L’escouade Toussaint: «Tout est parti d’Hochelaga-Maisonneuve»
Les quatre jeunes frères Toussaint sont arrivés d’Haïti à Montréal à la fin des années 1970 avec leurs parents. Ils ont élu domicile dans Hochelaga-Maisonneuve, un quartier populaire où ils ont fait face à de multiples tentations, auxquelles ils ont cependant résisté en s’adonnant intensément à divers sports. Rencontre avec quatre Montréalais qui ont réussi leur intégration grâce à l’activité physique, qui est toujours au cœur de leur vie 40 ans plus tard.
Claudel
L’aîné, Claudel, est actuellement le directeur de la culture, des sports, des loisirs et du développement social de l’arrondissement de Montréal-Nord. C’est lui le premier qui s’est initié au soccer et qui, par la suite, a entraîné ses jeunes frères dans le sport. «Après une vingtaine d’années comme entraîneur, où j’ai pu coacher des jeunes comme Nick De Santis, de l’Impact de Montréal, je me suis tourné vers l’organisation d’événements sportifs», affirme celui qui a une maîtrise en administration publique.
«Mon défi, comme aîné de la fratrie, a été de garder le cap. Je savais que, si je faisais les mauvais choix – et ce n’est pas les tentations qui manquaient –, j’allais entraîner mes jeunes frères avec moi. Déjà à 15 ans, je vivais avec ce poids sur les épaules.» –Claudel Toussaint
Jean Robert
Son frère cadet Jean Robert a connu une carrière de joueur et d’entraîneur. Il a évolué pour le Supra de Montréal, l’ancêtre de l’Impact, de 1989 à 1991, dans la même équipe que Mauro Biello. Comme entraîneur, il a dirigé, entre autres, les Dynamites de Laval, dans le soccer civil québécois. Grâce à une bourse pour étudiant-athlète, il a complété un baccalauréat en administration à l’université Hartford, au Connecticut. Aujourd’hui, il est le responsable du programme sport-étude, concentration soccer, du collège Saint-Jean-Vianney.
Marc-Élie
Le suivant, Marc-Élie, a fait de l’athlétisme jusqu’à 30 ans, a représenté Haïti aux Jeux de la Francophonie et a été champion canadien avec l’équipe d’athlétisme de l’Université de Sherbrooke, où il a terminé sa carrière. Il est depuis la saison dernière l’entraîneur de sprint et de relais de la même université, qu’il a menée chez les filles à une médaille d’or au 4 x 200 m et à une médaille de bronze au 4 x 400 m au championnat canadien.
Pierre-Mary
Le dernier des garçons et non le moindre, Pierre-Mary, même s’il a commencé dans le soccer lui aussi, s’est vite retrouvé à faire du 5 000 m en été et du ski de fond en hiver. Mais ce qui l’intéressait le plus, dans le sport, c’était la partie préparation. C’est donc naturellement qu’il fait un baccalauréat en kinésiologie et une maîtrise en physiologie de l’exercice grâce à la prestigieuse bourse du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Il est chargé de cours à l’Université de Montréal et est l’un des auteurs de la série Mythes et réalités sur l’entraînement physique, publiée aux Éditions de l’Homme.
Hommage au quartier
«Je sais que beaucoup de personnes parlent en mal d’Hochelaga-Maisonneuve, mais c’est là-bas que nous, nous avons découvert le sport, que nous avons connu ce côté positif», clame Marc-Élie. Pour les quatre frères, cela ne fait aucun doute, ce quartier occupe une place importante dans la réussite de leur intégration au Québec.
«Que ce soit au parc Saint-Émile, qui est un lieu mythique pour nous, au centre de loisirs de notre petite école ou au parc Champêtre, où nous jouions au soccer, nous avons appris à aimer la vie et nous en sommes reconnaissants»,
dit quant à lui Jean Robert.
«Mon frère Marc-Élie et moi nous dansions dans les rues du quartier, nous faisions du break dance dans les écoles et, aujourd’hui encore, nous travaillons ensemble», se remémore Pierre-Mary ému.
Pour Claudel, l’aîné des quatre frères, certains jeunes quittent le droit chemin parce qu’on ne leur offre pas d’occasions, d’autres parce qu’ils ne saisissent pas l’occasion qu’on leur offre et d’autres encore parce qu’ils n’ont personne pour les encourager à persévérer. «Nos parents nous disaient et nous disent encore : il faut prendre sa chance. Le Québec t’offre une chance, prends-la!» conclut-il.
Ce message, les quatre frères l’ont transmis à leurs propres enfants, qu’ils ont tous amenés dans le quartier où ils ont grandi. C’est leur façon de dire merci à Hochelaga-Maisonneuve.