Les ennemies principales
Régulièrement, on nous apprend que les femmes seraient les pires ennemies des femmes. Les réactions épidermiques quant à l’apparence de Safia Nolin semblent donner raison à ces théories. Personne n’a fait le calcul, mais il semblerait que les commentaires les plus virulents ayant été déversés à son endroit émanaient de femmes, sans compter ceux provenant des chroniqueuses Sophie Durocher, Lise Ravary, Denise Bombardier et Josey Arsenault.
Est-ce parce qu’on les remarque plus? Parce que la violence entre femmes nous semble plus grave? Parce que ça nous rassurerait de croire que les femmes aussi font partie du problème? Ou parce que ces exemples de misogynie féminine nous permettent de détourner notre attention de la misogynie perpétrée plus banalement par certains hommes?
Récemment, une étude analysant près de 19 millions de tweets en venait à la conclusion que les insultes à caractère misogyne provenaient dans 52% des cas de femmes, ce qui amenait plusieurs médias à titrer que, sur Twitter, les femmes étaient plus misogynes que les hommes. Pourtant, entre les 48% de propos misogynes tenus par des hommes et le score des femmes, on est dans la marge d’erreur d’une enquête menée en partie par des robots.
On pourrait donc plutôt conclure que les hommes ET les femmes ont tendance à tenir des propos misogynes, ce qui n’aurait absolument rien d’étonnant. Les femmes n’évoluent pas en vase clos dans une société sexiste. Non seulement elles subissent la misogynie, mais elles en intègrent les mécanismes. Jusqu’à ce que certaines d’entre elles réalisent que ça n’a aucun maudit bon sens. Autrement dit, on ne naît pas féministe: on le devient.
On devient féministe une fois qu’on a pris la mesure des doubles standards qui existent toujours entre les hommes et les femmes, parfois après les avoir subis, et qu’on a reconnu que est un problème. Et même une fois qu’on devient féministe, il arrive encore que notre jugement soit teinté de misogynie. Comme une vilaine tache qui ne part pas au lavage.
Les femmes peuvent donc être misogynes. Mais elles peuvent aussi être solidaires. Et au-delà des commentaires mesquins et probablement jaloux qui ont fusé dans les derniers jours à l’endroit de Safia Nolin, il y a aussi les prises de paroles fortes et brillantes de ses consœurs. Il y a eu Cœur de pirate qui n’a «pas arrêté d’être en admiration totale pour sa volonté de ne pas se plier à des standards imposés ce soir-là». Il y a eu les Sœurs Boulay qui ont rappelé que ça prenait pas «pas de classe» pour être soi-même à un gala, mais de la confiance en soi et du courage. Il y a eu Ariane Moffatt qui a révélé les efforts parfois consentis pour fitter, sans pour autant échapper aux jugements des «gérants d’estrades frustrés qui ne nous connaissent qu’à travers le prisme vide des médias de masse». Les femmes peuvent être misogynes. Mais elles ont aussi le pouvoir d’être plus fortes que ça. Et ça, c’est beau.