Harcèlement: le NPD suspend le député Erin Weir
OTTAWA — Le Nouveau Parti démocratique suspend temporairement de ses fonctions Erin Weir, député de Regina-Lewvan, en Saskatchewan, visé par des allégations de harcèlement envers des employées de son parti.
«Il s’agit d’une allégation troublante que je prends très au sérieux», a affirmé le chef du NPD, Jagmeet Singh, lors d’un point de presse dans le foyer de la Chambre des communes.
Cette décision a été prise jeudi sur la base d’un courriel envoyé à l’ensemble du caucus du NPD par la députée Christine Moore une journée plus tôt. Selon une source, elle répondait à un envoi de M. Weir où il manifestait son intention de se présenter comme président du caucus du NPD. Mme Moore aurait alors répondu à tous qu’elle s’y opposait parce qu’elle s’inquiétait du comportement harcelant qu’il aurait eu envers des femmes. Ces employées se seraient confiées à elle.
«Il est important que nous prenions ce genre d’information au sérieux, a-t-elle déclaré dans un courriel. Je fais confiance au processus mis en place, et j’y participerai dans toute la mesure de mes moyens.»
Il n’est pas clair si elle a été témoin de quoi que ce soit. Aucune victime ne se serait manifestée pour l’instant et rien n’indique que le harcèlement serait de nature sexuelle.
«À ce moment, on n’a pas une survivante ou un survivant pour vraiment mettre en oeuvre notre processus, a reconnu M. Singh. Donc, à ce moment je veux être clair que je prends ces allégations au sérieux et je veux vraiment montrer notre engagement de créer un milieu (de travail) sécuritaire.»
Il a demandé une enquête indépendante pour faire la lumière sur ces allégations. Pendant le déroulement de l’enquête, M. Weir demeurera membre du caucus néo-démocrate, mais il ne sera plus porte-parole de son parti en matière de services publics et d’approvisionnement.
Dans une déclaration envoyée aux médias, Erin Weir dément formellement tout comportement déplacé. «Je peux affirmer avec certitude que je n’ai harcelé personne et j’accueille favorablement une enquête rapidement pour m’innocenter», a-t-il écrit en précisant qu’il ne savait pas exactement ce qu’on lui reprochait.
Aucun des députés interrogés par La Presse canadienne affirme avoir été témoin ou avoir subi du harcèlement de la part de M. Weir. Une ex-attachée de presse du Bloc québécois a toutefois signalé sur Twitter qu’elle «se cachait» de lui lorsqu’elle travaillait au parlement l’automne dernier.
«Il venait tout le temps me parler, a expliqué Camille Goyette-Gingras en entrevue. Il ne me lâchait plus. Fallait que je fasse des signes à mes collègues masculins pour qu’ils viennent me sortir de ces discussions-là.
«Ce n’était pas une agression sexuelle, il n’y avait pas d’avances explicites, a-t-elle ajouté. C’était un sentiment de malaise profond.»
M. Weir, âgé de 35 ans, a été élu pour la première fois aux Communes en 2015. Il avait été auparavant économiste auprès du Syndicat des Métallos.
Trop loin?
La suspension rapide d’Erin Weir alors que les faits qui lui sont reprochés demeurent flous soulève des questions sur la présomption d’innocence. La veille, le chef néo-démocrate avait affirmé qu’il fallait d’abord croire les victimes.
Le député libéral Denis Paradis estime «qu’il faut faire attention» avant de mettre la réputation d’un élu en jeu. Son frère Pierre Paradis, qui est député à l’Assemblée nationale, a été exclu du conseil des ministres et du caucus libéral l’an dernier en raison d’allégations d’inconduite sexuelle. La police avait ensuite enquêté, mais aucune accusation n’avait finalement été portée.
«Je ne veux pas faire de parallèle si ce n’est que c’est assez facile pour quelqu’un de faire des allégations qui ne sont pas prouvées, qui ne sont pas démontrées et à un moment donné t’es fait!», s’est-il exclamé.
Il faut croire les victimes, oui, mais également faire une vérification sommaire avant d’agir et de rendre l’information publique, selon lui.
Le député néo-démocrate Matthew Dubé a défendu la décision de son chef. «C’est un geste approprié, on a agi de la façon dont les Canadiens s’attendent de nous et surtout si on veut changer la culture dans les milieux où c’est problématique, il faut prendre ça au sérieux, il faut croire les victimes, il faut croire les gens quand ils arrivent avec des allégations extrêmement sérieuses.»
Un climat de suspicion règne au parlement depuis le début de la semaine. Le Parti libéral et le Parti conservateur ont chacun été secoués par des allégations d’inconduite sexuelle.