Elle s’appelait Matoaka (ou l’histoire romancée de Pocahontas)
J’évite généralement de commenter les déboires du président des États-Unis. Je n’aime pas donner du temps, de l’énergie ou de la visibilité à un être aussi pathétique. Je m’étais juré de ne pas commenter ses propos sur Elizabeth Warren, mais nous y voilà.
Donald Trump recevait récemment les derniers Navajo Code Talkers, dont l’expertise et la langue ont été très utiles durant la Deuxième Guerre mondiale. En fait, beaucoup d’Autochtones ont été d’une grande aide aux Américains durant les deux guerres mondiales. Leurs langues étaient inconnues de l’ennemi, donc ont été utilisées pour les communications chiffrées. Bien évidemment, leur histoire est rarement racontée, malgré le fait que sans eux, plusieurs batailles auraient été perdues. D’ailleurs, ça me fait toujours mal de voir des Autochtones se battre pour un pays qui ne s’est jamais battu pour eux et qui les décrit comme des «merciless Indian savages» dans sa Constitution. Bref, même durant une cérémonie visant à remercier les Navajo Code Talkers, Trump a éprouvé le besoin d’attaquer Elizabeth Warren en la surnommant «Pocahontas». J’ai deux ou trois choses à vous dire à propos de celle qui s’appelait en fait Matoaka.
L’histoire de Matoaka n’est pas celle que vous avez vue dans le film de Disney. Elle ne s’est pas éprise d’amour pour John Smith et elle n’était qu’une enfant de 10 ans lorsqu’il l’a rencontrée. Elle s’est plus tard fait kidnapper, a été délivrée sous conditions, rebaptisée «Rebecca» et mariée à John Rolfe, qui l’a ensuite utilisée en Angleterre à des fins de propagande. Il existe plusieurs théories entourant son décès, mais ce n’est rien de beau. Elle était âgée de 21 ans. Comme pour plusieurs autres femmes autochtones, l’histoire de Matoaka a été romancée. Ce révisionnisme historique est d’ailleurs dénoncé par Sylvain Rivard dans son recueil Les poupées. Elles ont été inventées de toutes pièces ou sexualisées. Alors, ne vous surprenez pas si une femme autochtone affiche un air de dégoût si vous la surnommez «Pocahontas» pour flirter avec elle.
Selon les dires d’Elizabeth Warren, Donald Trump s’amuse à la harceler à grands coups de «Pocahontas» (le femme politique ayant déjà dit avoir une descendance autochtone). Le surnom de Matoaka ne devrait jamais servir d’insulte raciale, de technique de drague ou de caricature quelconque. Je suis également drainée de devoir faire un cours d’histoire chaque fois que quelqu’un utilise son nom pour me décrire, comme si elle n’avait jamais réellement existé ailleurs que dans un film d’animation.