet pilote d’Uber «n’est pas une réussite», selon l’ancien élu montréalais Guillaume Lavoie qui croit en outre que Montréal, comme le reste du Québec, devrait rectifier le tir dans plusieurs domaines pour profiter davantage de l’économie de partage. Après avoir présidé le Groupe de travail sur l’économie collaborative et reçu cette semaine le prix Marcel Côté pour son leadership dans le développement des politiques publiques, M. Lavoie donne quelques conseils pour réglementer cette économie émergente afin qu’elle devienne une source d’améliorations plutôt que de nuisances.

Mobilité. L’auto solo a des inconvénients qui peuvent cependant se transformer en occasions. «Il y a chaque jour 15 millions de sièges d’auto libres dans la région de Montréal. Si on n’en remplissait que 10% à 15%, il n’y aurait plus de bouchons», lance Guillaume Lavoie, un ancien élu montréalais qui enseigne aujourd’hui l’économie collaborative à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP). Actuellement, Montréal compte cinq plateformes de covoiturage urbain, en plus d’Uber, dont certaines optimisations ne sont toutefois pas offertes à Montréal. «Malheureusement, le service de course partagée (de type UberPool) qui permet de partager la course avec un inconnu faisant à peu près le même trajet n’est pas disponible à Montréal à cause de la réglementation gouvernementale», déplore M. Lavoie. Il pense que le projet pilote d’Uber «n’est pas une réussite, mais n’a pas à devenir un échec». D’après l’ancien élu, les règles trop sévères ont créé des freins à l’entrée pour de plus petits joueurs locaux et ont entraîné la création d’un monopole. Il croit que la ville de Boston est l’exemple à suivre. «Là-bas, la première chose qu’ont négociée les élus, c’est le partage des données sur les trajets dans le respect de l’anonymat des clients. Ça a permis à la Ville de voir comment mieux déployer le réseau de transport public», mentionne-t-il.

Hébergement. Montréal a vu le nombre de logements mis en ligne sur Airbnb augmenter de 40% de 2016 à 2017, au point de représenter jusqu’à 1,7% des logements du parc immobilier montréalais, selon un rapport de l’Université McGill. L’étude, contestée par Airbnb, soulignait notamment les risques pour le marché locatif dans les secteurs attractifs et le fait qu’une petite poignée de gestionnaires immobiliers avaient investi la plateforme pour représenter jusqu’à 36% des revenus de location. La firme Sonder propose, par exemple, une panoplie de plus de 150 appartements à Montréal. Alors que la métropole tente sans réel succès jusqu’ici de limiter l’expansion d’Airbnb à des rues bien identifiées, Guillaume Lavoie juge que les villes du Québec, dont Montréal, devraient plutôt s’inspirer de Vancouver. Là-bas, les propriétaires doivent disposer d’un numéro d’enregistrement et ne louer que leur résidence principale, sous peine d’amende. Selon l’émission La facture, cette mesure a permis de diminuer le nombre de logements proposés sur Airbnb de 43%. «L’objectif premier est la protection du parc d’unités d’habitation. De plus, en cas de plainte des voisins pour cause de bruit par exemple, le propriétaire peut perdre le droit de louer sur ce type de plateforme», note M. Lavoie.

Alimentation. Alors que les différents ordres de gouvernement ont jusqu’ici eu de la peine à encadrer positivement les différents modèles d’économie collaborative, un phénomène plus complexe encore s’amène: le restaurant à la maison. Si certaines plateformes permettent déjà de vendre des plats cuisinés maison, la donne pourrait changer avec l’arrivée de grandes plateformes, telles que Feastly et EatWith, qui proposent des expériences culinaires chez l’habitant. Or, ce domaine implique plusieurs ordres de gouvernement : le secteur municipal délivre des permis et inspecte les cuisines, le provincial légifère, entre autres sur la vente d’alcool et la salubrité, alors que le fédéral régit la taxation. La multiplicité des règlements rend donc encore plus compliqué l’encadrement d’une telle pratique, souligne M. Lavoie, qui recommande cette fois de regarder ce que fait Milan, en Italie. Le chargé de cours de l’ÉNAP mentionne que «ce serait l’occasion de «réfléchir où l’on trace la ligne entre le niveau d’activités acceptable et une activité considérée comme étant une activité commerciale». Une bonne formation des inspecteurs aux systèmes de notation sur les réseaux sociaux pourrait en outre permettre aux autorités de cibler par exemple en priorité les chefs citoyens ayant reçu de mauvaises notes. Ici, comme pour les autres pratiques, le défi est de réussir à «encadrer afin de mieux permettre».

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