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Québec poursuivi pour discrimination envers les personnes trans

Photo: Métro Média - Archives

Le procès intenté par le Centre de lutte contre l’oppression des genres contre le gouvernement du Québec commencera le 7 janvier, soit quatre ans après le dépôt de la poursuite visant à faire invalider des articles «injustes» du Code civil envers les personnes trans et non-binaires.

Des parents qui ne peuvent pas modifier la filiation «père» ou «mère». Des non-citoyens qui ne peuvent pas changer leur nom et la mention de leur sexe dans des documents officiels. Des jeunes qui ont besoin de l’approbation parentale pour modifier leur identité. Voilà le genre de cas qui a poussé l’organisme à entamer des procédures judiciaires, en Cour supérieure contre le gouvernement du Québec, en 2014. Il souhaite invalider pas moins de 11 articles du Code civil du Québec.

«Ces articles font entorse aux principes de sécurité de la personne, d’intégrité, de liberté et de vie privée» des chartes québécoises et canadiennes, a assuré mardi l’éducatrice publique au Centre de lutte contre l’oppression des genres, D. T.*.

À ses dires, ces dispositions législatives «obligent [entre autres] les personnes trans non-citoyennes à attendre l’obtention de la citoyenneté pour pouvoir changer de prénom et de mention de sexe». «Cela veut dire que pendant plusieurs années, ces personnes doivent naviguer dans la société avec des documents d’identité qui ne sont pas conformes pas à leur genre et à leur présentation physique», a-t-elle renchéri. La poursuite se veut selon elle une «démonstration de résilience et de lutte».

Marginalisation et discrimination
Selon l’organisme, plusieurs membres de la communauté trans ont été «marginalisés» depuis 2015. «Malgré des avancées acquises, le Québec est toujours en retard en comparaison avec les autres provinces, a martelé D. T.. Si les gouvernements n’ont pas cette volonté de faire avancer le cause, on espère que la voie légale saura changer la loi actuelle.»

En septembre 2017, le cas de Sisi Thibert – une personne trans poignardée à mort dans son appartement du Centre-Sud – «n’a que très peu attiré l’attention», a plaidé D.T.. «C’est un événement qui avait choqué toute la communauté trans, et ça n’a pourtant jamais eu de couverture significative», a-t-elle souligné.

La poursuite est d’une importance telle, selon le Centre, principalement parce que les lois auxquelles elle s’attaque «constituent un obstacle à l’intégration» de plusieurs personnes trans dans la société. Le procès sera tenu jusqu’au 1er février 2019.

«Situation invivable»
Pour l’avocate principale du Centre, Audrey Boctor, il importe que le nouveau gouvernement caquiste constate qu’il est temps de corriger le tir. «Bien qu’il ait été un leader à une certaine époque pour toute la communauté LGBT, le Québec ne l’est plus, et il faut le voir. Ça empêche un vrai accès au changement.»

L’étudiante à l’Université Concordia, Adrianna Diaz, peut en témoigner. Devenue citoyenne canadienne il y a deux mois, elle fait encore face à des difficultés dans son processus de changement d’identité. «Ça prend beaucoup de temps, a-t-elle déploré. Et je ne suis pas la seule à avoir ces problèmes. La vraie solution, c’est de nous donner le droit de le faire avant même d’avoir la citoyenneté.» Mme Diaz dit avoir vécu beaucoup de discrimination sur le marché de l’emploi en vertu de «son nom très masculin en espagnol» notamment.

Marie-Ève Baron a quant à elle fait sa transition il y a dix ans, et a pu compléter tous les changements d’identité. Mais elle s’indigne aujourd’hui qu’il soit encore inscrit «père» sur les documents de ses deux enfants, malgré plusieurs tentatives de modification.

«Ça veut dire que mes enfants devront faire mon coming-out même après mon décès. C’est exagéré. Pour eux, ça a été maman assez rapidement, et ce l’est encore. Il faut mettre à jour la loi.» -Marie-Ève Baron

Pour l’étudiante à la maîtrise spécialisée en enjeux des personnes non-binaires, Florence Ashley, «c’est très déshumanisant de voir que notre identité de genre n’est pas respectée par l’État».

«Presqu’inévitablement, je suis marquée comme madame. Et je dois toujours corriger les gens, a-t-elle considéré. Ça vient épuisant. Surtout dans un monde où on se fait constamment rappeler qu’il n’y a que deux genres, que les personnes non-binaires ne sont pas valides, qu’elles ont des maladies mentales.»

*Les initiales sont utilisées afin de préserver l’anonymat de la personne qui témoigne.

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