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Le journalisme, vu par Robert Fisk

Le journaliste Robert Fisk Photo: Josie Desmarais/Métro

« Si vous pouviez écrire cette histoire à partir de votre ordinateur à New York, qu’est-ce que vous faites à Beyrouth ? », demande Robert Fisk, un journaliste anglais au curriculum vitae impressionnant, aux jeunes journalistes qu’il rencontre lors de ses reportages.

Aujourd’hui, déplore-t-il, les journalistes ne vont pas assez à la rencontre des gens. Encore aujourd’hui, M. Fisk prend des notes manuscrites et réalise ses entrevues en personne; il refuse d’interviewer les gens par téléphone. « Si vous voulez savoir ce qui se passe dans un pays ou comprendre une situation, il faut aller sur place et parler aux gens, c’est ça le vrai journalisme ! » dit-il, attablé dans un café quelques minutes seulement après son arrivée à Montréal. Il croit que la technologie a transformé le journalisme et a robotisé l’information.

M. Fisk déplore le peu d’argent consacré aux reportages, la rapidité de l’information et l’utilisation des technologies pour raconter des histoires. Selon lui, trop de journalistes se basent sur l’avis « des experts », alors qu’ils sont sur le terrain de guerre, près des scènes où les atrocités se déroulent.

Le journaliste de guerre a souvent été critiqué pour ses reportages qui portent un autre regard sur les conflits internationaux. « J’ai souvent l’impression que mes reportages sont très différents de ceux des autres médias et agences de presse, et une des raisons est que je suis sur place » plaide-t-il.

Mais malgré les critiques, Robert Fisk n’a toujours pas froid aux yeux. Dans ses articles, il n’hésite pas à qualifier certains dirigeants de « criminels de guerre ». « Lorsque vous décidez de tuer des populations, vous êtes un criminel de guerre », martèle-t-il.

La neutralité du côté de ceux qui souffrent

Comme il l’a répété sur plusieurs tribunes, Robert Fisk pense «que nous devons être neutres et objectifs du côté de ceux qui souffrent ». Car lorsqu’on couvre l’injustice sociale et les guerres, le point de vue de l’autre partie est moins pertinent. Selon lui, chaque journaliste qui se rend dans la bande Gaza doit se rendre compte qu’il doit davantage parler des souffrances Palestiennes.

« Si j’avais été journaliste au 18e siècle durant la traite des esclaves, lorsqu’on envoyait des Africains en Amérique par bateaux, j’aurais parlé aux esclaves, pas aux capitaines de bateaux d’esclaves. Si j’avais été présent à la fin de la Deuxième guerre mondiale, lors de la libération d’un camp de concentration, j’aurais parlé aux survivants, pas aux Allemands ou aux Soviétiques ». Robert Fisk

«En journalisme, si vous allez au combat, vous n’allez pas gagner, mais si vous n’y allez pas au combat, vous allez perdre !» dit-il sur l’idéal du métier. L’idée du journaliste qui expose les injustices et change le monde n’arrive pas toujours, selon lui. Du haut de ses 43 ans d’expérience, au fil de ses nombreux reportages au Moyen-Orient, Robert Fisk a écrit une seule histoire qui, de son propre aveux, a eu un impact dans le monde politique. C’était son papier intitulé « Massacre puts Israel in the dock » portant sur le massacre de Qana, dans le sud du Liban.

Aujourd’hui, après avoir couvert la guerre en Bosnie, au Kosovo, en Irak, et passé de nombreuses années au Moyen-Orient, M. Fisk estime que la guerre de Syrie est celle dont la couverture médiatique a été la moins bonne.

Robert Fisk prononcera une conférence à l’église St- George, au centre-ville, mercredi soir à 19 h. Il parlera de Donald Trump et du Moyen-Orient. Le 17 novembre, un film portant sur sa carrière, « This is not a movie » , sera présenté aux RIDM. Robert Fisk y sera.

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