Visite de Joe Biden: les Haïtiens de Montréal appellent à la coopération, non à l’ingérence
Le président américain Joe Biden a peut-être bien fait de ne pas visiter Montréal dans le cadre de sa visite au Canada. Le chef d’État aurait été accueilli à coup de tambours et de slogans hostiles par certains membres de la communauté haïtienne.
Quelques dizaines d’Haïtiens ont manifesté devant le consulat général des États-Unis à Montréal vendredi, pour dénoncer «l’ingérence américaine dans les affaires internes» du pays.
«Non à l’ingérence étrangère en Haïti et à l’occupation du territoire», a scandé un des leaders de cette mobilisation, Ismael Rebert, à l’aide d’un mégaphone, avant de préciser que «c’est aux Haïtiens de régler le problème haïtien».
«Un syndicat d’ambassadeurs»
«On est ici pour passer un message clair: non à l’ingérence du Core Group en Haïti», a renchéri la militante des droits civiques et de l’immigration Jenny Laure Sully, bien connue à Montréal. Le Core Group comprend les représentants du Canada, de la France, des États-Unis, du Brésil et des membres de l’Union européenne (EU) en Haïti. Il a été mis sur pied en 2003.
«Dans aucun autre pays, on ne va retrouver des diplomates et former une espèce de syndicat des ambassadeurs étrangers pour déterminer l’avenir d’un pays. Il faut que cela cesse. C’est un groupe raciste qui ne respecte pas la souveraineté d’Haïti», a fustigé la militante Jenny Laure-Sully, face aux manifestants rassemblés devant le consulat américain.
Des artistes s’impliquent
Même s’ils n’étaient pas nombreux, les manifestants ont pu compter sur l’appui de personnalités québécoises bien connues. L’artiste Angelot Cadet était là «en guise de soutien» à son peuple haïtien «qui subit les actes de gangs». «Cela touche tout le monde», a-t-il affirmé en entrevue avec Métro, avant de préciser que sa mère vit encore en Haïti et qu’elle subit cette insécurité.
L’artiste appelle à un accompagnement de la Police nationale d’Haïti (PNH) tandis que Justin Trudeau, le premier ministre canadien, a annoncé l’attribution d’un montant supplémentaire de 250 millions de dollars destinés à la formation de nouveaux policiers pour renforcer la police nationale.
«Ils veulent former des policiers, mais au moment où l’on se parle il y a des gens qui meurent et qui vivent dans l’insécurité», a déploré le comédien d’origine haïtienne. Il affirme que la situation rappelle étrangement celle des «cartels». «Il y a sûrement des gens derrière, des gens qui profitent de la situation. Il ne faut pas que cela rappelle l’occupation américaine de 1923», a-t-il plaidé.
Il dit être «content» de voir les sanctions autonomes canadiennes qui ciblent certaines personnes «mais il faudra que d’autres pays fassent la même chose», ce que le premier ministre canadien a fait à plusieurs reprises.
Commencer par Joe Biden
Le directeur général de la radio haïtienne de Montréal, CPAM1410, Jean Ernest Pierre, abonde dans le sens de la coopération avec les forces de police haïtiennes. Mais il faudrait tout un calendrier des opérations, et surtout, un petit peu de bonne volonté de la part des Américains, selon lui.
«Je commencerais par Joe Biden qui laisse passer les armes. Car si les armes continuent de rentrer, on ne sera pas mieux», croit M. Pierre. Quant à Justin Trudeau, Jean Ernest Pierre estime qu’il devrait montrer un peu plus de sérieux dans ses initiatives face à la crise haïtienne.
«Ce que fait Justin Trudeau jusqu’à présent, ce sont les sanctions, les avions et les bateaux qui ne donnent absolument rien. On a besoin de concret», martèle l’avocat d’origine haïtienne.
Notons que Justin Trudeau a annoncé, dans le cadre de la visite du président américain, une aide substantielle de 250 millions pour l’humanitaire et la formation de la PNH.