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Un filet de protection pour les délinquants sexuels rompu par le fédéral

Le CSRQ offre de l'accompagnement aux délinquants sexuels depuis le début des années 2000. Photo: iStock, Pict Rider

Les Cercles de soutien et de responsabilité du Québec, qui offrent de l’accompagnement à des délinquants sexuels à haut risque de récidive, ont dû cesser leurs activités à Montréal, faute de financement du gouvernement fédéral.

Au début des années 2000, les Cercles de soutien ont intégré un réseau de réhabilitation sociale d’individus incarcérés pour des infractions sexuelles. Le coordonnateur des Cercles de soutien, André Maillard, estime qu’avant la pandémie, environ 30 «gars» étaient jumelés pendant environ un an à deux ou trois des bénévoles.

Sans cautionner les gestes posés par les délinquants, l’organisme tenait des rencontres hebdomadaires permettant à ceux-ci de ventiler, de se dévoiler en toute confiance et d’ainsi créer une alliance de soutien. M. Maillard qualifie cette formule d’unique, car elle évacue toute figure d’autorité de l’équation, ce qui la distingue des thérapies offertes par le réseau carcéral. Et elle a fait ses preuves, assure le coordonnateur. Durant la douzaine d’années qu’il a passée à s’impliquer au sein de l’organisme, M. Maillard rapporte que seulement deux hommes ont récidivé en commettant une infraction sexuelle.

«Les gars ont perdu une ressource majeure»

Dimanche soir, le téléphone d’André Maillard s’est mis à sonner. Au bout du fil, un délinquant sexuel qui avait retrouvé sa liberté après avoir purgé sa peine dans un pénitencier à sécurité moyenne voulait lui parler. Le coordonnateur a dû lui dire que les Cercles de soutien appartenaient désormais au passé.

«J’étais tellement déçu, tellement mal de lui annoncer la nouvelle, dit André Maillard. C’est juste pour vous dire l’importance que ça avait pour lui dans sa reconstruction. Il avait l’air tellement heureux de me recontacter.»

«Les gars ont confiance en nous. Ils savent que l’on sait ce qu’ils ont fait. On a leur dossier du service correctionnel. Il n’y a pas de barrières», mentionne le coordonnateur des Cercles de soutien.

Financement coupé

Au mois d’avril 2022, le filet de protection pour la population a été coupé. Sécurité publique Canada, qui assurait le financement des activités de ces cercles, a décidé de fermer le robinet, se désole M. Maillard.

Les mois suivants, ce dernier a tenté d’obtenir les 150 000 $ que représentent les frais d’exploitation annuels des Cercles de soutien avec l’aide de l’Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ). Malgré la multiplication des demandes de subventions auprès des partenaires du réseau de services correctionnels de la province, le coordonnateur a dû se résigner: «Rien à faire.»

Contacté par Métro, le ministère provincial de la Sécurité publique a reconnu avoir reçu des demandes de financement des Cercles de soutien en 2018 et en 2019. Bien qu’il atteste des bienfaits des services «en maintien des acquis» complémentaires à la prise en charge en milieu carcéral, un nombre «très limité» de clients sous la responsabilité des Services correctionnels du Québec en bénéficiait.

«Ainsi, il était plus judicieux pour nous de continuer à financer des programmes qui répondent aux besoins d’un plus grand nombre de nos clients», a souligné par courriel une représentante du ministère de la Sécurité publique, Marjolaine Gagnon.

Celle-ci poursuit en rappelant qu’un enjeu de «priorisation des programmes à financer» en matière de réhabilitation sociale des délinquants sexuels a aussi contribué à faire pencher la balance.

Nous recevons annuellement un nombre de demandes de financements bien supérieur au budget disponible pour cette activité. Le ministère de la Sécurité publique finance annuellement une douzaine d’organismes offrant des programmes de lutte à la délinquance sexuelle pour l’ensemble de la province.

Ministère de la Sécurité publique du Québec

Pour sa part, Sécurité publique Canada n’avait émis aucun commentaire au moment de la publication de cet article.

Voilà que le filet de protection s’est rompu. Des délinquants sexuels recouvrent leur liberté sans cette aide. Faut-il s’en affoler? «Non, croit André Maillard, mais c’est sûr qu’il y a un risque… Les gars ont perdu une ressource majeure au niveau de la délinquance sexuelle à Montréal.»

À ce sujet, le ministère de la Sécurité publique du Québec assure que le «réseau correctionnel de Montréal bénéficie de partenariats avec quatre organismes communautaires ou institutionnels pour des services d’évaluation, de sensibilisation, de thérapie, et d’accompagnement».

«Il est également possible de référer notre clientèle au réseau de la Santé et des services sociaux, de même que vers des services privés», conclut-il.

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