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Michel Cadotte libéré en attendant son procès

Photo: Photo tirée de Facebook
Lia Lévesque et Giuseppe Valiante, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Michel Cadotte, qui est accusé du meurtre de sa conjointe Jocelyne Lizotte, atteinte de la maladie d’Azheimer, a été libéré vendredi en attendant son procès.

Le juge Michel Pennou, de la Cour supérieure à Montréal, a estimé que l’homme ne représentait pas de menace pour la société et que les circonstances particulières entourant l’infraction ne justifiaient pas de le garder en prison.

Lors d’un point de presse en fin de journée à l’extérieur du palais de justice de Montréal, M. Cadotte s’est dit satisfait de sa libération, ajoutant qu’il voulait «juste passer à la suite des choses».

«Je suis fatigué, épuisé», a-t-il déclaré, la voix empreinte d’émotion, avant de passer la parole à son avocate, Me Elfriede Duclervil.

Me Duclervil a demandé au public de respecter l’intimité de son client et de ses proches «parce que clairement, le dossier n’est pas encore terminé et que la situation est encore très difficile et très douloureuse» pour eux.

Michel Cadotte, 56 ans, avait affirmé avoir tué sa conjointe de 60 ans en l’étouffant avec un oreiller, au Centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) dans lequel elle résidait. Elle était atteinte de la maladie d’Alzheimer à un stade très avancé.

Un an avant le décès de Mme Lizotte, M. Cadotte avait formulé en son nom une demande d’aide médicale à mourir. Mais celle-ci avait été refusée. Mme Lizotte n’était déjà plus en mesure de formuler une telle demande par elle-même. Elle avait aussi signé un mandat d’inaptitude.

Le couple Cadotte-Lizotte s’était rencontré en 1997 et marié en 1998. Mme Lizotte avait éprouvé dès 2006 ses premiers symptômes de la maladie d’Azheimer, a relaté le juge Pennou en lisant son jugement sur le banc.

Elle avait fait un premier séjour à l’hôpital, en psychiatrie, en 2013. Son état s’était ensuite dégradé au point où elle ne parlait plus, ne pouvait plus manger par elle-même, devait être nourrie de purées pour ne pas s’étouffer; elle ne reconnaissait plus personne et passait ses journées pour l’essentiel alitée ou dans une chaise, sauf si le personnel la faisait marcher durant quelques minutes.

Mme Lizotte, dont la mère avait été atteinte d’Alzheimer, avait déjà dit à sa soeur qu’elle préférerait mourir plutôt que de finir ainsi, a relaté le juge.

M. Cadotte était pratiquement le seul à prendre soin de sa conjointe, et ce, depuis neuf ans, «au prix de son travail et de sa propre santé», a affirmé le juge. M. Cadotte s’est vu diagnostiquer une dépression majeure, pour laquelle il prend des médicaments. Il souffre également de troubles cardiaques et d’ostéoporose. Il vit maintenant de l’aide sociale, a indiqué le juge.

M. Cadotte a affirmé avoir mis fin aux jours de sa conjointe, le 20 février 2017, lorsqu’il est venu la voir, comme d’habitude, et qu’il a constaté qu’elle était dans une position inconfortable, «le cou cassé», qu’elle ne réagissait pas et qu’elle lui semblait négligée.

«Il s’agit du geste d’un homme aux prises avec un drame personnel», a affirmé le juge, qui a aussi évoqué son «épuisement physique et psychologique». Il l’a décrit comme «un aidant naturel» qui éprouvait «colère, tristesse, impuissance», et qui était «incapable de se résigner à négliger celle qu’il aime» et qui n’était plus l’ombre d’elle-même.

Le juge a aussi évoqué le cas célèbre au pays de Robert Latimer, qui avait tué sa fille lourdement handicapée de 12 ans, et qui avait été libéré sous conditions en attendant son procès.

Pour toutes ces raisons, le juge a estimé que la détention de M. Cadotte n’était pas nécessaire, bien qu’il fasse face à une grave accusation, celle de meurtre.

M. Cadotte a donc été libéré sous plusieurs conditions, parmi lesquelles l’obligation de résider chez sa soeur, de verser une caution de 10 000 $, de prendre la médication prescrite, de s’adresser au CLSC pour obtenir du soutien psychologique, de ne pas posséder de passeport et de ne pas en faire la demande, et de ne pas posséder d’arme à feu.

De plus, il ne devra pas entrer en contact avec le personnel du CHSLD Émilie-Gamelin, à Montréal, et ne pas s’y présenter. De même, il ne devra pas entrer en contact avec cinq personnes, leurs conjoints et enfants.

Le juge a également souligné que le cas de M. Cadotte était celui d’une personne, pas celui d’une cause — l’aide médicale à mourir. Et il a affirmé qu’il ne croyait pas que M. Cadotte avait agi ainsi pour provoquer un débat ou faire avancer la cause de l’aide médicale à mourir, mais bien à cause de sa situation personnelle.

«Nous sommes très contents d’une décision difficile du juge Pennou», a commenté son avocate, Me Elfriede Duclervil, à sa sortie du tribunal.

«Avant tout, ce que le juge Pennou retient, c’est que Michel Cadotte n’est pas une cause; Michel Cadotte est l’occasion de discuter d’un sujet qui est extrêmement difficile, un sujet de société, mais, avant tout, Michel Cadotte est une personne très particulière, qui est pris dans une cause, mais qui a une situation qui lui est propre à lui. Et c’est de ça qu’on traite, aujourd’hui, et non de l’aide médicale à mourir», a ajouté son avocate.

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