Refuges: les travailleurs communautaires inquiets pour leur santé
Des travailleurs communautaires et sociaux intervenant dans les refuges auprès de personnes itinérantes, vulnérables ou aux prises avec des dépendances s’inquiètent vivement du peu d’équipements de protection auxquels ils ont accès. Alors que le risque de transmission est réel dans leur milieu, ils pressent les pouvoirs publics d’intervenir pour les aider à se protéger contre la COVID-19.
«On a été démasqués depuis le début de la crise. On a très peu de matériel sanitaire. Notre groupe a même dû interpeller la communauté pour recevoir une centaine de visières la semaine dernière. C’est pourtant le rôle de la santé publique de nous fournir ces choses-là», explique le président du Syndicat des travailleurs en intervention communautaire (STTIC), Yannick Gingras.
Selon lui, la pandémie démontre «de nouveau» que le secteur communautaire est un milieu qui n’est pas réellement pris en compte, ni reconnu par les autorités.
«Nos membres se sentent dévalorisés. Ils voient très bien qu’on compte très peu pour les pouvoirs publics. On s’occupe pourtant des gens que le réseau n’est pas toujours capable de traiter au quotidien.» -Yannick Gingras, du STTIC
Selon un sondage interne de l’organisme, la quasi-totalité des travailleurs se sentent «peu ou pas du tout reconnus par l’État québécois».
Des SIS menacés
À la mi-avril, Métro rapportait que le seul site d’injection supervisée (SIS) encore ouvert à Montréal est menacé de fermeture en raison d’un manque d’équipements de protection individuels pour prévenir la propagation du coronavirus.
«Nos services demeurent ouverts pour l’offre de matériel et de soutien. Mais on a dû fermer notre salle d’injection supervisée depuis quelques semaines», indique Martin Pagé, le directeur général de l’organisme Dopamine, qui gère un SIS de nuit dans Hochelaga.
«En pleine pandémie, il ne faut pas oublier la précarité sociale de certaines personnes. Ces ressources sont vitales puisqu’elles peuvent sauver des vies.» -Martin Pagé, DG de Dopamine
Pour Yannick Gingras, l’urgence appelle effectivement à des actions immédiates. «Présentement, on manque surtout de masques N-95 dans les SIS. Or, s’il y a une surdose, les intervenants ont besoin d’être équipés et formés. En ce moment, il n’y a rien qui est fait», dénonce-t-il.
«On craint en ce moment d’être obligés de rester passifs devant une surdose. Bref, de ne pas pouvoir intervenir, et de juste pouvoir composer le 911», ajoute M. Gingras. Ailleurs au Québec, de nombreux centres de désintoxication à travers la province ont dû fermer leurs portes par manque de financement.
Peu d’informations sur les éclosions dans les refuges
Le STTIC dénonce que peu d’informations soient rendues disponibles actuellement sur les éclosions dans les refuges. Le phénomène est pourtant «majeur», affirme Yannick Gingras. «C’est très difficile d’avoir l’heure juste en ce moment. Est-ce que ces personnes-là sont prises en charge, est-ce qu’elles circulent? Nous, on côtoie ces gens-là chaque jour dans les refuges. On a besoin d’avoir plus d’information», plaide-t-il.
Appelée à réagir, la porte-parole au cabinet de la mairesse de Montréal, Laurence Houde-Roy, indique que des travaux sont en cours pour protéger les SIS. «Nous sommes d’accord qu’il est primordial que ces ressources demeurent ouvertes. Le ministère de la Santé travaille depuis quelques semaines à trouver des solutions afin de livrer de nouveaux équipements de protection individuels aux organismes», dit-elle.
Mme Houde-Roy rappelle que 50 000 couvre-visages seront distribués dans les «prochaines semaines» aux personnes vulnérables, par le biais des organismes.
«Depuis le début de la crise, nous travaillons de concert avec nos partenaires pour ne laisser personne derrière. Nous avons rapidement mis en place différentes mesures pour soutenir les ressources communautaires en itinérance et en sécurité alimentaire et nous continuons de travailler», conclut-elle.