Arrêt Jordan: l’aide juridique comme solution
VANCOUVER — Les provinces ont largement ignoré l’aide juridique tandis qu’elles augmentaient les ressources dans le système judiciaire afin de se conformer aux limites strictes fixées par la Cour suprême du Canada dans son fameux arrêt Jordan, selon le président de l’Association des avocats criminalistes, Anthony Moustacalis.
Bien que l’arrêt Jordan, rendu en juillet 2016, ait forcé les provinces à apporter des changements pour s’assurer que les délais n’excèdent pas 18 mois en cour provinciale et 30 mois en cour supérieure, les avocats de la défense qui s’occupent de l’aide juridique ont été laissés en plan, selon Me Moustacalis.
En Ontario, par exemple, au lieu de financer l’aide juridique pour que les avocats en pratique privée travaillent davantage, le gouvernement s’est concentré à verser l’aide pour les avocats de garde qui s’assurent que les gens arrêtés aient leur audience de remise en liberté plus rapidement.
Les juges demandent maintenant à ce que les avocats de la défense soumettent des arguments écrits plus détaillés avant d’entamer le procès pour accélérer le processus, mais cette charge de travail supplémentaire n’est pas compensée par de plus grandes sommes en aide juridique.
Les avocats ont un nombre limité d’heures pour ces cas selon des normes établies dans les années 1980, mais les rencontres avec les juges et la Couronne, ainsi que les preuves scientifiques de plus en plus complexes occupent déjà beaucoup de leur temps, a ajouté Me Moustacalis.
L’aide juridique couvre environ 55 à 60 pour cent de tous les dossiers en Ontario, ce qui n’est pas suffisant, a-t-il plaidé.
«Si l’aide juridique était financée correctement, ce serait environ 80 pour cent de tous les cas. Quatre-vingts pour cent des personnes accusées ont soit un problème de santé mentale, soit des problèmes de dépendance à l’alcool — ou une combinaison des deux», a-t-il affirmé.
Environ 10 à 15 pour cent de tous les dossiers de Me Moustacalis nécessitent de l’aide juridique.
Le président dit que son association fait pression sur le ministère fédéral de la Justice sur l’aide juridique et d’autres enjeux pour régler le problème des délais.
Le ministère a dit par courriel qu’il ne pouvait pas divulguer le sujet de ses conversations avec l’Association des avocats criminalistes. Mais il a souligné qu’il travaillait avec les provinces et territoires pour s’assurer de réformer le système et de le rendre plus efficace.
Problème de relève
L’avocat criminaliste Richard Fowler a indiqué que les compressions dans l’aide juridique ont amené les avocats chevronnés à ne plus prendre sous leur aile de jeunes avocats pour ne pas qu’ils perdent la cause en raison de leur inexpérience.
«Vous pouvez avoir tous les juges du monde, vous pouvez avoir tous les procureurs du monde. Mais si vous n’avez pas un avocat de la défense qui est adéquatement formé et habileté, ces dossiers n’iront pas rondement», a-t-il soutenu.
«Il doit y avoir une injection d’argent dans l’aide juridique pour encourager et faciliter (les démarches) des avocats expérimentés pour qu’ils s’occupent de dossiers d’aide juridique», a-t-il ajouté.