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Le déclin du français est encore plus rapide que prévu à Montréal

Montréal centre-ville
Le centre-ville de Montréal. Photo: Josie Desmarais/Métro

À Montréal, l’usage du français connaît un déclin encore plus marqué que les dernières prévisions de l’OQLF, constate un démographe. Une tendance que Québec et Ottawa peuvent tenter de freiner, mais difficilement empêcher, selon lui.

À la demande de l’Office québécois de la langue française (OQLF), le démographe Marc Termote avait réalisé en 2011 une étude de plus de 200 pages offrant des prévisions quant à l’évolution de la situation linguistique de la métropole et du reste de la province.

Ainsi, le rapport indiquait que le pourcentage de francophones sur l’île de Montréal pourrait chuter de 6,6 points de pourcentage entre 2006 et 2031, pour atteindre alors 47,4%. Une situation notamment attribuable au vieillissement de la population francophone ainsi qu’à l’immigration internationale, qui a entraîné une croissance considérable du nombre d’allophones à Montréal dans les dernières années.

Les francophones déjà en minorité

Or, la réalité a finalement devancé ses prévisions. Déjà, en 2016, 49,6% des résidents de l’île de Montréal – donc un peu moins que la moitié – ont déclaré le français comme langue maternelle, selon le dernier recensement de Statistique Canada. C’est nettement moins que la moyenne provinciale qui, bien qu’en baisse, atteint près de 78%.

«Ça va beaucoup plus vite que je croyais», lance à Métro M. Termote, au sujet du déclin du français à Montréal. «On constate que j’étais trop optimiste [en 2011]», ajoute le professeur associé au département de démographie de l’Université de Montréal.

Selon l’expert, la donnée la plus parlante concerne le pourcentage de personnes qui parlent prioritairement le français à la maison, puisque c’est là que les enfants apprennent leurs premiers mots. Or, toujours selon Statistique Canada, seulement 53,7% des résidents de l’agglomération de Montréal discutaient avant tout en français à la maison en 2016. Cinq ans plus tôt, c’était 54,4%.

Ce pourcentage continue de baisser «très rapidement», affirme d’ailleurs M. Termote. Le nouveau recensement de Statistique Canada, prévu l’an prochain, pourrait en témoigner.

«Un cercle vicieux»

Dans son rapport de 2011, Marc Termote soulignait que les immigrants ont davantage tendance à adopter le français comme «langue d’usage» à l’extérieur de Montréal que sur l’île, où ceux-ci peuvent opter pour l’anglais sans problème. Ainsi, plus le nombre de francophones à Montréal diminuera, moins les immigrants allophones auront tendance à apprendre et à faire usage de la langue de Molière, écrivait-il.

«On est dans un cercle vicieux», soulève aujourd’hui le démographe, qui estime que «le point de bascule» a déjà été atteint dans la métropole.

«Ça va prendre du temps. Le français à Montréal ne disparaîtra pas demain à Montréal, mais on s’en va dans cette direction.» -Marc Termote, professeur associé au département de démographie de l’Université de Montréal

Des commerces fautifs

Dans l’espace public, en 2016, 58% des Montréalais utilisaient principalement le français, contre 88% à l’échelle de la province, selon un rapport de l’OQLF publié l’an dernier.

«L’île de Montréal est l’endroit où les travailleuses et les travailleurs utilisent le moins le français au travail, et la situation dans la couronne de Montréal semble également évoluer dans ce sens», soulignait le document en question.

Dans une récente enquête, le Journal de Montréal a d’ailleurs fait état de plusieurs commerces du centre-ville de la métropole où les clients peinent à obtenir un service en français. Des constats qui font écho au rapport de l’OQLF, qui note une diminution constante de l’usage du français comme langue d’accueil dans les commerces de la métropole depuis 2010.

Ce document, de près de 150 pages, souligne d’ailleurs que les jeunes sont les plus nombreux à éprouver de «l’indifférence» lorsqu’ils sont servis dans une autre langue que le français.

«Au travail, près du quart des personnes immigrantes (24%), peu importe leur langue maternelle, utilisent plutôt l’anglais», indique également le rapport.

«Freiner» le déclin du français

Face à cette situation, le gouvernement Legault planche actuellement sur un plan d’action pour défendre la langue française. Celui-ci pourrait notamment comprendre des mesures coercitives visant à faire respecter la Loi 101 par les entreprises. En septembre, le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, a par ailleurs annoncé la création de 50 nouveaux postes et de trois nouveaux bureaux pour l’OQLF.

Ces mesures aideront sans doute à «freiner» le déclin du français à Montréal, estime Marc Termote. Pour arrêter complètement celui-ci, toutefois, des mesures plus drastiques s’imposeraient, selon lui. Le français, par exemple, pourrait devenir la seule langue autorisée au Québec dans le secteur de l’éducation. Il doute toutefois que les Québécois approuveraient une telle mesure, qui aurait des conséquences importantes. Toutes les universités de Montréal, notamment, seraient alors obligées de livrer leurs cours uniquement en français.

«Les gens risquent de sauter au plafond», croit M. Termote, qui juge donc cette éventualité improbable.

Le Parti libéral dans la tourmente

Le Parti libéral du Canada s’est retrouvé dans la tourmente dans les derniers jours après que la députée de Saint-Laurent, Emmanuella Lambropoulos, ait remis en question le weekend dernier le péril du français au Québec, lors d’une réunion du Comité permanent des langues officielles. Elle s’est depuis excusée pour ses propos, en plus d’annoncer son désir de quitter le comité en question.

Le premier ministre Justin Trudeau a quant à lui réitéré la position de son parti à ce sujet, comme quoi le français est effectivement en péril au Québec, comme ailleurs au pays. De son côté, le Bloc québécois a profité de cette situation pour faire valoir son projet de loi C-223. Celui-ci propose d’exiger une connaissance «suffisante» de la langue française comme condition pour obtenir la citoyenneté permanente au Québec.

«Ce n’est pas la connaissance d’une langue qui compte, mais l’usage qu’on en fait», croit toutefois M. Termote. Ainsi, si les immigrants apprennent le français, mais ne l’utilise pas à la maison ou au travail, le problème reste entier, selon lui.

L’OQLF n’a pas voulu commenter.

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