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Des locataires épuisés condamnent les «pratiques abusives» d’un promoteur immobilier

Plusieurs locataires ont témoigné de l'enfer qu'ils ont vécu au courant des derniers mois, mercredi matin. Photo: Andrej Ivanov/Métro

Harcèlement, intimidation et pressions constantes d’éviction: des locataires «au bout du rouleau» ont condamné mercredi les pratiques abusives du groupe immobilier LS Capital. Ils lui reprochent de multiplier les stratagèmes afin de pousser des résidents à la rue pour ensuite relouer les unités à un prix gonflé.

«On est dépassés par la situation. On se sent abandonnés par les institutions et les gouvernements, alors qu’on se bat contre des gens avec beaucoup de moyens, qui sont prêts à tout pour arriver à leurs fins. C’est David contre Goliath», explique un locataire de la 3e avenue, Félix-Antoine Carignan, au bord des larmes.

L’entreprise, qui possède sept bâtiments à Verdun et plus de 200 unités de logement à Montréal, poursuit généralement le même modus operandi pour évincer des locataires, d’après le responsable au Comité d’action des citoyens de Verdun (CACV), Steve Baird.

Pressions pour quitter

«Ils reproduisent des moyens de pression, dont des recours à la Régie du logement, et offrent une compensation au locataire en échange de son départ. Ils vont même jusqu’à réclamer de quitter les lieux pour y faire des travaux majeurs, afin de mettre un maximum de pression», résume-t-il.

Son organisme estime que cette façon «assez violente de faire des profits» soit devenue de plus en plus fréquente. Dans sa forme actuelle, la loi prévoit que l’éviction de locataires peut être effectuée pour cause de travaux majeurs si le motif est «raisonnable». Or, ici, l’objectif est tout autre, dit M. Baird. «C’est plutôt: mettre tout le monde dehors, faire quelques petits travaux et revendre à 40% plus cher», avance-t-il.

Même son de cloche pour Cécile Lahaie. À 77 ans, elle se voyait finir ses jours dans son logement de la rue Woodland, jusqu’à ce qu’on lui demande soudainement de quitter les lieux.

«Ce qu’ils veulent, c’est nous démolir ni plus ni moins. À chaque fois qu’on va à la Régie, le lendemain, il y a quelqu’un à notre porte pour nous apporter d’autres papiers. C’est du harcèlement pur et simple», martèle-t-elle.

«L’immobilier est devenu le grand jackpot, l’eldorado, la ruée vers l’or. On l’a vu à Vancouver, à Toronto. Posez-vous la question: quel genre de société vous voulez? Des riches puissants qui écrasent les plus pauvres?» -Toan Nguyen, résident d’un immeuble de LS Capital

Appelé à réagir, le directeur des communications au cabinet de la mairesse de Montréal, Youssef Amane, s’est fait catégorique. «Il est évident que le parc immobilier a besoin de rénovations et d’investissement, mais il y a des moyens de le faire dans le respect des droits des locataires. Les propriétaires ont des devoirs et responsabilités envers leurs locataires», a-t-il martelé, plaidant pour la nécessité de «conserver des logements abordables».

La Ville dit «agir» par diverses mesures, dont l’achat et la rénovation d’immeubles par le milieu communautaire ainsi que par sa stratégie de 12 000 logements sociaux et son Règlement pour une métropole mixte.

Joint par Métro, le groupe LS Capital n’avait pas retourné nos demandes au moment d’écrire ces lignes.

Un cas symptomatique, des solutions

Pour la porte-parole au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Véronique Laflamme, ce genre de récit «est vécu tous les jours par plusieurs personnes à Montréal. «La spéculation immobilière et la gentrification, doublées d’une pénurie de logement, créent une pression insoutenable qui est mise sur le dos des locataires», argue-t-elle.

La Ville doit en faire plus, selon Mme Laflamme. Au niveau local, chaque arrondissement peut «systématiser les inspections préventives et revoir certains règlements», soutient le FRAPRU.

«On voit des logements à 600-700$ partir pour revenir peu après sur le marché à 1000$. C’est un effritement du parc locatif abordable dont il est question.» – Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

«Montréal doit être plus vigilante, mais pour qu’elle puisse porter jugement sur la nature des travaux par exemple, Québec doit lui donner plus de pouvoirs», illustre sa porte-parole.

La Régie du logement doit aussi avoir plus de pouvoirs, selon les intervenants rencontrés par Métro. La transformation du rôle de la Régie fait actuellement l’objet d’un projet de loi à l’Assemblée nationale.

Idem pour les différents paliers de gouvernements, qui doivent s’engager davantage à financer du nouveau logement social, ajoute Steve Baird. «Montréal a un pouvoir d’acquisition de terrain qui pourrait être utilisé davantage, par exemple. À Verdun, ça fait six ans que la Ville n’a pas acheté de terrain pour en faire du logement social», observe-t-il.

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