Rassemblement contre la violence: «On ne veut pas voir des familles souffrir comme nous»
Plus d’une centaine de personnes se sont réunies dimanche, sur le lieu où est décédée l’adolescente Meriem Boundaoui à Saint-Léonard, pour y dénoncer la violence qui ne cesse de faire des victimes dans l’est de Montréal.
Après avoir observé une minute de silence pour la jeune fille de 15 ans tuée par des balles perdues lors d’une fusillade, mardi dernier, des membres de la famille, de la communauté, des intervenants et des élus ont lancé un cri du coeur pour faire cesser la flambée de fusillades dont Montréal est le théâtre depuis plusieurs mois.
«On ne veut pas voir de familles souffrir comme nous, a supplié le beau frère de Meriem Boundaoui, Sam Bouchoul. C’est vraiment douloureux ce qui vient d’arriver. On espère que ces actes ne se répèteront pas.»
L’événement était organisé par l’agent de mobilisation et développement du Forum jeunesse de Saint-Michel, Mohamed Mimoun, afin de sensibiliser la population à la violence dans l’est. «Ça ne concerne pas juste une communauté ou un quartier, mais tout le monde», fait-il valoir à Métro.
Des jeunes préoccupés
Plusieurs jeunes présents ont exprimé au micro leur inquiétude quant au climat de violence qui règne dans l’est.
Lysa, une jeune du quartier d’origine algérienne, a livré un vibrant discours sur la mort tragique de Meriem Boundaoui. «C’est le troisième assassinat à me traumatiser et j’ai seulement 21 ans. Mes parents qui ont quitté l’Algérie violente n’ont jamais pensé qu’on trouverait la mort en Amérique.»
«La liste des jeunes Maghrébins qui meurent violemment et tragiquement s’allonge et je ne comprends pas, a ajouté Lysa. Je ne comprends pas cette violence et cette capacité à abattre un humain. […] Comment se fait-il qu’on échappe des jeunes, qu’on ne trouve aucune solution à leur situation qui soit difficile, souvent même inhumaine et gênante pour un pays aussi riche le nôtre?»
«Ce n’est pas normal, qu’à 15 ans, nous devons avoir peur de sortir dehors, a souligné Zakaria, 15 ans. Ce n’est pas normal à cet âge-ci de mourir si jeunes d’une manière si brutale. J’espère que les choses changeront, j’espère que quelque chose sera fait.»
«C’est un échec pour nous tous»
Des élus de différents paliers gouvernementaux sont venus exprimer leurs condoléances et lancer différents messages en lien avec la situation dans l’est de Montréal.
«Quand il y a des choses aussi terribles qui arrivent dans une ville aussi sécuritaire que Montréal, c’est un échec pour nous tous, a soutenu le député de Viau, Frantz Benjamin. On doit se questionner, nous les politiciens. […] Il faut trouver des réponses solides, sérieuses et rapides aux enjeux de sécurité pour l’ensemble des jeunes de Montréal.»
La responsable de la Sécurité publique au comité exécutif de la Ville de Montréal, Caroline Bourgeois, a assuré que l’administration municipale redoublerait d’efforts pour endiguer la violence et la prolifération des armes à feu, l’une des causes du problème. «On ne peut pas fermer les yeux sur ce qui se passe actuellement et sur d’autres événements violents qui ont cours, notamment dans l’est de Montréal. C’est grave et nous avons la responsabilité d’assurer la sécurité des jeunes dans nos quartiers et nos arrondissements.»
Le conseiller de Ville à Montréal-Nord Abdelhaq Sari, d’origine marocaine, a souhaité ouvrir une discussion sur le sort de la communauté maghrébine dans la métropole.
«Au-delà du décès qu’on a connu dernièrement, il y a des problèmes profonds dans cette société et il faut vraiment s’attarder là-dessus, a-t-il déclaré. […] Il y a des paliers, malheureusement, qui peuvent créer une certaine distorsion dans cette société, en allant de la charte des valeurs à la loi 21. C’est un groupe de société qui est le premier au niveau du chômage. Je pense que c’est le moment d’en parler et de discuter de ces éléments d’une manière beaucoup plus profonde.»
Une communauté inquiète
En entrevue avec Métro, Abdelhaq Sari affirme observer que de «plus en plus» de jeunes Maghrébins seraient impliqués dans des actes criminels ou en seraient victimes. Pour lui, les raisons sont multiples: pauvreté, manque de ressources et d’activités, mais aussi un sentiment d’exclusion.
«On peut retrouver des jeunes qui sont malheureusement un peu déboussolés au niveau de leur identité et qui vont dans des groupes amenés à la criminalité. Quand ces jeunes voient que leur mère ne peut pas travailler comme enseignante et que leur père est au chômage, c’est sûr qu’ils se sentent exclus de cette société.»
Pour renverser la tendance, il croit qu’il faudrait davantage soutenir cette communauté. «Il y a des parents qui se sentent non outillés pour faire face à cette problématique. Je m’inquiète à ce niveau-là.»
Mohamed Lotfi, intervenant chez le Bureau associatif pour la diversité et la réinsertion, affirme voir la même tendance chez les jeunes Maghrébins. Selon lui, il faut apporter des ajustements multiples autant au sein de la communauté qu’au niveau institutionnel.
«Au niveau financier, on a beaucoup coupé dans les ressources communautaires, dit-il, en entrevue avec Métro. C’est difficile parce que pour approcher les jeunes, il faut avoir quelque chose de plus attrayant que ce qui est offert sur les réseaux sociaux.»
Mohamed Mimoun, organisateur de l’événement de dimanche, croit plutôt qu’il faut éviter de focaliser nos préoccupations sur une seule communauté. «Ça concerne beaucoup de communautés», dit-il. Il pense que notre attention devrait être centrée sur l’accès aux armes. «Les jeunes nous disent qu’ils ont peur quand il y a une bagarre et que ça ne se règle plus avec les poings. Ils peuvent ressentir une peur et le besoin de se protéger. On ne veut pas rentrer dans ce cercle vicieux.»