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Revoir la fiscalité des villes pour protéger l’environnement?

logement Griffintown
De nombreux logements résidentiels sont en construction dans le quartier Griffintown. Photo: Josie Desmarais/Métro
Ruby Irene Pratka - Métro

La structure fiscale des villes favorise l’étalement urbain et freine la protection de l’environnement, selon un nouveau rapport de l’IRIS. À l’approche des élections municipales, le think tank propose une réévaluation du mode de financement des municipalités québécoises.

À l’heure actuelle, les villes canadiennes tirent près de 98% de leurs revenus fiscaux annuels des impôts sur le patrimoine, c’est-à-dire des taxes foncières. Selon l’analyse de l’IRIS, rendue public mercredi matin, cela crée une situation où les villes dépendent de la construction pour une grande partie de leurs revenus.

«Puisque ce sont les propriétés et les terrains qui sont taxés, une des manières d’augmenter les revenus de la municipalité est de tout simplement augmenter le nombre de propriétés et de terrains exploités. Cela pourrait passer par une densification du territoire, mais l’ouverture de nouveaux développements est beaucoup plus simple à mettre en place. Ceci favorise l’étalement urbain ainsi que l’empiétement sur des milieux naturels qu’il faudrait au contraire protéger», précise la chercheuse principale, Eve-Lyne Couturier.

«Les municipalités qui souhaitent augmenter leurs revenus à travers l’impôt foncier peuvent aussi favoriser l’augmentation de la valeur des terrains et des immeubles, par exemple en laissant une partie du parc locatif être convertie en condominiums, en favorisant la construction de logements privés de luxe aux dépens de logements sociaux, ou simplement en demeurant passives devant un marché immobilier qui s’emballe», poursuit la chercheuse. «Le modèle actuel encourage les villes à construire jusque dans les milieux humides et dans les zones inondables; c’est un modèle archaïque qui n’est pas adapté pour faire face aux changements climatiques.»

Selon l’IRIS, l’utilisation du revenu des impôts provinciaux ou fédéraux pour financer les municipalités réduirait la dépendance des villes sur les taxes foncières. Dans les pays scandinaves, les villes tirent jusqu’à 98% de leurs revenus fiscaux de l’impôt sur le revenu. Selon l’IRIS, cet arrangement donne aux villes la flexibilité d’investir dans les services aux citoyens et de contrôler l’étalement urbain.

Pour Mme Couturier, il est impossible de faire un lien direct entre le régime fiscal actuel et la crise du logement locatif des dernières années, mais qu’un régime fiscal plus flexible pourrait réduire la tentation de construire des condominiums et des maisons unifamiliales, et faciliter la construction des logements locatifs.

Déshabiller Pierre pour habiller Paul?

Fanny Tremblay-Racicot est professeure en administration municipale et régionale à l’École nationale d’administration publique, à Québec. Pour elle, bien que cela puisse financer les services aux citoyens, demander aux paliers supérieurs de transférer des points d’impôts sur le revenu vers les municipalités n’est pas une solution miracle à l’étalement urbain.

«C’est un peu comme déshabiller Pierre pour habiller Paul», dit-elle. «Les négociations des pactes fiscaux avec Québec sont déjà très ardues, c’est difficile d’imaginer que les gouvernements vont partager le gâteau [d’imposition sur les revenus].»

Elle note que les villes ont obtenu plusieurs nouveaux pouvoirs de prélèvements monétaires dans les dernières années, notamment celui d’imposer les redevances de développement, des pouvoirs qu’elles ne choisissent pas toujours d’utiliser. «Au lieu de revendiquer un transfert de points d’impôt, il vaut mieux que les villes utilisent les pouvoirs qu’elles ont déjà, comme la tarification et les redevances, ou demandent les revenus d’une augmentation de la taxe sur l’essence», résume la professeure, qui appelle aussi à une réforme plus en profondeur du régime d’imposition foncier.

La prochaine renégociation du pacte fiscal entre le Québec et les municipalités est prévue pour 2024. Ni le Ministère des affaires municipales et d’habitation ni la Ville de Montréal n’ont répondu aux demandes de commentaires de Métro.

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