Les spéculateurs font fi de la Régie du logement
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Malgré le moratoire montréalais sur la transformation en condos, la Régie du logement a accordé en 2010, 236 permis de conversions de logements locatifs en copropriétés divises sur le Plateau, une hausse de 46% par rapport 2004. Et ces statistiques ne comprennent pas les transformations en copropriétés indivises qui permettent aux spéculateurs de contourner la Loi.
Ces derniers invoquent notamment des agrandissements ou de nouvelles subdivisions pour évincer les locataires. Puis, une fois les travaux terminés, ils transforment les logements de leurs immeubles en copropriétés indivises pour les vendre à des copropriétaires avec une substantielle valeur ajoutée à la clé. L’été dernier, le parti Projet Montréal estimait qu’il se perdait de cette façon près de 600 logements locatifs par an sur le Plateau.
«C’est la preuve qu’il y a urgence de modifier le cadre législatif», clame Sophie Sénécal, organisatrice communautaire au Comité logement du Plateau Mont-Royal (CLPMR). L’organisme demande notamment que les évictions pour des fins de subdivision, d’agrandissement ou de changement de vocation soient interdites. En attendant une modification de la loi, le CLPMR souhaite que la Régie impose un moratoire sur les changements d’affectation dans les arrondissements disposant notamment de moins de 3% de logements locatifs vacants.
Du côté de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), l’analyse est tout autre. «Même avec un contrôle plus serré, on ne règlera pas le problème», indique son porte-parole, Hans Brouillette. «Tant qu’on ne prendra pas des mesures pour réinvestir dans le parc locatif, ce dernier va continuer de se délabrer et finir par être remplacé par des condos», selon lui. La CORPIQ milite contre le contrôle des loyers et l’inéligibilité des logements locatifs aux subventions du programme ÉcoRéno, qui rendent la location de moins en moins rentable.
Parmi les dizaines de citoyens faisant appel à l’organisme à la suite de la réception d’un avis d’éviction, le comité de logement a présenté le cas de Benjamin Simard Lachance. En 2011, ce locataire avait contesté sans succès son éviction devant la Régie. «Quand un propriétaire présente des plans d’architecte pour justifier la subdivision des logements, c’est difficile d’invoquer sa mauvaise foi», explique le jeune homme.
Mais quand il a vu récemment que le propriétaire avait, contrairement à sa promesse, mis en vente tous les anciens logements de l’immeuble qu’il occupait, il a décidé de réagir. Il s’oppose désormais à la transformation en condos divises de l’immeuble du 4426-4432, rue Fabre, «un cas assez rare», affirme-t-il.
«En effet, très peu de gens vont jusqu’aux audiences. Soit à cause des délais ou par découragement, et enfin parce que la pression se fait à coup d’offres de 5 000$, 10 000$, 15 000$ de la part des spéculateurs qui ne veulent pas de taches à leur dossier», explique une intervenante du CLPMR.
Qu’en dit la Régie?
- La Régie du logement indique que son rôle se restreint à faire appliquer la loi
- Elle ne peut donc émettre d’opinion sur un règlement
- Il revient aux municipalités d’élargir le moratoire, selon la Régie