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Des tomates bio au cannabis bio

Canopy Growth Corp., formerly Tweed Marijuana Inc., has signed a joint-venture deal with Les Serres Stephane Bertrand Inc., a large-scale tomato greenhouse operator in Quebec. Marijuana plants are pictured during a tour of Tweed Inc. in Smiths Falls, Ont., on Thursday, January 21, 2016. THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick Photo: Sean Kilpatrick / La Presse canadienne
Ugo Giguère, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Le plus grand producteur de tomates roses en Amérique du Nord, Les Serres Bertrand, convertit ses installations de Mirabel en serres de production de cannabis biologique.

Une nouvelle coentreprise formée d’un partenariat entre le géant canadien du cannabis Canopy Growth Corporation (TSX: WEED) et Les Serres Bertrand va diriger les activités.

Sous le nom Les Serres Vert Cannabis, la nouvelle coentreprise entend investir 15 millions $ pour adapter ses installations à la culture de la marijuana médicinale.

À terme, les serres de 700 000 pieds carrés pourraient produire jusqu’à 60 000 kilogrammes de cannabis par année destinés au marché québécois, selon le gestionnaire de Canopy Growth au Québec, Adam Greenblatt.

La nouvelle coentreprise doit déposer sa demande de licence auprès de Santé Canada afin d’être autorisée à produire de la marijuana à des fins médicales.

Selon Adam Greenblatt, le cannabis biologique produit par Les Serres Vert Cannabis pourra éventuellement desservir «tous les types de marchés» au Québec, ce qui inclut aussi le «pot» récréatif une fois que la loi le permettra au Canada.

Stéphane Bertrand, propriétaire des Serres Bertrand et qui compte 27 ans de métier dans la production de tomates de serre, dit prendre le virage vers le cannabis parce qu’il voyait «le mur approcher rapidement».

«Les salaires minimum m’ont fait réfléchir grandement. Les serres génèrent un pourcentage de revenu de quatre à cinq pour cent, ce qui est très marginal pour une centaine d’emplois et autant d’heures de travail. Avec le salaire minimum qui s’en vient à grands pas, à 15 $ de l’heure, je pense que ça pourrait mettre mon entreprise en péril. Si j’avais ce salaire minimum-là, en ce moment, mon entreprise serait en péril», explique le producteur qui met aussi en cause la mondialisation.

«C’est assez dur de compétitionner avec une tomate qui me coûte, à moi, 1,10 $ ou 1,25 $ à produire contre un produit mexicain vendu chez IGA à 1,50 $. Ça devient difficile d’être concurrentiel», précise l’homme d’affaires. Malgré tout, Stéphane Bertrand entend conserver une petite production de tomates roses en serre dans des installations récemment rénovées à Lanoraie.

Comme l’éthanol?

Le professeur Sylvain Charlebois, de la Faculté de management et d’agriculture de l’Université Dalhousie, compare le mouvement à celui des producteurs de maïs qui se sont tournés vers l’éthanol il y a dix ans.

«Pour le cannabis, ce n’est pas clair si la conversion de production vers le cannabis va être aussi substantielle. J’ai l’impression qu’il va y avoir de nouveaux joueurs qui vont arriver sur le marché et occuper une bonne partie de la production», observe cet expert de l’industrie de la distribution alimentaire.

Sylvain Charlebois rappelle que ce genre de transfert de production se produit chaque année en agriculture. «Les producteurs agricoles vont toujours être à la recherche d’opportunités pour faire plus d’argent. Ce sont des preneurs de prix, alors s’ils croient que le cannabis a un prix intéressant, ils vont en produire davantage», explique-t-il.

Du côté purement commercial, le professeur Charlebois voit un potentiel lié à l’absence de compétition. «La tomate compétitionne contre d’autres tomates de partout dans le monde. Dans le cas du cannabis, il y a beaucoup moins de compétition. Il pourrait même y avoir une opportunité à l’échelle mondiale pour les producteurs si d’autres pays décident de légaliser le cannabis», analyse-t-il. Les premiers producteurs auraient donc un avantage à se positionner dès maintenant, mais avec des objectifs à long terme.

De 150 $ à 5000 $

Chez les Producteurs en serre du Québec, une association affiliée à l’Union des producteurs agricoles, le président André Mousseau considère la nouvelle comme une décision d’affaires prise par un entrepreneur. «Quand on regarde la capacité de production, on parle de 5000 $ du mètre carré, tandis que pour la tomate, on peut produire entre 150 $ et 200 $. On n’est pas dans le même monde», compare M. Mousseau.

Ce dernier demeure néanmoins surpris de l’ampleur de la conversion. Il ne s’attendait pas à voir un aussi gros joueur tout abandonner pour la marijuana.

«On pensait que la venue du cannabis non thérapeutique pourrait servir à des petits producteurs ou des moyens producteurs pour diversifier leur production, mais il semble qu’à l’heure actuelle, la seule façon de le faire, c’est d’aller vers les grands ensembles», souligne le représentant des producteurs en serre.

«Si l’on veut produire du cannabis, à l’heure actuelle au Québec, il faut suivre les règles du cannabis thérapeutique et ces règles ne permettent pas à des petits producteurs d’y avoir accès parce que les coûts sont trop importants», ajoute André Mousseau.

Celui qui produit des cactus à Sainte-Madeleine ne s’inquiète pas de voir le «pot» prendre le dessus sur la production de légumes, de fruits ou de fleurs en serres. Loin de là. L’association a évalué que pour suffire à la demande de marijuana au Québec, il faudrait y consacrer une dizaine d’hectares, alors que l’on compte plus de 300 hectares de production en serres dans la province.

Seulement deux licences au Québec

Selon les données publiées par Santé Canada, un total de 80 licences de production de cannabis à des fins médicales ont été octroyées, en date du 8 décembre, au pays. Seulement deux licences ont été accordées au Québec.

Canopy Growth Corporation fait figure de géant dans l’industrie canadienne avec des installations dans sept provinces et des cultures totalisant trois millions de pieds carrés.

L’entreprise exploite un autre site de production au Québec, sous le nom Vert médical, basé à Saint-Lucien, qui attend lui aussi sa licence de Santé Canada.

D’après les informations contenues dans le communiqué de presse de l’entreprise, Stéphane Bertrand obtient des actions ordinaires de Canopy Growth d’une valeur de 2,75 millions $. Il obtient aussi 33,3 pour cent des parts de la nouvelle coentreprise, alors que Canopy Growth et Canopy Rivers possèdent ensemble 66,7 pour cent des parts de Vert Mirabel.

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