Itinérance: Mobilisation contre un projet de logements dans le Quartier chinois

La façade de l'ancienne usine à cigares Davis and Sons, dans le Quartier chinois, où la Mission Old Brewery veut implanter un projet de logements.
L'édifice de l'ancienne usine de cigares Davis and Sons. Photo: Courtoisie - Ministère de la Culture et des Communications / Andréane Beloin

Syndrome du «pas dans ma cour» ou simple ras-le-bol? Des résidents du Quartier chinois s’opposent à un projet de logements pour contrer l’itinérance proposé par la Mission Old Brewery. La Mission affirme plutôt que l’impact sera positif.

À peine deux jours après avoir signalé que l’itinérance sera sa priorité numéro 1, la nouvelle administration montréalaise se trouve déjà aux prises avec un projet contentieux. Depuis quelques mois, plusieurs groupes et individus du Quartier chinois ont manifesté leur opposition à l’implantation d’un projet de logements pour locataires vulnérables dans l’édifice de l’ancienne usine à cigares Davis and Sons, sur la rue Côté.

La contestation a repris de plus belle maintenant que l’entreprise qui occupe l’édifice ainsi que le bâtiment voisin, Wing Nouilles Ltée, a annoncé la fin prochaine de ses opérations montréalaises. Des résidents du secteur craignent que le projet de la Mission Old Brewery ne soit mis sur la voie rapide.

Craintes pour la propreté et la sécurité

Mercredi, la Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR) a fait circuler une pétition demandant aux autorités municipales et provinciales de refuser tout appui au projet de logements. Son directeur, Fo Niemi, craint que l’endroit ne devienne un point de rassemblement pour les itinérants.

«Si rue Côté se transforme avec la population desservie par la Mission Old Brewery, l’achalandage de la population itinérante va augmenter. Ça va devenir un point de repère», affirme-t-il.

Yvan Michaud, résident du secteur et secrétaire de l’Association des résidents du Quartier chinois, en rajoute.

«Les femmes ont peur de circuler seules ici. Et la communauté chinoise, qui constitue encore la moitié des résidents, ils en ont ras le pompon. Pour eux, c’est la fin de la communauté chinoise», dit-il.

«Pas dans ma cour»?

M. Michaud se défend de faire preuve du syndrome de «pas dans ma cour». Il souligne que le secteur a accueilli plusieurs ressources pour les populations vulnérables au cours des dernières années. Il est temps d’en installer ailleurs, dit-il.

«Quand je suis arrivé dans le Quartier chinois, il n’y avait que la Mission Old Brewery à proximité. Vers l’an 2000, les résidents ont dit oui à l’implantation de la Rue des femmes. Par la suite, il y eu Projets autochtones du Québec et le site d’injection CACTUS un peu plus loin», souligne-t-il.

Maintenant on dit « wô ». Il faut qu’on soit consulté là-dessus.

Yvan Michaud, résident du Quartier chinois

Une solution aux problèmes, dit la Mission Old Brewery

Pour James Hughes, président et chef de la direction de la Mission Old Brewery, le projet de logements va aider à régler les problèmes de cohabitation plutôt que les exacerber.

«Je pense que plusieurs résidents gardent en mémoire le refuge qui a été installé au Complexe Guy-Favreau, tout près, pendant la pandémie. Il y avait effectivement eu des problèmes. Mais notre projet ce n’est pas un refuge, ni un centre de jour, ni un site d’injection. Ce sont des logements. Ce sera comme n’importe-quel autre bloc appartements», dit-il.

Ils ont peur parce qu’ils pensent à des pommes. Mais nous, on propose des poires.

James Hughes, président et chef de la direction de la Mission Old Brewery

Selon M. Hughes, le projet installerait 60 unités de logement pour des personnes de 50 ans et plus. Des gens issus de l’itinérance qui ont la capacité à être autonomes, ainsi que des personnes à risque de sombrer dans l’itinérance.

Tirant exemple des autres projets semblables menés par la Mission, il n’entrevoit pas une augmentation des problèmes de cohabitation.

«Notre expérience, c’est le contraire. Les résidents deviennent des membres de la communauté et contribuent à son épanouissement.»

M. Hughes dit avoir parlé aux résidents à quelques reprises. Il compte tenir des consultations en bonne et due forme si la Mission Old Brewery réussit à acquérir le bâtiment.

L’ancienne usine à cigares Davis and Sons appartient aujourd’hui à la compagnie immobilière Hillpark Capital. La Mission espère obtenir une subvention gouvernementale pour y arriver.

La Ville observe

Du côté de l’administration municipale, le nouveau responsable de l’itinérance au comité exécutif, Claude Pinard, souhaite s’assurer que le projet soit bien adapté au secteur.

«Notre plan est de nous attaquer rapidement à la crise de l’itinérance en développant des projets d’habitation de tous les types […]. Nous avons aussi la responsabilité de nous assurer que la revitalisation des immeubles vacants s’ancre dans l’identité et la réalité des quartiers. Le Quartier Chinois mérite un projet qui le dynamise», dit-il. 

M. Pinard souhaite rencontrer les parties prenantes pour «bâtir ensemble une solution qui contribue réellement à l’essor du secteur».

M. Pinard et la mairesse Soraya Martinez Ferrada ont fait de la lutte à l’itinérance la pierre angulaire de leur mandat.

L’ancienne usine à cigares Davis and Sons a été classée comme édifice patrimonial en 2023, tout comme les bâtiments adjacents. Ils font partie du Site patrimonial du Noyau-du-Quartier-Chinois.

Le bâtiment adjacent, où est affiché l’enseigne de Wing Nouilles, est particulièrement important pour la communauté. C’est la plus ancienne manufacture chinoise à Montréal, fondée en 1897.

Fo Niemi craint que le projet de logements pour personnes vulnérables ne lui fasse perdre sa valeur patrimoniale. Il aimerait plutôt voir un projet communautaire ou culturel, comme un «mini-musée».

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