Anabelle Guay: partir sur une lancée de 1250 km
Selon un sondage Léger réalisé entre décembre 2022 et janvier 2023, 53% des 660 répondantes âgées de 17 à 25 ans se considèrent comme étant moins actives présentement qu’à l’adolescence. À 22 ans, Anabelle Guay contribue à faire mentir cette donnée préoccupante.
Depuis l’enfance, Anabelle a toujours bougé. Que ce soit en randonnée dans la forêt, en vélo sur les routes du Québec ou en frappant des ballons de volleyball dans un gymnase.
Dans un pays où 62% des filles ne pratiquaient aucun sport en 2020, la constance de la jeune femme est admirable. Sa fidélité à l’activité physique, elle l’attribue à son entourage. Elle a grandi au sein d’une famille de mordus de plein air, et à l’école, ses professeurs d’éducation physique l’encourageaient à persévérer.
Du soutien, elle en a toujours trouvé près d’elle. De toute façon, si elle s’était mise à le chercher ailleurs, elle n’en aurait peut-être pas trouvé aussi facilement. Certes, la couverture médiatique de performances d’athlètes féminines s’est accentuée ces dernières années, mais la sous-représentation des femmes dans le monde du sport persiste, tout comme le manque de diversité corporelle dans la pratique de l’activité physique.
«J’ai toujours fait du plein air, mais j’ai rarement vu des gens qui me ressemblaient dans les montagnes», témoigne Anabelle.
De ce constat et d’une grande soif d’aventure est née une idée folle: celle de marcher, pédaler et ramer 1250 km, de Saint-Denis-de-Brompton, sa ville natale, jusqu’aux Îles-de-la-Madeleine, et ce, en pleine autonomie.
«En ayant eu peu de modèles, je me suis dit que ce projet pouvait montrer aux gens que peu importe notre forme physique ou notre forme corporelle, on peut se mettre au défi. Comme m’a toujours répété mon père: “Slow pace wins the race”.»
Il faut mentionner que la jeune femme a hérité du gène de l’aventurière. Il y a plusieurs années, son père a sillonné pendant plusieurs mois le mythique sentier des Appalaches, un parcours de 3500 km traversant plusieurs États américains, du Maine à la Géorgie. Souhaitant elle aussi «se lancer dans le vide», elle a commencé à planifier son propre projet sportif il y a un an et demi.
«Le secret d’une bonne préparation, c’est de bien s’entourer de gens qui nous permettent de nous propulser.»
Déjà sage de ses expériences en randonnée et en cyclotourisme, Anabelle a décidé de demander de l’aide pour se préparer à la facette inconnue de son voyage: le bateau à rame océanique.
Nulle autre que Mylène Paquette, cette navigatrice ayant traversé seule l’Atlantique Nord, a répondu à l’appel. «En ayant Mylène comme mentore, j’ai pu découvrir et comprendre beaucoup plus de choses, beaucoup plus rapidement que si elle n’avait pas été là.»
Toutefois, Anabelle avoue que tout l’accompagnement et la préparation du monde ne l’empêchent pas d’éprouver une certaine peur. «Je vais devoir apprivoiser la solitude et le doute, admet-elle en riant. Mais l’important, c’est de le faire. On met nos propres barrières. Il faut juste se lancer.»
Mais pour se lancer, plusieurs filles et femmes ont besoin d’un élan, d’être outillées, de prendre appui sur des histoires inspirantes comme celle d’Anabelle.
Donner de l’élan au mouvement
C’est la mission que s’est donnée La Lancée, l’un des partenaires qui appuient le projet sportif d’Anabelle. Il s’agit d’un mouvement porté par le gouvernement du Québec pour d’abord et avant tout accroître la participation, toujours timide, des filles et des femmes à des activités sportives.
«Au Canada, le tiers des filles délaissent la pratique de leur sport à l’adolescence. Pour les garçons du même âge, c’est seulement le dixième», souligne la rédactrice en chef pour La Lancée, Tatiana Polevoy.
Une statistique qui inquiète particulièrement celle qui est aussi mère d’une enfant de sept ans. «Le sport préféré de ma fille, c’est la gymnastique. Je l’encourage là-dedans, mais en m’impliquant dans La Lancée, j’ai appris que plus un jeune essaie une variété de sports, plus il risque d’être actif rendu à l’âge adulte. Je vais donc bientôt initier ma fille au karaté», explique-t-elle.
Une préoccupation que tout un chacun devrait aussi prendre au sérieux si on veut donner de l’élan à l’avancement de l’équité dans des postes stratégiques et décisionnels, particulièrement dans le domaine du sport.
«On veut voir davantage de leaders féminines à la tête d’organisation de sports, de plein air et de loisir, comme Julie Gosselin chez SPORTSQUÉBEC», cite-t-elle à titre d’exemple.
Elle ajoute qu’en 2019, seulement 28% des membres des conseils d’administration de ce type d’organismes étaient des femmes.
«C’est prouvé! s’exclame Mme Polevoy. Les femmes qui bougent ont plus de chances d’être des leaders et les leaders ont plus de chance d’être actives.»
Mais pour que survienne un véritable changement sociétal, il faudra mettre les projecteurs sur les pionnières qui ont laissé un sillage.
«La Lancée, c’est comme le souffle dans les voiles d’un bateau déjà en mouvement», illustre Tatiana Polevoy.
La Lancée s’attellera donc à passer le mot pour sensibiliser le plus de personnes à l’enjeu de la pratique de l’activité physique chez les femmes et à rallier les actrices et acteurs influents du monde du sport, de l’activité physique et du plein air à la cause.