Jean Charest: «il faut rallier les gens avec de grands projets»
Malgré la publication d’un sondage donnant le Parti libéral troisième dans les intentions de vote, le premier ministre sortant blaguait et souriait, en ce J-25 de la campagne électorale, lorsque Métro l’a rencontré. C’est une des plus grandes forces de Jean Charest. Malgré l’incertitude, les débats agressifs et les mauvais résultats aux sondages, l’homme est capable d’endosser avec aisance n’importe quel costume selon les situations.
L’usure du pouvoir guette tous les gouvernements. Plusieurs de vos ministres prennent d’ailleurs leur retraite. Votre gouvernement est-il usé?
Non. Je constate surtout l’usure des idées de l’opposition. S’il y a de l’usure dans cette campagne, ce sont les idées de Pauline Marois et de François Legault. Du recyclage de préjugés et du remâchage de référendum. De notre côté, les résultats sont là. En économie, on fait un score exceptionnel et on en est très fier. Et c’est ce qu’on veut pour l’avenir.
Quels seront les défis du prochain gouvernement, peu importe le parti?
Équilibrer le budget. Ce sera un défi très important. Ce n’est pas qu’un discours. Ça touche la vie des gens, car c’est l’ensemble de l’économie qui est affectée par cet objectif, incluant la création d’emplois. Le plein emploi, c’est l’objectif que doit se fixer la société québécoise. Et mon ambition, mon rêve, c’est le Plan Nord. C’est un grand projet pour la génération actuelle.
Avec la commission Charbonneau qui recommencera en septembre, le gouvernement, peu importe le parti, devra travailler pour regagner la confiance des Québécois. Êtes-vous prêt à affronter la tempête?
La commission Charbonneau est totalement autonome. S’il y a des gens qui ont posé des gestes contraires aux lois, qu’ils soient libéraux, péquistes ou caquistes, conservateurs, bleu, vert… ça ne change rien. Tous ceux qui n’ont pas respecté les lois seront poursuivis.
Mais qu’allez-vous faire pour que les Québécois gardent confiance en nos institutions?
Le 4 septembre, les Québécois s’exprimeront là-dessus. On vit dans un environnement où il y a beaucoup de cynisme en politique. Les premiers à alimenter ça sont les politiciens. Cela étant dit, je crois qu’il faut rallier les gens avec de grands et beaux projets. La confiance, c’est dans les projets économiques, des projets qui touchent les familles et l’environnement.
Peu importe qui est éclaboussé par ce qui sera révélé en matière de corruption, la confiance des Québécois en la classe politique sera ébranlée. Qu’est-ce que votre gouvernement fera pour regagner la confiance?
On poursuivra ceux qui doivent être poursuivis. On a fait onze lois… On fait face à un problème qui existait avant qu’on soit au gouvernement et qui existe ailleurs dans le monde et on va agir de manière très ferme pour poursuivre ceux qui doivent l’être. Il n’y a pas de compromis là-dessus.
Le prochain gouvernement devra également régler le conflit étudiant une fois pour toutes.
On a toujours gardé la porte ouverte et on a tendu la main aux représentants des associations étudiantes. On s’est aussi tenus debout avec nos décisions, contrairement à Mme Marois et à M. Legault. Sur cette question, on craint pour l’avenir, car s’ils sont prêts à plier sur ça, comment ils vont faire pour négocier avec la fonction publique et dans les autres dossiers?
Ne craignez-vous pas de manquer de volontaires pour le poste de ministre de l’Éducation?
Non. Ça engage de grandes responsabilités. S’il y a une chose que je sais, c’est que c’est une responsabilité importante. C’est une des jobs les plus importantes dans le gouvernement du Québec.
Avez-vous déjà un nom en tête?
On attendra après les élections. Mais il y a plusieurs candidats possibles.
Trouvez-vous que certains thèmes n’ont pas été suffisamment abordés durant cette campagne?
L’environnement. J’aurais voulu qu’on en parle davantage dans les débats. Mme David en a parlé un peu, j’en ai parlé un peu. Le Plan Nord est un projet environnemental très important. C’est 50 % du territoire qui est protégé du développement industriel. On agit aussi contre les changements climatiques, et c’est important. Ce sont, par exemple, l’utilisation des voitures électriques. Une nouvelle économie se construira autour du développement durable.
Comment expliquez-vous le fait que le Plan Nord n’évoque pas le respect de l’environnement pour plusieurs personnes?
Les gens ont mis l’accent sur le développement minier et c’est ce dont on a débattu. Mais ça [l’aspect environnemental] n’a pas échappé aux observateurs. Le New York Times [1er mai 2012] a fait un éditorial où il décrit le Plan Nord comme le plus important projet de conservation de l’histoire. C’est un projet extrêmement important sur le plan environnemental et il a été développé dans un esprit où on ne veut pas juste développer l’économie pour l’économie. C’est aussi pour du développement social, et pour que les premières nations aient une base économique à partir de laquelle ils pourront travailler et s’épanouir.
La résistance s’explique-t-elle par un problème de communication?
Ça fait partie du débat. Il est normal que les grands projets fassent l’objet d’intenses débats. Sinon ce ne serait pas un grand projet. Mais c’est certainement un projet qu’il faut continuer.
Quelles sont les propositions du PLQ pour le développement de Montréal?
On veut investir au-delà de 300 M$ dans la rénovation du métro de Montréal. Les infrastructures, les gares, les accès pour personnes à mobilité réduite, davantage de voies réservées au transport en commun et de stationnements incitatifs. On veut aussi appuyer le 375e anniversaire de Montréal, qui arrivera en 2017. Il y aura une série de projets que nous identifierons avec la Ville de Montréal, qui toucheront le parc Jean-Drapeau ou encore le Biodôme. On investit beaucoup à Montréal : la Maison symphonique, le Quartier des spectacles, le Musée des beaux-arts.
On a aussi fait beaucoup pour les infrastructures de Montréal. Il y a deux hôpitaux universitaires en construction, le CHUM et le CUSUM, la ville se transforme. Il y a l’échangeur Turcot. Montréal est en train de vivre une période intense de rénovation de ses infrastructures qui ont été négligées dans les 40 dernières années par tous les gouvernements, incluant les libéraux, qui n’ont pas fait assez pour investir dans le maintien. On réinvestit, et ça changera Montréal. Le temps que ça prend pour rénover, ce n’est pas agréable, mais c’est nécessaire.
Quelles propositions avez-vous pour les 18-34 ans?
Le Plan Nord est un projet très excitant pour les jeunes; il a des retombées partout au Québec. Environ 3 800 entreprises de la région de Montréal sont des fournisseurs pour les entreprises qui travaillent avec les ressources naturelles dans le nord. Une étude de la Chambre de commerce de Montréal dit que, dans les ressources naturelles, il y a 14 500 emplois par année pour les 25 prochaines années. C’est un projet très mobilisateur. On continuera aussi à appuyer les familles; on veut des garderies dans les milieux de travail.
Donc il y a des emplois pour les jeunes dans le Plan Nord, mais lorsque vous avez blagué à ce sujet lors du salon du Plan Nord, [alors que les étudiants manifestaient à l’extérieur] cela a mis le feu aux poudres…
Faut pas exagérer. Je crois que les gens ont bien compris que, dans la salle, il y avait beaucoup de tension. C’est assez ordinaire d’avoir un événement où des manifestants entrent dans la salle.
Quelle est votre plus grande force en campagne électorale?
Parler vrai. Présenter les enjeux comme ils sont. En 2008, on a dit aux Québécois qu’on allait s’occuper d’économie, on a livré. Québec a connu une meilleure performance que partout ailleurs.
Et votre point faible?
On manque de temps. La campagne dure 35 jours et on voudrait en faire deux fois plus. C’est vrai pour tout le monde.
Si vous n’êtes pas élu le 4 septembre, que ferez-vous ensuite?
Le seul plan que j’ai est un gouvernement libéral.
- En rafale
Qu’est-ce que vous aimez le moins en campagne électorale? La perte de sommeil. On manque toujours de temps dans une campagne électorale.
Un candidat d’un autre parti que vous admirez? Je trouve que Françoise David [cochef de Québec solidaire] a fait un bon débat. Il y a de la clarté dans ses idées. Je ne les partage pas, mais elles ont l’avantage d’être claires.
Si vous ne faisiez pas de politique, que feriez-vous? Il y a mille choses que j’aurais aimé faire, mais je ne suis vraiment pas dans l’esprit de réfléchir là-dessus.
Quel est le meilleur coup du dernier gouvernement? Le Plan Nord.
Quel est le pire coup du dernier gouvernement? On ne communique jamais assez.
La première chose qui vous vient en tête lorsque vous entendez ces mots :
Jean Charest? Premier ministre.
Casseroles? Pauline Marois.
Plan Nord? Avenir.
Scrutin proportionnel? C’est possible.
Jacques Duchesneau? Double langage.
Journalistes? [Rires]