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Commission Charbonneau: Une juriste explique les conclusions

Martine Photo: Scott Brammer

Martine

La commission Charbonneau a dévoilé mardi un rapport de quelque 1700 pages dans lequel des reproches ont été adressés ici et là à certains acteurs qui ont pris part, de proche comme de loin, à un système de collusion et de corruption, a noté la professeur de droit l’Université de Montréal, Martine Valois. Aucun blâme n’a toutefois été donné. Métro en a discuté avec la juriste.

Comment expliquez-vous qu’il n’y a pas de blâme officiel qui a été donné?
Il y a deux explications. La première, c’est qu’on n’a pas voulu permettre à des personnes d’attaquer le rapport dès le lendemain de sa sortie devant les tribunaux supérieurs parce que ça représente des coûts et que ça aurait prolongé le processus. On a voulu que le rapport mette l’accent surtout sur les recommandations que la commission faisait et non pas qu’on s’attarde au téléroman. Qui est-ce qui est dit à propos de qui ? Qui on croit ? Et qui on ne croit pas? On n’a voulu que l’éclairage porte sur l’essentiel.
Et la deuxième chose, c’est que dans à la loi fédérale sur les enquêtes, il y a un article qui permet à une commission d’établir des conclusions sur la faute d’une personne, ce qu’il n’y a pas dans la loi québécoise. Il n’y a pas cette obligation de la part de la commission Charbonneau de blâmer des personnes. Ça fait en sorte que les conclusions des rapports fédéraux, quand il y a des fautes, sont contestées pendant des années devant les tribunaux. C’est contre-productif.

Pourquoi la commission Charbonneau ne peut-elle pas déboucher sur des accusations criminelles?
La commission Charbonneau ne peut pas donner lieu à des accusations, même si les personnes ont fait des admissions. On ne peut pas utiliser leur témoignage dans une accusation criminelle. C’est une protection pour que les gens viennent se mettre à table et accepte de raconter leur histoire. La commission Charbonneau dresse un portrait des systèmes et des stratagèmes et fait des recommandations. L’UPAC fait des enquêtes sur des crimes qui ont aussi pu être évoquées devant la commission, mais les deux sont séparées, même si d’après ce qu’on a compris, ils ont collaboré tout au long de l’enquête.

Que pensez-vous des recommandations qui ont été formulées par la commission Charbonneau?
Elles sont bien fignolées. Les recommandations disent en fait que tout le processus d’octroi des contrats publics doit être dépolitisé et confié un organisme totalement indépendant qui s’appellerait l’Autorité des marchés publics. Tout relèverait de cette autorité. Et il n’y aurait plus aucun élu ou ministre qui pourrait faire quoi que ce soit à cet égard parce que cet organisme serait complètement dépolitisé. Il serait comme l’appareil judiciaire à l’écart du système politique.

Pensez-vous que le gouvernement libéral mettra en place des recommandations de la commission Charbonneau?
Les libéraux ne sont pas obligés, mais politiquement, ça va être difficile pour eux de ne pas le faire. Ce sont des recommandations. Ils sont libres de les adopter entièrement ou en partie. S’ils tardent à mettre en œuvre les recommandations, c’est la pression politique qui va s’exercer.

La juge Charbonneau a lancé un appel à la vigilance dans son allocution. Est-ce qu’on pourra dire qu’il y aura un avant et un après la commission Charbonneau?
Oui, mais l’après de la commission Charbonneau a commencé il y a deux ans. La présidente a remercié Lino Zambito et Michel Lalonde. C’est grâce à eux que d’autres personnes se sont mis à table. Tout ce qu’on a appris, c’était su par beaucoup de gens, mais pas par la population. Maintenant, on a un rapport écrit, où la commission dit ce qu’elle a entendu et ce qu’elle a retenu. On met ensemble les témoignages et on dit: «voilà l’histoire telle que nous on la comprend et voilà telle qu’elle s’est passé selon notre appréciation». Tout est par écrit et on va pouvoir s’y référer facilement. C’est documenté. La pression sera continue sur le gouvernement.

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