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Logement social et abordable: où en est le Règlement pour une métropole mixte?

La première décoration du char allégorique a pris la forme d’un graffiti où il est inscrit « Du logement social maintenant ». Photo: David Beauchamp, Métro

Avec l’entrée en vigueur du Règlement pour une métropole mixte (RMM), anciennement règlement 20-20-20, l’administration Plante souhaitait «changer les règles du jeu» dans son rapport de force avec les promoteurs immobiliers. Mais pourtant, ces derniers semblent préférer payer une contribution financière que d’avoir à construire du logement social, abordable ou familial.

Bien que dans son intention, la mairesse souhaitait «transformer une discussion ouverte» en une «obligation que dans les projets immobiliers, il y ait du logement social, du logement abordable et du logement familial», deux ans après les résultats de ce projet ambitieux se font toujours attendre. 

Sur les 145 ententes effectuées entre la Ville et des promoteurs, seulement cinq ont permis la cessation d’un terrain ou d’un projet clés en main à des fins de logement social et abordable. Les 140 autres ententes se sont conclues par une compensation financière de la part des promoteurs.

Depuis le 1er avril 2021, le RMM oblige toute personne réalisant un projet impliquant l’ajout d’au moins un logement et d’une superficie résidentielle de plus de 450 m², soit environ 5 logements, à conclure une entente avec la Ville. Cette entente oblige les promoteurs à inclure 20% de logement social, 20% de logement abordable et 20% de logement familial au sein de leur projet.

Le règlement permet cependant aux promoteurs de se défaire de l’obligation en matière de construction de logement social et abordable en cédant directement un immeuble en faveur de la Ville sous la forme de terrain vacant ou de projet clés en main qui sera utilisé à ces fins. 

Ils peuvent aussi verser une contribution financière à la Ville afin de compenser l’absence de logement social, abordable ou familial dans leur projet. Selon le règlement, ces contributions visent notamment à «financer la hausse des contreparties financières pour la cession d’un terrain». 

Bien que le besoin criant de nouvelles unités témoigne de l’ampleur de la crise du logement qui frappe la métropole, le règlement mis en place par la ville semble ainsi favoriser la contribution financière des promoteurs au dépit de la construction de logements sociaux et abordables. 

De l’argent, mais pas d’unités

La Ville de Montréal a rendu publics depuis quelques mois les indicateurs de performances des ententes effectuées dans le cadre du règlement. Les données montrent que les promoteurs utilisent majoritairement la clause leur permettant d’effectuer une contribution financière au lieu de construire des logements sociaux et abordables à même leur projet. 

Résultats du RMM en date du 23 juin 2023

Nombre total d’ententes entre la Ville et les promoteurs dans le cadre du RMM : 145
Nombre d’ententes qui prévoient une contribution financière pour le logement social : 140
Montant des contributions financières pour le logement social (en dollars) : 16,348,334$
Nombre d’ententes qui prévoient une contribution financière pour le logement abordable: 145
Montant des contributions financières pour le logement abordable (en dollars) : 4,794,863$

Lors du conseil municipal de juin dernier, le chef de l’opposition officielle à l’Hôtel de ville, Aref Salem, interpellait l’administration Plante au sujet des résultats de ce règlement. 

Il a profité de l’occasion pour mentionner que deux ans après son adoption, «aucune ville au Québec n’a pris se règlement pour le mettre en place» tout en rappelant qu’aucun bilan n’a encore été fourni par l’administration Plante. 

«Est-ce que ce règlement est en train d’aider à avoir plus de logements abordables, si en deux ans on n’a pas eu de bilan? a-t-il dit. Il faut se poser cette question-là: si on met plus un frein au développement, faut-il peut-être l’abolir ou trouver une autre façon d’aider le marché à avoir du logement abordable.» 

Le «bilan de l’an 2», comme le promet le document de présentation du RMM, n’a pas encore été présenté alors qu’il est écrit qu’un «bilan de la mise en œuvre sera produit au début de l’année 2023». Ce même document explique que certains questionnements devront être adressés quant au caractère «adapté» du règlement. 

Parmi les questions que devra soulever le bilan se retrouve la suivante: «le Règlement favorise-t-il les contributions en nature plutôt qu’en espèces? Favorise-t-il les projets clés en main?». 

Questionné lors de la période de questions par un citoyen au sujet de ce bilan, le vice-président du comité exécutif et responsable de l’habitation, Benoit Dorais, a assuré que «malgré que certains voudraient peut-être le voir aboli, il faut comprendre que le règlement pour une métropole mixte est là pour durer». 

Selon lui, ce règlement permet avant tout d’avoir de la «prévisibilité au-delà des cycles économiques».

«Si en ce moment le cycle économique fait en sorte qu’on est dans un creux de vagues ça peut-être plus difficile surtout dans un contexte de modification réglementaire de la part du gouvernement du Québec, a-t-il dit. Pour ce qui est du logement social, le règlement pour une métropole mixte est là, et on va en réviser certains pans.»

Des contributions financières pas assez élevées

Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) considère que les contributions financières demandées aux promoteurs ne sont pas assez élevées, leur donnant ainsi l’opportunité de choisir l’option qui leur est la plus profitable.

«Le règlement est intéressant pour contraindre les propriétaires à inclure du logement social, mais si les montants qu’ils doivent payer ne sont pas suffisants au regard des profits qu’ils peuvent faire ça n’aura pas beaucoup d’effet, explique le porte-parole du RCLALQ, Cédric Dussault. Si ça leur rapporte davantage de ne pas faire de l’abordable et du logement social, et de simplement payer, c’est ce qu’ils vont faire.»

Il rappelle aussi le besoin criant d’avoir davantage de financement public pour la construction de logements sociaux et abordables expliquant que ce «n’est jamais une bonne idée de se reposer sur le privé pour construire du logement social».

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