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Des dépliants antiavortement distribués à Montréal

Deux citoyens du Plateau-Mont-Royal ont signalé à Métro avoir trouvé des dépliants antiavortement aux images choquantes dans leur boîte aux lettres au courant de la fin de semaine dernière. La distribution semble coïncider avec la décision de la Cour suprême des États-Unis permettant de recriminaliser l’avortement dans plusieurs États.

Margot Blondin habite sur le Plateau-Mont-Royal. Elle a trouvé un dépliant vendredi passé en revenant du travail, dans sa boîte aux lettres. «Exactement la journée du renversement de Roe v. Wade aux États-Unis», souligne-t-elle.

En le trouvant, elle était sous le choc. «Ça m’a vraiment fait peur de savoir que quelqu’un est monté à ma porte. Quelqu’un qui croit à ça.»

Avoir reçu ce dépliant, c’est effrayant, nous explique Mme Blondin. «C’était vraiment choquant. C’était des images de fœtus avortés. […] Déjà, c’était une drôle de journée par rapport à ça.» Elle raconte avoir passé la journée à s’inquiéter, puis à se rassurer en compagnie d’une collègue.

Philippe*, qui a demandé d’utiliser un faux nom afin de préserver son anonymat, a reçu un dépliant semblable. Il l’a trouvé samedi après-midi, en rentrant d’une marche avec sa conjointe. C’est elle qui a sorti le dépliant de la boîte aux lettres. «Ouvre pas ça!», a lancé Philippe, dès qu’il a compris ce que c’était. Trop tard. «L’image est vraiment horrible. Ma femme était en état de choc», se souvient-il.

On ne sait pas comment ça peut dégénérer.

Philippe

Ce qui est représenté sur les dépliants est «très graphique». «On voit que c’est “photoshopé” pour choquer au maximum», témoigne Philippe. On y voit des représentations de fœtus avortés, dont un qui semble coupé en deux par une mine de crayon. «Dans la mesure de tout ce qui se passe aux États-Unis, c’est vraiment fait pour provoquer encore plus», estime-t-il.

Un groupe montréalais collaborant avec des groupes hors Québec?

Les images apparaissant sur le dépliant en question proviennent d’un groupe nommé Center for Bio-Ethical Reform, un organisme antiavortement américain. Au Canada, il existe le Canadian Center for Bio-Ethical Reform, basé à Calgary, en Alberta. Métro a tenté de les contacter, mais n’a pas obtenu de réponse.

Une Torontoise, Katie Somers, a plutôt rejoint Métro par téléphone. Elle explique être porte-parole d’un groupe nommé «Montréal contre l’avortement», partenaire de son homonyme torontois, «Toronto contre l’avortement» (Toronto Against Abortion). Quant au groupe américain Center for Bio-Ethical Reform, «nous ne travaillons pas avec eux», dit-elle. Ce groupe «produit les dépliants pour de nombreux groupes contre l’avortement au Canada».

Ailleurs à Montréal?

Ces Montréalais ne sont pas les seuls à avoir trouvé ce type de document dans leur boîte aux lettres. Sur le site reddit, sous le subreddit r/montreal, des citoyens ont signalé avoir reçu le même dépliant ou un dépliant similaire en fin de semaine.

Sur ce forum, plusieurs se demandent quoi faire de ce dépliant. Certains se demandent aussi comment ils peuvent se défendre face à ces organismes anti-choix. La grande majorité des utilisateurs de ce site témoignent, en ligne, de la colère et de l’inquiétude ressenties.

Katie Sumers, de son côté, affirme que les dépliants ont été distribués samedi matin. Mme Blondin, elle, assure avoir trouvé le dépliant le vendredi.

Que cela concorde avec la fin de semaine du renversement de Roe c. Wade n’est qu’une coïncidence, affirme Mme Sumers: «On ne savait pas que la loi aux États-Unis allait changer, c’était complètement par chance que nous étions là le même jour.»

«Montréal contre l’avortement a déjà fait de l’activisme dans les rues de Montréal», explique-t-elle encore.

La distribution de dépliants ne s’arrêtera pas là, «il y en aura plus», assure la porte-parole. Impossible pour Mme Sumers d’indiquer quels quartiers montréalais seront les prochains visés par ces militants anti-choix, puisque ce n’est pas elle «qui prend cette décision», mais «les personnes à Montréal contre l’avortement».

Pas étonnant, mais dangereux

La directrice générale de l’organisme montréalais pro-choix Grossesse-Secours, Josiane Robert, n’est pas étonnée que des Québécois reçoivent ce type de document. L’impact que le renversement de Roe v. Wade aura au Canada ne sera pas nécessairement directement du côté de la Cour suprême. Il sera plutôt du côté «des groupes anti-choix qui existent et qui donnent de la légitimité à ce mouvement-là et qui donnent du gaz à ce mouvement-là qui existe depuis fort longtemps», estime-t-elle.

Aux États-Unis, raconte-t-elle, les organismes antiavortement ont beaucoup plus de ressources financières. «Ils prennent beaucoup de place. Ils font des trucs comme [la diffusion de ces dépliants].» Au Québec, les organismes anti-choix ne fonctionnent pas de la même manière. Mais les groupes américains pourraient tenter de faire des petits ici.

Katie Sumers, elle, affirme que le but de cette campagne est de montrer dans l’espace public la «réalité violente de l’avortement», dans le but de le rendre «impensable et pour épargner aux femmes le traumatisme». Quand on lui fait valoir que les images des dépliants ont choqué des Montréalais, Mme Sumers prend une pause avant d’émettre un commentaire. «Si nous ne voulons pas nous pencher sur la violence, pourquoi la tolérons-nous?», demande-t-elle.

De son côté, Josiane Robert qualifie de «dangereuse» l’éventualité où les groupes anti-choix du Québec prendraient plus de place. «Ils diffusent des messages erronés et tentent de culpabiliser la femme ou toute personne qui a un utérus et qui veut avoir une interruption de grossesse», dit-elle.

Le dépliant qu’elle a reçu, Margot Blondin l’a jeté. «Je l’ai gardé pour le montrer à mes colocs parce que je ne voulais pas vivre ça seule. Il est resté sur le comptoir une heure pis je me suis dit que je ne pouvais pas garder ça», explique-t-elle. Du côté de Philippe, il est catégorique: «On va le détruire c’est sûr, ça n’a aucun bon sens. C’est clairement de la propagande pour choquer.»

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