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La réglementation entourant les Airbnb ne marche pas, disent plusieurs experts

Photo: Josie Desmarais/Métro

Depuis 2020, la Loi sur les établissements d’hébergement touristique exige que toute location de type Airbnb de moins de 31 jours possède une attestation de classification et un numéro d’établissement. Or, à Montréal, 95% d’entre elles fonctionneraient illégalement sans aucune attestation.

C’est le constat que fait le site Inside Airbnb, qui recueille et diffuse les données de la plateforme. Selon lui, il y aurait 12 570 annonces sur Airbnb à Montréal. Près de 80% sont des locations à court terme. Pour le fondateur américain du site Inside Airbnb, Murray Cox, les conclusions sont sans appel. Face au «faible taux de conformité», la réglementation en vigueur ne marche pas.

«Tout d’abord, convertir des logements résidentiels en logements touristiques dans une ville qui a des problèmes de logement […] rend la situation encore pire, explique Murray Cox. Le problème avec les attestations montre bien que les gens ne se préoccupent pas de la loi et que la Ville n’est pas capable de faire respecter la loi.»

Sur les 12 570 annonces, 1287 sont des appartements complets qui sont fréquemment loués (plus de trois mois par année). Inside Airbnb utilise cette donnée comme indicateur que ces logements sont entièrement retirés du marché de l’habitation.

De son côté, le ministère du Tourisme recense 870 établissements détenant une licence à Montréal, contre 15 895 au Québec.

Revenu Québec est l’entité gouvernementale responsable du contrôle du respect de cette loi. Pour l’année 2021-2022, 1330 inspections ont été effectuées à Montréal par Revenu Québec et 376 condamnations ont été faites en lien avec l’absence de licence. Les amendes peuvent aller de 2500 $ à 25 000 $ pour une personne reconnue coupable.

Quelles solutions pour éradiquer le problème?

Pour Murray Cox, la Ville de Montréal devrait passer par une autre phase de réglementation concernant l’hébergement touristique.

«La plupart des villes adoptent un système d’avis ou d’inscription obligatoire, mais aussi de conformité des plateformes. […] Parfois, la conformité des plateformes inclut l’obligation pour les plateformes de partager des données avec la Ville afin de faciliter l’identification des inscriptions illégales, des personnes utilisant de faux numéros d’immatriculation.»

Selon David Wachsmuth, titulaire de la Chaire de recherche en gouvernance urbaine à l’Université McGill, la réglementation québécoise est la «meilleure de tout le pays». Le problème, selon lui, est que Québec ne l’applique pas assez.

Selon lui, bien que le nombre d’inspections et d’amendes ait augmenté depuis quelques années, cette approche ne peut fonctionner sans implication de la part d’Airbnb.

«Les inspections et les amendes ne marcheront jamais. […] Québec devrait demander à Airbnb de refuser de publier toute annonce qui n’a pas de numéro d’établissement. [Airbnb] peut le faire. Il le fait déjà dans plein d’autres juridictions, mais il ne le fait pas au Québec alors que c’est une exigence de la loi. […] C’est la raison simple pourquoi personne ne respecte la loi», explique David Wachsmuth.

En ce moment, nous avons une situation où les règles semblent bonnes, mais elles ne sont pas appliquées. Donc c’est comme si elles n’existent pas vraiment. […] Pour le moment, Airbnb ignore cette loi.

David Wachsmuth

Au Canada, Airbnb a déjà accepté d’obliger la présence d’une licence pour publier une annonce. C’est le cas à Vancouver et à Toronto, explique David Wachsmuth.

De son côté, la Ville de Montréal a déclaré vouloir plus d’inspections de la part de Revenu Québec.

«La Ville de Montréal réitère l’importance que Revenu Québec augmente le nombre d’inspecteurs sur le territoire de la métropole pour talonner les contrevenants, particulièrement dans un contexte de reprise des activités touristiques post-pandémie», a déclaré la Ville dans un échange avec Métro.

Pour David Wachsmuth, les municipalités devraient avoir plus de pouvoir sur le sujet.

«Il est logique que ces décisions soient locales. Le problème, c’est que les municipalités comptent sur la province pour faire ce qu’elle a dit qu’elle allait faire», explique David Wachsmuth.

Airbnb par arrondissement

En plus du règlement provincial, chaque municipalité peut interdire ou restreindre la location à court terme sur certaines zones de son territoire. À Montréal, la réglementation et la popularité d’Airbnb varient beaucoup d’un arrondissement à l’autre. Voici les arrondissements les plus affectés.

Plateau-Mont-Royal

L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal compte un des plus importants nombres de locations Airbnb. Ce secteur abrite près de 25% des Airbnb montréalais. La réglementation en vigueur autorise la location de courte durée sur le boulevard Saint-Laurent entre la rue Sherbrooke et l’avenue Mont-Royal et sur la rue Saint-Denis entre les rues Sherbrooke et Gilford. Bien que la localisation des Airbnb est restreinte en théorie, peu d’entre eux se situent dans le zonage en vigueur. Sur les 357 logements entiers fréquemment loués à court terme, près de 80% n’ont pas le permis comme l’exige la loi.

Ville-Marie

Ce secteur comprend le plus grand nombre d’Airbnb de la métropole avec 29% des Airbnb montréalais. La réglementation en vigueur restreint la présence de Airbnb à la rue Sainte-Catherine entre les rues Saint-Mathieu et Atateken. En plus du zonage, les résidences de tourisme doivent être séparées l’une de l’autre de 150 mètres. Sur les 489 logements entiers loués fréquemment pour du court terme, seulement 10% d’entre eux respectent la loi qui impose l’obtention d’un permis. Bien que le zonage restreint la présence de Airbnb à la rue Sainte-Catherine, on les retrouve éparpillés aux quatre coins de l’arrondissement, comme dans le Vieux-Port ou dans le secteur de Guy-Concordia.

Rosemont–La-Petite-Patrie

L’arrondissement de Rosemont–La-Petite-Patrie compte quant à lui plus de 8% des Airbnb montréalais. Son règlement restreint la présence de ce type de location à la rue Saint-Hubert au nord de la rue Bellechasse et au sud de la rue Jean-Talon Est. Sur les 69 logements entiers fréquemment loués à court terme, seulement 13% possèdent un permis comme l’exige le règlement provincial. 

Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension

Environ 5% des Airbnb montréalais se trouvent dans ce secteur. Les logements loués à court terme de façon fréquente sont considérés par l’arrondissement comme un hôtel-appartement. De manière générale, ce type d’établissement est interdit dans l’arrondissement à moins qu’il soit conforme aux critères du règlement relatif aux usages conditionnels et qu’il soit approuvé par la suite lors du conseil d’arrondissement. Le règlement interdit notamment la présence d’Airbnb lorsque le logement se situe au même niveau ou au-dessus d’un autre logement. De plus, la location doit tendre à préserver les deux tiers des logements existants dans l’immeuble. Pour ce secteur, 97% des Airbnb loués fréquemment à court terme ne possèdent pas de permis comme l’exige la loi.

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